Pour permettre aux pays africains d'accéder à plus de ressources afin de financer leur développement, le Chef de l'État sénégalais invite les partenaires à avoir une juste perception du risque d'investissement sur le continent. Macky Sall appelle également les hommes d'affaires à se mettre en consortium.
Dakar abrite depuis hier le premier forum international des investissements du Sénégal. L'événement a réuni 3500 participants venant de 73 pays, d'après les organisateurs. Ouvrant les travaux, le Chef de l'État sénégalais a appelé, à nouveau, à changer les règles qui gouvernent la finance mondiale pour permettre aux pays africains de lever des fonds aux mêmes conditions que celles des pays développés. Macky Sall a expliqué que les conditions actuelles sont basées sur des perceptions qui exagèrent les risques et handicapent le continent. « À mon sens, le vrai enjeu du partenariat avec l'Afrique, aujourd'hui, ce n'est plus le débat sur l'augmentation de l'Aide publique au développement, mais comment avoir une perception juste du risque d'investissement en Afrique et comment faire pour que les Gouvernements des pays partenaires accompagnent les initiatives d'investissement privé en Afrique par des mécanismes de financement adaptés », a-t-il déclaré. « L'Afrique est un acteur qui demande de plus en plus des rapports de partenariat plus qualitatifs et plus équitables, pour une croissance et une prospérité partagée. Alors, travaillons ensemble pour relever le défi de l'accompagnement institutionnel de nos partenaires », a ajouté le Chef de l'État.
Macky Sall s'est aussi félicité de l'intérêt grandissant des groupes privés pour le continent avec des investissements qui se chiffrent en milliards de dollars. Soulignant que la création de richesse et d'emplois est l'affaire du secteur privé, il a invité les hommes d'affaires sénégalais à se mettre en consortium et à l'élargir à l'échelle sous-régionale, régionale et mondiale. Le Chef de l'État sénégalais est convaincu que tout le monde à sa place en Afrique au regard des importants défis à relever en termes de développement.
Le Président sénégalais a aussi insisté sur la paix, la sécurité, la stabilité et l'État de droit. « Ce sont les préalables sans lesquels il ne peut y avoir ni commerce ni investissement durable. Partout dans le monde, la paix, la sécurité, la stabilité et l'État de droit sont les piliers fondamentaux d'un environnement des affaires attractif. Ce sont les clés qui ouvrent la porte au commerce et à l'investissement. C'est ce que tout investisseur avisé cherche à évaluer avant de miser sur un pays », a-t-il dit. Macky Sall de rassurer en ces termes : « Il est donc de la responsabilité primordiale des pouvoirs publics de veiller au maintien de ces fondamentaux. C'est ce que nous continuerons de faire du Sénégal ».
Environnement des affaires attractif
Outre la paix, la sécurité, la stabilité et l'État de droit, le Président sénégalais a également insisté sur un environnement des affaires attractif qui met en exergue les atouts du pays et identifie les faiblesses pour les améliorer. « L'environnement des affaires n'est pas une donnée statique, mais une dynamique qui exige constamment une veille rapprochée pour dénouer les goulots d'étranglement afin de favoriser un environnement des affaires convivial pour l'investisseur et protecteur de l'intérêt public », a-t-il indiqué. Il a expliqué que le Forum « Invest in Senegal » s'inscrit dans une logique de perfectionnement « devant permettre au pays de délivrer de meilleures performances en restant à l'écoute de nos partenaires du secteur privé et en intégrant les meilleures pratiques qui se font ailleurs ». « Cela est d'autant plus nécessaire qu'à l'échelle régionale, continentale et internationale, nous évoluons dans un environnement de libre-échange et de compétition acharnée qui exige que nous interrogions sans cesse nos méthodes et procédures, afin qu'elles ne soient pas des freins au commerce et à l'investissement », a-t-il préconisé.
Reprenant le dicton qui dit que « le temps, c'est de l'argent », le Chef de l'État sénégalais affirme que l'investissement n'a pas de temps à perdre dans la bureaucratie, les procédures et les formalités. D'où les réformes engagées et visant à faciliter et à alléger les procédures administratives, à protéger davantage les droits des investisseurs et à offrir des incitations fiscales et douanières attractives. Au Sénégal, a-t-il souligné, ce programme s'articule autour de quatre axes : une digitalisation des procédures administratives liées à l'investissement privé et au commerce ; l'harmonisation et l'assainissement de l'environnement juridique et fiscal ; l'amélioration de la compétitivité des facteurs de production et la promotion de l'investissement à fort impact dans les pôles de développement.
Le Forum « Invest in Senegal », qui dure deux jours, ambitionne de faire du pays un lieu de rencontre privilégié des investisseurs intervenant en Afrique. Il est organisé par l'Agence pour la promotion des investissements et des grands travaux (Apix) en partenariat avec le Ministère de l'Économie, du Plan et de la Coopération et le Bureau opérationnel de suivi du Plan Sénégal émergent (Bos-Pse).
Le président du Conseil national du patronat du Sénégal (Cnp), Baïdy Agne, a magnifié, lors du 1er Forum « Invest in Senegal », la richesse des actes de gouvernance économique du Président Macky Sall. Il a cité, entre autres, la loi sur le contenu local dans le secteur des hydrocarbures pour promouvoir le secteur privé national ; l'accès des privés nationaux aux projets « Ipp » dans le secteur de l'électricité et les projets Ppp d'infrastructures portuaires pétrolières et gazières. Dans l'héritage du Président Macky Sall qui a renoncé à se présenter à l'élection présidentielle du 25 février 2024, il y a également le nouveau Code des marchés publics qui, d'après Baïdy Agne, donne « enfin un statut à l'entreprise nationale, mais aussi réserve un pourcentage à l'actionnariat majoritairement féminin et une place aux jeunes ». Le patron du Cnp a listé également les nombreuses réformes portant sur le climat des affaires, la réalisation d'infrastructures résilientes de dernières générations... « Notre fierté est aussi de voir notre pays relever les défis de la transition numérique, de la nouvelle économie-climat, de la gouvernance de ses ressources naturelles, de la mobilité économique et du dividende démographique à capter », a-t-il dit. Baïdy Agne de poursuivre : « Grand panafricaniste, vous avez changé le regard du monde sur l'Afrique : plus de respect et de considération à l'Oci, au G7, au G20, au Conseil de sécurité des Nations unies, à la résolution des graves crises mondiales, notamment la crise russo-ukrainienne. « Votre directive présidentielle d'organiser le 1er Forum « Invest in Senegal » traduit votre volonté d'ouvrir davantage notre pays au monde économique, au regard de ses performances économiques, ses capacités productives, ses infrastructures de dernière génération, ses ressources humaines jeunes et productives, sans oublier sa stabilité sociale ainsi que sa position géographique, carrefour de plusieurs destinations mondiales. Il s'agit, pour nous, d'insérer le Sénégal dans l'agenda des investisseurs étrangers et de contribuer à faire de Dakar un hub de services et d'attractivité de l'investissement direct étranger », a poursuivi le patron du Cnp, affirmant que « toutes les conditions sont réunies, car notre pays dispose de l'écosystème global approprié ».
Lors de son intervention, Baïdy Agne dit voir en l'organisation de ce Forum un appel à des partenariats. « Des plateformes africaines ont déjà un oeil ouvert sur ce que nous entendons réaliser... Je précise que notre projet vise la complémentarité et non la concurrence avec les places africaines existantes (...). Aujourd'hui, le regard que le secteur privé sénégalais porte sur le « Forum « Invest in Senegal » est celui qui nous invite à nouer des alliances stratégiques de partenariat et de co-investissements », a-t-il déclaré en mettant en avant les avantages comparatifs du Sénégal.
Les entreprises britanniques à la conquête du marché sénégalais
Prenant part au Forum « Invest in Senegal », les autorités britanniques y voient une « plateforme unique » pour promouvoir les opportunités d'investissement au Sénégal et renforcer les partenariats économiques entre le Sénégal et ses partenaires internationaux. Dans un communiqué, l'Ambassade du Royaume-Uni témoigne l'importance accordée par le Gouvernement britannique au développement des relations commerciales et économiques avec le Sénégal. Pour Madame Juliette John, le Forum « Invest in Senegal » est une plateforme idéale pour les entreprises britanniques qui souhaitent explorer le potentiel d'investissement dans ce pays. Il est aussi relevé dans la note que des projets d'investissement importants lient le Sénégal au Royaume-Uni dans des secteurs clés, tels que l'énergie et les infrastructures, mais aussi l'agriculture, les télécommunications et le secteur minier. Le communiqué renseigne également que le Royaume-Uni est un investisseur majeur dans les deux plus grands projets au Sénégal avec Gta qui bénéficie d'un financement de cinq milliards de dollars de Bp, et sur terre, dans le nouveau port de Ndayane, par l'intermédiaire du partenariat entre Dp World et la filiale du secteur privé, British international investment.
Mariama DIÉMÉ
FINANCEMENT DES GRANDS PROJETS
Les Partenaires techniques et financiers réaffirment leur engagement
Lors du panel présidentiel qui a suivi la cérémonie d'ouverture du Forum « Invest in Senegal », des entreprises comme British petroleum (Bp), Dubaï Port World, Attijariwafa Bank et la Société financière internationale (Sfi) ont affirmé leurs ambitions d'accompagner davantage le Sénégal et l'Afrique à travers des investissements dans des secteurs clés.
Le panel présidentiel qui a suivi la cérémonie d'ouverture du Forum « Invest in Senegal » a réuni plusieurs autorités gouvernementales et des représentants du secteur privé local et international. Parmi eux, le Directeur général d'Attijariwafa. Mohamed El Katani, conscient de l'importance des moyens financiers à mobiliser pour la réalisation de projets d'envergure en Afrique, a plaidé pour une « union des mécanismes financiers » afin de mieux porter la voix des États africains souvent freinés par les règles mondiales. « Les besoins sont gigantesques pour combler le gap en infrastructures. Il faut qu'on arrive à ce que les fonds souverains. Les banques, les assurances, les institutions portent le combat pour changer la perception du risque de l'investissement en Afrique », a lancé le Directeur général d'Attijariwafa Bank. À ses yeux, cette perception est souvent injustifiée. « On parle de risques. Moi, je ne connais pas d'investisseurs qui ont perdu de l'argent en Afrique alors qu'ils l'ont perdu ailleurs. Donc, ce risque n'est souvent qu'une perception », a affirmé Mohamed El Katani. Selon lui, il faut opter pour un développement panafricain et une coopération Sud-Sud. En ce qui concerne l'accompagnement du secteur privé, il estime que sa structure va poursuivre ses interventions pour le développement économique et social du continent. « Le financement à des taux raisonnables reste un problème à résoudre. L'Afrique doit faire confiance à l'Afrique et financer nos propres économies. Il nous faut des instruments nous permettant de mobiliser l'épargne publique locale et internationale. Les projets d'envergure nécessitent des fonds. En même temps, nous essayons d'aider les porteurs de projet à réaliser leurs rêves », a ajouté le Directeur général d'Attijariwafa Bank.
Le Directeur général de Dubaï Port World a, lui, réaffirmé les ambitions de son groupe au Sénégal avec en ligne de mire la construction et l'exploitation du port de Ndayane et l'installation d'une Zone économique spéciale (Zes). « Nous développons le projet du port de Ndayane avec un investissement d'un milliard de dollars. Nous fournissons des solutions. Après la construction, nous allons gérer un port et une Zone économique spéciale. Sans oublier l'installation d'entrepôts pour faciliter les échanges commerciaux », a affirmé Suhail Albanna. D'après lui, le port de Dakar est l'un des ports les plus performants en Afrique avec une croissance de 9 % et le triplement du volume des échanges. Il a cité également d'autres avantages du Sénégal, tels que la stabilité et la paix. « Le pays est en train de se développer rapidement. La politique du Gouvernement est encourageante pour les entités privées », a poursuivi le Directeur général de Dp World.
Le pétrole et le gaz étaient également au centre des discussions avec British Petroleum représenté par Bernard Looney. Son intervention a été axée sur le champ gazier Grand Tortue Ahmeyim, à cheval entre le Sénégal et la Mauritanie. Il a salué l'implication des Chefs d'État des deux pays qui a facilité l'avancement du projet. Il a indiqué que les investissements consentis s'élèvent à cinq milliards de dollars dans les deux pays. « Nous avons des projets importants et ambitieux. Les compagnies privées ont besoin de la coopération du Gouvernement pour réussir les initiatives et projets. Et c'est le cas dans cette collaboration avec les États », a expliqué Bernard Looney.
La Société financière internationale (Sfi) est la branche de la Banque mondiale dédiée à l'accompagnement du secteur privé, notamment des petites et moyennes entreprises. Son Directeur général pour l'Afrique de l'Ouest, Olivier Buyoya, a affirmé l'ambition de l'institution à accompagner les pays africains avec des investissements visant particulièrement le secteur agricole, le logement et les ressources énergétiques pour faciliter l'industrialisation. « Au Sénégal, nous avons un portefeuille qui approche le milliard de dollars dans tous les secteurs. Les opportunités sont nombreuses. Je cite particulièrement l'utilisation des ressources énergétiques pour développer l'industrie. Le secteur agricole regorge également d'un potentiel important. Il est important d'investir dans ce secteur, mais aussi d'aller davantage vers la transformation des matières premières. À côté, il y a la nécessité de développer les logements abordables en fonction du rythme d'urbanisation. Ces secteurs vont contribuer à créer des millions d'emplois », a déclaré Olivier Buyoya.
Prononçant le mot de clôture du panel, le Président de la République, Macky Sall, s'est réjoui de l'intérêt croissant des investisseurs, surtout des groupes privés. « Les besoins en financement de l'Afrique ne sont pas uniquement des financements. Nous devons faciliter au secteur privé l'accès au financement et avoir des règles financières mondiales adaptées aux réalités actuelles. Celles existantes sont déconnectées de la réalité », a affirmé Macky Sall.
MACKY SALL SUR LA FIN DE SON MANDAT
« Je ne quitterai ni le Sénégal ni l'Afrique »
Répondant à la question de la modératrice du panel sur son avenir après son départ du pouvoir, Macky Sall a assuré qu'il restera au Sénégal ou en Afrique. « Je ne quitterai ni le Sénégal ni l'Afrique », a répondu le Chef de l'État. En ce qui concerne la poursuite des chantiers, il espère que son successeur va les poursuivre tout en opérant des ajustements nécessaires. « Quand je suis arrivé, j'ai renforcé les projets initiés par mon prédécesseur. L'aéroport international Blaise Diagne qui était construit à 30 % a été achevé. Il y a également le Plan Sésame, la Case des tout-petits, entre autres. J'ai construit même un stade qui porte son nom », a dit Macky Sall. Le Chef de l'État s'est dit disposé à accompagner son successeur s'il le souhaite. « Je peux accompagner mon successeur s'il le décide. Sinon, je vais me reposer », a-t-il ajouté.
Les secteurs privés du Sénégal et de la Côte d'Ivoire invités à nouer des partenariats durables
La Côte d'Ivoire, pays invité d'honneur au Forum « Invest in Senegal », a été représentée par son Vice-président, Tiémoko Meyliet Koné. Après avoir salué le leadership du Président Macky Sall et les avancées enregistrées par le Sénégal, il a appelé les investisseurs des deux pays à travailler main dans la main pour accélérer le développement économique.
La Côte d'Ivoire est le pays invité d'honneur du premier Forum « Invest in Senegal ». Il est représenté par son Vice-président, Tiémoko Meyliet Koné, à la tête d'une forte délégation. Ce dernier s'est réjoui des relations fraternelles entre le Sénégal et son pays. Portant le message du Président Alassane Ouattara, il a salué les avancées importantes du Sénégal sous le leadership du Président Macky Sall. « Le Président Alassane Ouattara salue cette heureuse initiative de promotion des opportunités d'investissement dont regorge ce beau pays », a déclaré Tiémoko Meyliet Koné.
Pour lui, la problématique de l'investissement privé est, aujourd'hui, centrale dans les stratégies de politiques économiques, en particulier dans des pays comme le Sénégal et la Côte d'Ivoire qui ont amorcé la transformation structurelle de leur économie depuis des décennies. D'après M. Koné, ces deux pays font face à des besoins importants en investissements pour combler le gap en infrastructures, accélérer la croissance économique en vue d'améliorer le bien-être des populations.
« Ce Forum se propose de mettre en exergue une économie sénégalaise moderne malgré les effets du réchauffement climatique et de la guerre en Ukraine. À travers ce Forum, le Sénégal nous montre qu'il demeure un marché attractif pour tous les entrepreneurs et qu'il est une porte d'entrée vers tous les marchés de la sous-région », s'est félicité le Vice-président de la Côte d'Ivoire. Compte tenu du potentiel commun du Sénégal et de la Côte d'Ivoire, il a invité les opérateurs économiques des deux pays à travailler main dans la main. « Nos deux pays ont la volonté commune d'approfondir une coopération économique bilatérale à haut potentiel. Nos pays se positionnent parmi les économies les plus dynamiques dans la zone Uemoa (Union économique et monétaire ouest africaine), grâce à des réformes vigoureuses et des politiques économiques soutenues. Ils enregistrent une croissance soutenue et diversifiée.
Ces performances économiques en font les moteurs de la zone avec une contribution cumulée de 60 % du Pib. La complémentarité des économies offre des opportunités mutuelles en vue de la maîtrise des chaînes de valeur locales et sous-régionales. J'encourage les acteurs économiques sénégalais et ivoiriens à nouer des partenariats », a lancé Tiémoko Meyliet Koné. D'après lui, c'est une nécessité de sceller des partenariats durables, des relations fructueuses et d'oeuvrer main dans la main pour le développement économique de nos Nations. Il s'est également réjoui du dynamisme du partenariat entre les deux pays illustré par un volume des échanges qui est passé de 140 milliards de FCfa en 2018 à 230 milliards de FCfa en 2022.