Le sort de Keyla, deux ans, aux mains de ses «tuteurs-bourreaux» alors que ses parents sont en désintoxication, a bouleversé le pays. Cela renvoie à la cruelle réalité du fléau de la drogue et de ses ravages sur la famille et la société. Nous nous sommes intéressés cette semaine aux parents qui ont un enfant dépendant à un ou plusieurs stupéfiant.s. Quelle porte frapper lorsque son enfant vous entraîne au fond du gouffre avec lui.elle ? Témoignages...
Les yeux en feu à force d'avoir versé des «larmes de sang» en cinq ans de tourment et de lutte. Malgré cela, elle a retrouvé le sourire et surtout l'estime de soi. La métamorphose de cette mère de famille que nous avons rencontrée, jeudi en début d'après-midi, dans le salon ouvert sur la rue St Georges, à Port-Louis, de Lakaz A, ne s'est pas fait d'un coup de baguette magique. Nous surnommerons celle qui a accepté de se livrer sous le couvert de l'anonymat, Angie.
Flashback. Il y a un peu plus de cinq ans, Ashley*, le fils d'Angie sombre dans l'addiction à la drogue dure. Un fils intelligent qui a fini ses études, obtenu un bon travail et dont elle était tellement fière. Les parents d'Angie l'avaient prévenue : «Veyy to garson».
Il n'empêche que cette vérité brutale, a été «un coup d'épée en plein coeur» pour cette maman. «Jamais je n'aurai pensé que ce qui arrive aux enfants des autres, arriverait aussi au mien. Mon fils s'est laissé influencer. Il avait 27 ans. Je l'ai vu toucher le fond. Il a perdu son emploi et ne cessait de me demander de l'argent. Il me mentait comme le font ceux qui tombent dans ce fléau. Mais, mon enfant reste mon enfant..», se remémore Angie.
Sauf qu'elle-même n'en pouvait plus de voir souffrir son fils. Angie est tombée malade et sa santé s'est détériorée. Jusqu'au jour où elle est invitée par une amie à un weekend d'écoute et de partage (Lire plus loin) aux côtés d'autres parents ayant des enfants dans l'addiction.
«C'est là que j'ai ressenti l'atroce souffrance d'autres parents, y compris la mienne. Parmi les témoignages poignants, certaines mamans ont partagé comment elles ont dû quitter leur propre toit ou encore comment elles ont été menacées.»
Ce weekend de partage et de soutien a fait le plus grand bien à Angie. Au point où elle en voulait encore pour s'accrocher. Voilà comment elle s'est retrouvée à participer aussi aux rencontres et partages des parents qui vivent avec ce mal qui touche toutes les communautés et couches sociales, chaque jeudi, à Lakaz A, une maison d'accueil sise à côté de l'église Immaculée Conception à Port-Louis.
«J'ai été accueillie au sein d'une vraie famille à Lakaz A en octobre dernier. Aujourd'hui, je revis. Petit à petit, avec mon fils, nous retrouvons la lumière au bout du tunnel et je prie pour que cette fois-ci, après des rechutes, ça soit la bonne. Dieu est dans ma vie et ma foi a fait que je retrouve ma joie de vivre», raconte notre interlocutrice, qui est d'ailleurs une des animatrices volontaires et formées de ces sessions d'écoute et de partage.
Son fils aussi a été écouté et s'est résolu à aller en cure de désintoxication.
Le message d'Angie aux parents qui traversent des épreuves douloureuses qu'ils trouvent insurmontables, est de ne pas baisser les bras.
«Sortez chercher de l'aide pour votre enfant et vous. Beaucoup d'organisations non-gouvernementales ont pour mission de vous aider. Je suis fière d'être aujourd'hui une volontaire à Lakaz A où je peux partager ma souffrance et écouter les autres. Ne perdez surtout pas espoir. Tant qu'il y a la vie il y a de l'espoir. Met seki dimounn dir deryer ou ledo. Met oussi lorgeyy de kote. Si zot envi led enn gran lakaz A ouver pou akeyir zot dan lamour, lamitie.»
Aux jeunes qui pensent que prendre de la drogue pour le plaisir ou qui succombent à la tentation de goûter à une première dose, Angie leur demande de prendre conscience qu'en une fraction de seconde, leur vie et celle de leurs parents deviendront un enfer.
«Nul n'est à l'abri de n'importe quel fléau mais avant de toucher à une première dose, mettez le visage de votre maman pour qui vous êtes un cadeau de Dieu, devant vous. Est-ce que son coeur sera en paix ? Êtes-vous prêt à la voir verser des larmes de sang, de voir son coeur saigner?»
De conclure que «parey kouma kan montagnn brile tou dimounn trouve, kan leker mama brile, tou dimounn bizin trouve».
* nom d'emprunt
Lakaz d'amour, d'accueil et d'amitié
«Aucun parent ne souhaite voir son enfant avec une seringue à la main. Beaucoup se sentent responsables lorsque leur enfant tombe dans la drogue. Enn personn kan li tomb dan sa fléo-la linn rant tousel mé li pa kapav sorti tousel. Il a besoin de soutien et d'accompagnement», déclare une volontaire de l'accueil qui nous a reçue, jeudi, à Lakaz A.
Elle n'a pas d'enfant dans un quelconque fléau mais guidée par une amie, elle a choisi de consacrer son temps à des personnes dans le besoin depuis ces 16 dernières années, soit depuis l'ouverture de Lakaz A. Bénévolement sans rien attendre en retour.
L'une des nombreuses missions de cette maison d'accueil du jour : réunir chaque jeudi, des mères comme des pères de famille pour qu'ils se ressaisissent, réalisent que ce n'est pas de leur faute et qu'ils sont importants. Pour qu'ils ressortent de là, soulagés.
Lakaz A organise aussi une activité biannuelle qui a pour nom Solidarité, Epanouissement Libération (SEL), sur tout un week-end, de vendredi à dimanche, à l'intention de ces parents, «Cette rencontre leur permet de raconter leur souffrance et de se rendre compte qu'ils ne sont pas seuls à vivre une telle épreuve. De s'épanouir en prenant soin d'eux, se coiffer, se maquiller. Ensuite, il y a la libération quand ils se sentent écoutés. Ils apprennent aussi vers quel centre de désintox canaliser leur proche usager de drogue.»
Lakaz A est ouverte à ceux dont les enfants, partenaires, frères ou soeurs, sont dans la drogue ou d'autres addictions ou quelque problème familial. Sans distinction de communauté, de culture. Elle fait aussi de l'écoute téléphonique.
Seize ans aujourd'hui depuis que cette maison d'accueil du jour, a ouvert ses portes dans l'amour et l'amitié, de 9 à 16 heures, du lundi au vendredi, à ceux et celles qui n'ont nulle part où aller pour être écoutés et soutenus. Vous pouvez les contacter sur 212 75 41, 5763 9070.
Essais cliniques importants sur la MDMA et les champignons magiques
La MDMA est un produit psychoactif connu comme ecstasy. Autrefois, on l'appelait empathie. Dans les années 70 aux États-Unis, on l'utilisait lors de thérapies familiales et de couples. La MDMA, explique Kunal Naïk, est un empathogène. Elle fait les gens ressentir des choses positives car elle agit sur la sérotonine, l'hormone du bonheur. Quand les Conventions l'ont criminalisée, ces thérapies ont été stoppées. Mais de gros groupes aux USA et en Espagne et plusieurs universités américaines comme Stanford, Berkly et l'Imperial College en Grande-Bretagne font des essais cliniques sur la MDMA et les champignons magiques. «Ils mènent des MDMA assisted therapy et connaissent des avancées extrêmement positives». La MDMA traite le Post Traumatic Stress Disorder. Et 67 % des Américains souffrant de hard to treat and treatment resistant depression, qui font partie de ces essais cliniques sous supervision de deux thérapeutes, se sentent mieux car la MDMA ne modifie pas le cerveau mais permet aux personnes d'explorer les étapes douloureuses de leur vie en se sentant bien. «Jusqu'à l'an prochain, des États aux USA légaliseront la MDMA assisted therapy. Là, ils en sont aux derniers trials.» La MDMA est pour les personnes souffrant de traumatismes, de dépression, d'anxiété mais pas pour les gens souffrant de conditions psychiatriques. Les champignons magiques aussi révolutionnent le monde de la psychiatrie et là, les personnes souffrant de dépressions n'ayant pu être traitée par antidépresseurs pendant longtemps ou d'une addiction à l'alcool, vont mieux après trois à quatre sessions. «Les thérapeutes notent qu'elles n'ont plus de symptômes dépressifs car les champignons magiques agissent sur la neuroplasticité du cerveau, créant de nouvelles connexions et éteignant les réseaux qui ne sont plus fonctionnels. À Maurice, on est loin de tout cela.»