Tunisie: Bacheliers lauréats et études à l'étranger - Toutes voiles dehors !

8 Juillet 2023

Jeunes et moins jeunes, avec ou sans diplômes, tout le monde veut quitter le navire Tunisie. Que se passe-t-il pour qu'il y ait autant de gens désireux de faire comme les rats avant un naufrage ?

On est, certes, habitués depuis longtemps au phénomène de ce qu'on appelle l'exode ou la fuite des cerveaux. Cela se fait même ailleurs où des Européens, par exemple, migrent vers l'Amérique ou vers des destinations fort prisées.

Chez nous, aussi, des milliers de nos compétences ont préféré vivre hors de leur pays pour trouver de meilleures conditions de vie et de travail. Ce qui n'est pas, toujours, garanti.

Il faut bien noter que plus de 76.000 Tunisiens étudient à l'étranger. Ce qui n'est pas très loin du nombre de diplômés qui sortent chaque année de nos universités (publiques et privées). Celui-ci est évalué à plus de 60.000.

 

Le fléau de la migration clandestine a explosé et ne cesse de s'aggraver, chaque jour. Notre pays est touché de plein fouet par cette catastrophe. Mais le plus grave c'est que nous entendons, à chaque proclamation des résultats du Bac, des déclarations des lauréats qui n'ont qu'une seule envie: aller étudier à l'étranger ! Même si nous jugeons qu'il s'agit d'un droit et d'une liberté fondamentale, il nous est permis de nous interroger sur cette nouvelle mode qui se répand dans les rangs de nos générations futures.

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Notre pays est-il condamné à dépenser des sommes énormes pour former des cerveaux et les offrir gracieusement à d'autres pays? Sommes-nous obligés d'accepter sans réagir ce fait accompli ? Jusque-là, les autorités n'ont rien pu faire pour stopper cette hémorragie parce qu'elles n'ont pas eu la volonté nécessaire pour le faire. De plus, les politiciens qui ont accaparé le pouvoir après 2011 ne disposaient d'aucune stratégie et n'ont fait qu'aggraver la situation. Toute la décennie qui a suivi cette date a été réservée aux luttes pour le pouvoir et la distribution des portefeuilles à des illustres inconnus dont beaucoup étaient d'une incompétence certaine. Cette classe politique qui a tenu les rênes du pouvoir a tout fait pour mettre à l'écart nos compétences nationales confirmées et confier les postes de décision à ses partisans et aux profiteurs.

Tous les secteurs ont été touchés et on a assisté à une descente aux enfers. Un nombre important de notre élite, ne pouvant plus supporter cette situation, a opté pour l'exode.

Nos élèves, et particulièrement les plus méritants, n'ont d'autre idée en tête que terminer leurs études supérieures et vivre à l'étranger. Ce qu'ils voient autour d'eux n'est guère rassurant. Ils ont peur de l'avenir. Ce n'est pas leur faute. Durant tout leur cursus scolaire, ils n'ont pas pu bénéficier de ce sentiment d'appartenance à un pays. Le sens du civisme n'est pas très fort chez eux, faute de tradition.

L'école n'a plus cette force qui lui permettait d'ancrer cette fierté de servir sa patrie dans n'importe quelles conditions. Pour plusieurs raisons, cette institution éducative a échoué dans sa mission de formation. Aujourd'hui, elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. C'est tout juste si elle réussit à dispenser le strict minimum d'enseignement. La dimension éducative a, totalement, disparu. Elle a croulé sous les coups assénés par ce qu'on appelle "actions syndicales" ou "militantisme".

Calendrier scolaire: reformuler la circulaire

L'école est devenue un véritable champ de bataille entre deux belligérants. Pour un "oui" ou pour un "non", c'est toute une guerre d'usure qui s'enclenche. Les élèves et les enseignants n'ont plus les conditions idoines pour remplir leur mission. Les élèves sont dégoûtés de l'enseignement. Ils n'y voient plus que corvée et astreinte. Même l'établissement dans lequel ils étudient ressemble plutôt à une prison qu'autre chose. Le climat qui y règne est, périodiquement, ponctué de violences et d'agressions. Il n'y a plus cette sérénité requise qui donnait ce plaisir d'apprendre et de baigner dans la convivialité. Les agents qui encadrent, voire les enseignants eux-mêmes, ne se caractérisent plus par leur professionnalisme et leur volontarisme.

Les rapports sont, donc, généralement, tendus. C'est pourquoi on ne voit plus chez nos jeunes cette nostalgie envers les lieux qu'ils ont fréquentés lors de leurs études comme c'est le cas pour nos seniors. En effet, l'établissement dans lequel ils ont fait leurs études ne leur rappelle pas, nécessairement, ces bons souvenirs que gardent encore leurs parents.

C'est ce dégoût qui va se développer pour s'étendre même au pays dans son ensemble. Les jeunes, notamment ceux qui ont obtenu de bonnes moyennes au Bac, ne cherchent plus à rester au pays. Ce dernier ne leur réserverait aucun avantage ni privilège. Ils craignent que plus tard ils ne seront pas bien rémunérés ni bien considérés. D'autant plus que les arrivistes sont là pour leur barrer le chemin. A leurs yeux, le pays est livré, pour une grande part, aux opportunistes et aux incompétents. Ils n'ont aucune envie de composer avec cette classe de profiteurs de tous genres.

Faire aimer l'école

On trouve, aisément, les traces de cette vision par trop pessimiste dans tous les aspects de la vie quotidienne. Chaque année on assiste de façon passive à ce spectacle désolant. On voit, ainsi, notre pays se vider de ses compétences sans pouvoir ni savoir quelle mesure adopter.

S'il n'y a rien à faire dans l'immédiat, il est urgent de penser à une stratégie pour le futur. Celle-ci consisterait à réhabiliter la mission première de l'école qui est de former des jeunes fiers de leur pays et imbus des valeurs patriotiques, loin des discours politiciens creux. Pour ce faire, il faudrait entourer nos élèves d'un encadrement approprié et formé pour la tâche. Un encadrement qui ferait aimer l'institution éducative et non le contraire.

Par ailleurs, il faut repenser l'environnement dans lequel nos élèves évoluent. Et, surtout, bannir ce climat de guerre et de tension entre ministère et syndicats. Nos enfants doivent rester à l'écart de telles épreuves de force ou de conflits interminables.

Dès lors, on demanderait au ministère de l'Education de reformuler la circulaire qui fixe le calendrier de chaque année scolaire. Cette circulaire est reconduite quasiment telle quelle depuis des années. On n'y change que les dates des vacances. Maintenant, il y a de nouvelles données dont il faudrait tenir compte. Aussi doit-on y préciser que l'année scolaire ne s'achève qu'après la tenue des conseils de classes. Une condition réglementaire sine qua non. En d'autres termes, il ne sera plus permis de recourir à la mesure lamentable de rétention des notes. La nouvelle circulaire devrait fermer toutes les issues devant de tels actes.

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