Afrique: Nigeria, Ghana - Le berceau de la musique classique africaine [1/3]

Cet été, RFI fait découvrir un métissage musical encore méconnu : la musique classique africaine. Ce courant est le fruit de la rencontre entre les techniques classiques européennes et les traditions musicales du continent. Dans le premier épisode de cette série en trois volets, nous vous emmenons là où tout a commencé, au Nigeria et au Ghana. C'est dans ces deux pays que ce nouveau langage musical a été inventé et développé au début du XXe siècle. Une série écrite et réalisée par Pauline Le Troquier avec l'aide de l'African Concert Series.

C'est dans les chorales du Nigeria et du Ghana que la musique classique africaine voit le jour. Au début du XXe siècle, un mouvement de christianisation touche ces deux pays, à l'époque colonies britanniques. Dans les églises de Lagos et d'Accra, seule la musique sacrée venue d'Europe résonne durant les premières années de la colonisation.

Quand l'administration britannique tolère enfin l'entrée de chants africains en son sein, certains osent alors la réinventer. Le Ghanéen Ephraim Amu, né en 1899, et le Nigérian Fela Sowande, né en 1905, tous deux initiés à la musique par leur éducation chrétienne, sont les premiers à chercher à y introduire des rythmes traditionnels.

Leurs compositions incluent par exemple des percussions Yoruba ou Igbo, mais restent de forme classique car elles sont destinées à être aussi écoutées en Occident. Cette fusion pose les principes de la musique savante africaine, dont Sowande et Amu sont considérés comme les pères fondateurs.

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Une « identité africaine plus claire »

Après un passage à Londres, où il devient maître de chapelle et organiste pour l'église méthodiste, Fela Sowande enregistre sa Suite Africaine pour cordes en 1951. Au même moment, une nouvelle génération de compositeurs du Ghana et du Nigéria se fait entendre après la Seconde Guerre mondiale. Plus prolifiques encore que leurs prédécesseurs, ils délaissent le seul cadre religieux pour structurer un nouveau langage musical.

C'est le cas du Ghanéen Kwabena Nketia, né en 1921. Rebeca Omordia, pianiste roumano-nigériane, revient sur ses apports : « Kwabena Nketia est connu pour avoir révolutionné le système de notation qui permettait de transcrire dans les partitions occidentales la musique traditionnelle, ses rythmes, ses mélodies. À partir de Nketia, tout cela passe au premier plan. Dans les oeuvres, on sent une identité africaine plus claire ».

L'invention du « pianisme africain »

Dans les années 1960, le Nigérian Akin Euba invente la technique du pianisme africain dont il donne lui-même la recette : faire en sorte que « le piano se comporte comme un instrument africain ». Le compositeur considère que le piano est le meilleur moyen pour créer un pont entre les univers savant et traditionnel car « il présente déjà certaines affinités avec la musique africaine » et ses instruments, à l'instar des tambours, des xylophones ou des pianos à pouce.

Ce style, qui permet une fusion parfaite entre le style occidental et la musique traditionnelle, est aujourd'hui exploré par Rebeca Omordia dans son dernier album « African Pianism ».

« Pour jouer du pianisme africain, tu peux non seulement utiliser les touches du piano lui-même comme un instrument à percussion. Mais tu peux aussi ajouter un instrument traditionnel en plus du piano. Ce côté percussif met encore plus en valeur ses rythmes. »

Violoncelle et kora: « Si je ne l'écrivais pas, ça n'existait pas »

Aujourd'hui, aucun compositeur sans doute ne représente mieux la rencontre entre les musiques savante et traditionnelle que Tunde Jegede. Ce musicien naît en 1972 à Londres d'une mère irlandaise et d'un père nigérian. Dès l'âge de 8 ans, il apprend le violoncelle. Deux ans plus tard, il part apprendre la kora en Gambie, en même temps qu'il découvre le répertoire mandingue.

Impensable pour Tunde Jegede de dissocier les deux héritages musicaux dont il est issu. Dans « Jairaby », morceau de sa Suite Mandé pour cordes et kora, il s'attache à les mêler.

« Adolescent, je voulais écrire des oeuvres avec des instruments à cordes occidentaux et la kora en même temps. Mais si je ne l'écrivais pas, ça n'existait pas. Pour moi, c'est naturel d'entendre une voie malienne avec le son d'un orchestre symphonique. Je sais comment ces deux mondes fonctionnent, c'est pour les autres que c'est nouveau. »

Comme Tunde Jegede, des centaines de compositeurs marchent dans les pas des pères fondateurs de la musique classique africaine. Ce style est aujourd'hui pratiqué et enseigné au-delà du Nigeria et du Ghana.

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