Sale temps pour les lanceurs d'alerte à Madagascar. Une militante pour la préservation de l'environnement qui se bat pour la survie d'une petite forêt primaire à l'Est de l'île, a été une nouvelle fois menacée de mort, cette semaine.
Avec notre correspondante à Antananarivo,Sarah Tétaud
Angélique Decampe Razafindrazoary a décidé de médiatiser cette énième attaque contre sa personne, afin d'assurer sa protection, à défaut d'une loi plus protectrice pour laquelle milite la société civile, depuis 2018.
« Il m'a dit « Ta fille va être orpheline ». Et « je ferai tout pour que ton mari et toi soyez en prison. »
Elle est devenue la bête noire des braconniers. Depuis 2016, Angélique Decampe Razafindrazoary se bat avec son association « Razan'ny Vohibola » pour sauvegarder Vohibola, l'un des derniers bastions de forêt primaire de la côte Est. Mais ses actions et ses dénonciations régulières de violation de la forêt sur les réseaux sociaux et dans les médias dérangent.
Mercredi 5 juillet, son voisin, ulcéré, a fait irruption chez elle, brandissant son badge d'élu de la commune.
« J'ai compris qu'il utilisait son badge comme s'il voulait me montrer qu'il avait l'impunité... C'est la première fois que je me fais menacer en face. D'habitude, c'est par téléphone, par intermédiaire. Mais là, qu'on vienne chez moi, en face, ça fait drôle. »
Et si cette nouvelle menace était celle qui impulsait le sursaut dont les législateurs ont besoin pour avancer sur le projet de loi de protection des lanceurs d'alerte, en souffrance depuis cinq ans ? C'est en tout cas le souhait de la société civile, désabusée par l'indifférence des décideurs.
« Je ne vois pas ce qui manque au niveau « contexte national » parce qu'il ne s'agit pas simplement d'Angélique Decampe ! Ils sont tant d'autres, dans la communauté malgache à avoir des soucis par rapport aux lancements d'alertes, parce que cette loi n'existe pas ! On ne peut plus attendre ! », s'insurge Andrianalisoa Raonison, responsable du volet justice et droits humains à Transparency International initiative Madagascar.
« Nous membres de la société civile. On a l'impression que c'est vraiment exprès qu'on ne vote pas cette loi parce qu'on a l'impression que ça touche des intérêts des hautes personnalités et que l'existence d'une loi pourrait limiter le niveau de harcèlement de ces défenseurs des droits humains. Or, aujourd'hui, on ressent l'urgence et la nécessité de cette loi face à cette situation de harcèlement envers les lanceurs d'alerte à Madagascar », ajoute Andrianalisoa Raonison.
De son côté, la militante écologiste doit porter plainte, ce samedi 8 juillet, pour menace de mort, auprès de la police de Tamatave.
« Je le fais pour les villageois, pour ma communauté. La terreur qui règne ici est trop insupportable », soutient la militante.
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