L'exil, ça se passe bien ?
Ça, c'est derrière moi.
Ah oui, tu es annoncé pour deux concerts à Abidjan en août. A quand alors ton retour à Abidjan ?
Mi-juillet. Au plus tard le 20 juillet. Je donnerai donc deux concerts live mémorables à Abidjan, les 18 et 20 août 2023, respectivement au palais de la Culture et au palais de congrès du Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire.
Ça sera un grand Gadji, ces jours-là ?
Je n'ai pas le choix. Après tant d'années, il faut donner le meilleur aux Ivoiriens. Il faut satisfaire ceux qui ont rêvé ce concert et qui, depuis l'annonce, manifestent leur enthousiasme, leur ferveur.
Je suis très ému par ce vaste mouvement de solidarité, par cet enthousiasme quasi général. Cela est d'autant plus touchant que je n'ai pas eu de contact direct avec les populations de Côte d'Ivoire depuis 12 ans. Même les artistes ivoiriens qui n'ont pas été en exil sont en mouvement. C'est extraordinaire. Donc, je n'ai pas le droit de décevoir. Un grand Gadji donc à voir à ces dates.
Ce sera assurément les concerts les plus importants de ma carrière. Gadji Céli hier, aujourd'hui et demain pourrait-on dire...
Ça sera en un mot deux concerts mémorables avec les autres artistes.
Dans quel état d'esprit Gadji Céli revient ?
C'est toujours émouvant de retrouver sa terre natale. J'ai hâte de revoir mes proches et mon public qui m'ont tant manqué. Il n'y a pas de justification particulière ou d'état d'esprit à revenir chez soi.
Gadji Céli, c'est une carrière exemplaire en sport et en musique. Puis l'incursion en politique et patatra, ta vie bascule...
Précision de taille, je n'ai pas basculé en politique. Jamais!
Ne me dis pas ça...
Si. Il faut lever toute équivoque. La Côte d'Ivoire a connu une terrible crise. J'ai estimé qu'il fallait que je prenne position, que je m'exprime. C'est ce que j'ai fait. J'en ai payé le prix, un lourd tribut mais, aujourd'hui, tout cela est derrière moi. La Côte d'Ivoire essaie de panser ses plaies. Les principaux leaders sont rentrés et chacun mène ses activités. On doit tous tourner la page.
La page de la crise et pour toi la page de la politique aussi ?
Je suis un ancien footballeur ivoirien et un artiste de Côte d'Ivoire. Je ne suis pas un homme politique. Je reste attaché à ces secteurs.
Comment es-tu sorti du pays ?
Quand on veut tourner une page, on la tourne. Quand une page doit être tournée, il faut la tourner. Et puis, quand tu dois raconter ce que tu as vécu lors d'une crise, tu ramènes toutes les victimes de tous les bords aux souvenirs douloureux. Alors qu'on n'est pas forcément, quel que soit l'angle, la plus grosse victime.
Très sage...
Oui, dans une crise où il y a eu des morts, toi qui, par la grâce de Dieu, as eu la vie sauve, ce n'est pas à toi de raviver les blessures.
Aujourd'hui, le mot chéri en Côte d'Ivoire, c'est la réconciliation. Gadji Celi le magicien de la voix, qui a su réconcilier les Mimos après la défaite devant Orlando Pirates, va-t-il sortir un morceau pour la réconciliation ?
Le Président de la République Alassane Ouattara, en ouvrant cette brèche, en créant au sein du gouvernement ivoirien un ministère de la Réconciliation, a montré sa volonté à conduire la Côte d'Ivoire sur le chemin de l'union et de la paix. C'est dans ce cadre, instruit par le Premier ministre Patrick Achi et approché régulièrement par les envoyés du président Laurent Gbagbo et du président Henri Konan Bédié dans le cadre du dialogue social, le ministre Kouadio Konan Bertin en charge de la Réconciliation a pris en main le dossier de notre retour au pays. C'est donc de façon concertée et officielle que mes amis et moi, nous nous apprêtons à rentrer au pays.
Donc si Gadji rentre, c'est à la fois l'oeuvre des Présidents Ouattara, Bédié et Gbagbo...
C'est surtout le message fort qu'ils lancent aux Ivoiriens par leurs différentes rencontres. La Côte d'Ivoire, c'est un pays qui sait effacer les affres d'un passé douloureux et passer à autre chose. Il faut saluer ces trois grands qui ont multiplié les signes de réconciliation, le Président Ouattara qui a mis beaucoup d'énergie dans la réconciliation, le Premier ministre Patrick Achi qui y met du sien et le ministre KKB. Et surtout les nombreux Ivoiriens qui, tous les jours, ont oeuvré à notre retour. Moi, il y a longtemps que je suis passé à autre chose.
Il y a longtemps que tu es passé à autre chose et pourtant, ta décision de retour a quand même pris du temps ...
La France m'a accueilli, le temps de mon exil, à certaines conditions. Il me fallait les satisfaire avant toute décision.
Tu as dit plus haut que tu reviens avec tes amis. Serges Kassy en fait partie ?
Oui. La décision de retour est collégiale.
Quels sont les autres membres du collège ?
François Kency et Gédéon
Tu chanteras pour la Can ? Toi qui es reconnu comme la voix officielle des Éléphants ?
Ce n'est pas à exclure. Je verrai sur place avec les dirigeants de la Fif avec qui je suis en contact et à qui une grande amitié nous lie, tout comme avec Magic System qui fait la chanson officielle de la Can et qui régulièrement salue l'aîné que je suis.
Je salue au passage Chantal Taïba qui est précurseure en matière de chansons de soutien aux Éléphants.
Tu as fait une vidéo récemment pour soutenir l'Asec, en demi-finale de la coupe de la Confédérations. Gadji Céli est toujours Mimos ?
Je reste toujours Mimos. Je suis un produit du Stella Club d'Adjamé car j'y ai fait mes débuts, mes premiers pas. Minime, junior et senior. J'ai remporté trois titres de champion avec ce club. J'ai remporté une coupe Uefoa avec le Stella et d'autres trophées, notamment la coupe nationale et la coupe Houphouët Boigny. Cependant, l'amour que j'ai reçu à l'Asec et pour l'Asec n'a pas son pareil. Au moment où les Magnans d'Adjamé commençaient à ne pas reconnaître mes services, il y a eu des hommes comme Maître Roger Ouegnin, Francis Ouegnin, Jean Jacques Béchio, Georges Ouegnin côté dirigeant, mais aussi mon ami et frère Kassi Kouadio Lucien en tant que joueur, qui m'ont tendu la perche. Je reste définitivement attaché, scotché à ce club. Un élément déterminant, l'amour que ses supporters m'ont apporté durant tout le temps. Grâce à cet amour, je me sens réellement appartenir à une famille, une vraie.
L'Asec ainsi que les autres clubs n'arrivent plus à fournir un football qui attire les spectateurs. Quelle lecture fais-tu du championnat ivoirien ?
Il faut avoir dans les clubs de première et deuxième divisions des catégories minime, cadet et junior. Il faut donc miser sur la formation.
Il faut aussi réinstaurer les tournois Oissu, les championnats des cadets, des minimes, des juniors, des équipes réserves. Je le pense, il faut revenir à la formation de base. Il faut éviter que les joueurs à leur bas âge jouent en professionnel. Il faut verser ces gamins dans le championnat de Côte d'Ivoire avant de penser à les envoyer ailleurs pour une carrière dans les championnats européens, particulièrement. Je pense qu'il faut tout règlementer et mettre en place une solution de bonne formation. Quand je parle de formation, c'est à tous les niveaux. Au niveau des entraineurs, des encadreurs et des dirigeants. Il faut qu'il y ait des stages de formation. Il faut que le football ivoirien renaisse de ses cendres.
Il faut que le football national prenne le pas sur le football international, parce que nous avons gagné la Coupe d'Afrique avec des joueurs émanant du championnat national de Côte d'Ivoire en grande majorité. C'est important de trouver un style et un fond de jeu propre à la Côte d'Ivoire.
Les Éléphants cuvée 2023 ?
Avec les Éléphants cuvée 2023, il va falloir être très patient. Il y a encore trois à quatre mois pour mettre en place une équipe conquérante, un style de jeu. Il faudra surtout insister sur l'état d'esprit, créer un groupe solidaire, compact où les joueurs sont interchangeables sans que cela ne bouleverse le style de jeu initié par le staff technique.
Il faut arriver à mettre dans la tête et dans l'esprit de cette nouvelle génération l'amour du drapeau national, l'amour de ce maillot ivoirien. La Côte d'Ivoire ne se fie pas aux résultats des matchs de préparation parce qu'en mon temps, on avait gagné tous les matchs de préparation de fort belle manière en 1984. Pourtant au premier tour, nous sommes sortis de la compétition. Par contre en 1992, nous n'avons gagné aucun match de préparation. Nous avons connu la pire des préparations de notre vie et nous sommes allés à Dakar avec un état d'esprit extraordinaire, avec une solidarité sans précédent, avec un banc de touche profond, avec des joueurs interchangeables et nous avons remporté la coupe avec l'esprit de défendre le drapeau national.
Envoyé spécial à Paris