La communauté ouest-africaine s'est réunie, le 9 juillet dernier, à Bissau. Au menu de ce sommet des chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), les transitions en cours au Mali, au Burkina Faso et en Guinée.
Accompagnant ce plat central des têtes couronnées de l'espace ouest-africain, il y a eu la passation de témoin entre l'hôte du sommet, Umaro Sissoco Embalo, et le tout nouveau président de la confédération nigériane, Bola Tinubu, qui devra désormais présider aux destinées de l'organisation sous-régionale.
Ce sommet tourne donc une page importante de la vie de l'institution, celle de la présidence du Chef de l'Etat bissau-guinéen qui n'aura pas été de tout repos et qui explique aussi en partie son désistement à un second mandat, même s'il avance d'autres raisons : « Je suis dans un processus de cohabitation depuis les législatives du 4 juin. Cela va requérir toute notre attention », a-t-il laissé entendre.
Si l'homme s'est voulu présent dans toutes les crises qui secouent la sous-région, notamment au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, on retiendra de son passage à la tête de l'organisation communautaire, sa tentative de créer une force anti-putschiste. Une idée qu'il n'aura cependant pas eu le temps de porter sur les fonts baptismaux.
On peut s'interroger sur les marges de manoeuvre de la CEDEAO
Il quitte donc la tête de la CEDEAO sans avoir résolu les crises militaires, laissant de nombreux défis au chef de l'Etat nigérian qui n'aura pas droit à un round d'observation. Pour preuve, il met la main à la pâte avec l'évaluation de la situation dans les trois pays dirigés par des hommes en treillis. De quelle potion magique disposera le successeur de Buhari face à l'instabilité politique et institutionnelle dans ces trois pays ?
Le temps, certainement, apportera la réponse à cette question. En attendant, l'on peut s'interroger sur les marges de manoeuvre de la CEDEAO dans les crises au Mali, au Burkina et en Guinée. Sur la crise malienne, on sait déjà que les chefs d'Etat ont acté la levée des sanctions contre le régime d'Assimi Goïta. On sait, en effet, qu'en prélude au sommet de la CEDEAO, l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) s'était réunie quelques jours avant, pour connaitre de la situation.
De ce qui filtre des conclusions, le Mali devrait être réintégré dans les instances de l'union, en plus de bénéficier d'une importante manne financière pour redynamiser l'économie malienne éreintée par les sanctions communautaires. Cela devrait donc trancher le dilemme dans lequel se trouve la CEDEAO qui, tout en se félicitant des avancées dans le calendrier du retour à la normalité constitutionnelle au Mali, est quelque peu gênée par les nombreuses irrégularités qui ont entaché le scrutin référendaire du 18 juin dernier et qui fait l'objet de nombreuses contestations. En effet, on voit mal comment la CEDEAO peut se dédire dans ce méli-mélo malien sans ralentir le processus engagé dans le pays et sans risque d'enfoncer davantage le Mali dans la crise.
Les difficultés électorales au Mali dissuadent de toute organisation d'un scrutin sans le retour à la sécurité
Ce sommet apportera donc une véritable bouffée d'oxygène au régime militaire malien qui se voit ouvrir un véritable boulevard pour la mise en oeuvre de son agenda qui n'est même plus caché : celui de troquer le treillis contre le costume. C'est dire donc si en fin stratège, Assimi Goïta a piégé la CEDEAO pour la retourner à son avantage. Quant à la situation au Burkina Faso voisin, les conclusions du sommet, après examen de la situation dans le pays, ne pouvaient pas dépasser le stade des encouragements.
Tant la situation sécuritaire dans le pays, malgré les efforts, demeure préoccupante. Dans un tel contexte, les élections ne constituent pas une priorité et il ne viendrait à l'esprit d'aucun dirigeant d'envisager des sanctions en cas de retard ou même de glissement du calendrier électoral, sauf, bien sûr, à vouloir tirer sur une ambulance. Le sommet ne pouvait que faire des recommandations allant dans le sens d'une évaluation de la situation et d'un renforcement des soutiens à apporter au capitaine Ibrahim Traoré dans la lutte engagée pour recouvrer l'intégralité du territoire burkinabè.
Cette éventualité est d'autant plus forte que les difficultés électorales au Mali voisin dissuadent de toute organisation d'un scrutin sans le retour à la sécurité. Mais là où la CEDEAO sera le plus à l'aise, c'est dans le dossier guinéen. Ce pays, à la différence des deux premiers, ne connait pas la contrainte de la crise sécuritaire et s'est doté d'un calendrier qui fixe les délais du retour à une vie constitutionnelle normale.
Le seul caillou dans les godasses de Mamady Doumbouya restent la fronde d'une partie de la société civile et de la classe politique qui continuent de réclamer l'ouverture d'un dialogue national inclusif. Logiquement, les recommandations du sommet devraient donc aller dans le sens des encouragements pour rattraper le léger retard pris sur ce calendrier. En tout état de cause, Bola Tinubu hérite d'une situation où le pire semble derrière dans les trois Etats, même si la situation demeure préoccupante. L'expérience des dirigeants anglophones, qui ont une bonne réputation démocratique, devrait le guider pour faire des pas encore plus significatifs dans le bons sens.