NAIROBI — Selon les conclusions de l'étude, les pratiques agricoles de « push-pull » [« repousser-attirer »] qui ont pour but d'améliorer les rendements en diminuant l'utilisation d'herbicides et d'insecticides de synthèse, augmentent les rendements et empêchent les ravageurs de s'adapter sur le long terme.
Les chercheurs qui ont réalisé ce travail, publiée dans l'édition du 1er mai 2023 de la revue spécialisée Agriculture, Ecoystems and Environment, ont déterminé l'impact de la technique appelée « push-pull » dans l'ouest du Kenya sur les variations de rendements et de la quantité d'insectes et de mauvaises herbes.
Selon les chercheurs, ce système de « push-pull » consiste à utiliser deux cultures subsidiaires en plus d'une culture principale, le maïs par exemple. La plante qui sert de « repoussoir » (comme une légumineuse) est plantée pour former des rangs entre les pieds de maïs, et la plante qui va « piéger » les ravageurs (comme l'herbe à éléphant) est plantée tout autour du champ de maïs.
"Nous avons constaté qu'il y avait moins de ravageurs et que la production [de maïs] était plus importante dans les champs de « push-pull » plus anciens, et ce de manière systématique, sur une vaste zone géographique et quelle que soit la durée"Tim Luttermoser, Université Cornell
La plante « répulsive » refoule les coléoptères femelles quand elles cherchent un endroit où pondre leurs oeufs. Puis ces femelles se rendent sur le pourtour du champ et sont attirées par les plantes « pièges », qui les incitent à pondre leurs oeufs. Mais ce sont des hôtes de piètre qualité, ce qui fait qu'au moins 80% des larves meurent avant d'avoir atteint l'âge adulte.
« La principale conclusion de notre étude, c'est que le système de « push-pull » est de plus en plus performant avec le temps », déclare Tim Luttermoser, doctorant au département d'entomologie de l'université Cornell, aux Etats-Unis, qui a dirigé cette étude.
Il a indiqué à SciDev.Net que cette technique de « push-pull » a « beaucoup amélioré les rendements pour les agriculteurs », avec des récoltes de deux à trois fois supérieures, comparativement aux fermes ne l'utilisant pas.
« Nous avons constaté qu'il y avait moins de ravageurs et que la production [de maïs] était plus importante dans les champs de « push-pull » plus anciens, et ce de manière systématique, sur une vaste zone géographique et quelle que soit la durée, ajoute-t-il. Nous sommes aussi arrivés à la conclusion que les fermes où cette pratique est absente peuvent aussi tirer parti de la proximité des champs de « push-pull » plus anciens. »
« Les insectes térébrants et les mauvaises herbes du genre Striga étaient moins présents dans les champs témoins, couplés à des champs de « push-pull » plus anciens, même si le rendement n'était pas affecté. »
Les conclusions, selon lesquelles la quantité de ravageurs dans le système de « push-pull » a diminué avec le temps, laisse envisager que les avantages que présente cette technique de limitation des ravageurs peut se faire sentir sur le long terme.
Les chercheurs ajoutent que les techniques de gestion des ravageurs par l'intensification écologique, comme le système de « push-pull », sont plus durables que les pesticides chimiques, les ravageurs pouvant développer une résistance aux pesticides mais ne s'adaptant que rarement pour contrer les systèmes d'intensification écologique.
« Certes, le système implique souvent, au début, des coûts et du travail supplémentaires, mais la réduction des frais de pesticides, année après année, peut représenter un avantage non négligeable », indique Zeyaur Khan, co-auteur de l'étude et responsable du programme de technologie de gestion intégrée de « push-pull » au Centre international de physiologie et d'écologie des insectes, dont le siège est au Kenya.
L'étude a été réalisée avant l'invasion des légionnaires d'automne en Afrique, mais les auteurs affirment que le système de « push-pull » reste efficace contre ces nuisibles, comme le prouvent d'autres études. Ils s'attendent à ce que leurs résultats soient toujours valables, même en présence des légionnaires d'automne.
Matilda Ouma, chargée de cours au département d'économie agricole et de gestion agro-alimentaire à l'université Jaramogi Oginga Odinga des sciences et de la technologie, au Kenya, estime que cette étude démontre que la recherche évolue et que la technique de « push-pull » s'améliore.
L'enseignante, qui a adopté cette technique dans sa propre ferme, ajoute que les chercheurs qui travaillent sur le système de « push-pull » l'ont amélioré pour qu'il puisse s'adapter aux changements écologiques.
Elle partage les conclusions de l'étude et pense que le système de « push-pull » peut contribuer de manière significative à améliorer les rendements et même à rendre la terre plus fertile, tout en résistant aux ravageurs.