Ile Maurice: Patrimoine national | Consentement du propriétaire avant classification - Le ministre dit oui, la loi non

Faut-il consulter le propriétaire d'un monument ou d'un site ayant une valeur historique, avant de l'inscrire sur la liste du patrimoine national ? La réponse du ministre des Arts et du patrimoine culturel à une question parlementaire, mardi dernier, suscite de sérieuses divergences.

Cela va-t-il plus loin que l'interprétation de la loi ? La réponse d'Avinash Teeluck, ministre des Arts et du patrimoine culturel, à une question parlementaire de la députée de la majorité, Sandra Mayotte, au sujet du consentement préalable du propriétaire d'un vestige historique avant sa classification comme patrimoine national, soulève des contradictions.

C'était le mardi 4 juillet. La députée orange voulait savoir quels sont les critères d'éligibilité pour l'inscription de structures et sites historiques sur la liste du patrimoine national. Le ministre a déclaré «que dans le cas où le patrimoine potentiel est une propriété privée, le consentement du propriétaire doit être recherché et obtenu. Le National Heritage Fund consulte aussi toutes les parties prenantes pour obtenir leur aval». Ce que conteste Arrmaan Shamachurn, responsable de l'association SOS Patrimoine en Péril.

«Il n'y a pas de mention explicite du consentement du propriétaire dans la NHF Act.» Arrmaan Shamachurn se réfère à la section 13(2) de la loi qui prévoit que «d'abord,le ministre décide de classer un bien patrimoine national, sur recommandation du NHF, en se basant sur des critères objectifs comme l'âge du bâtiment, sa valeur historique et architecturale». Le responsable de SOS Patrimoine en péril ajoute : «Ensuite, après la classification, le directeur du NHF informe le propriétaire en écrit, de la décision du ministre.» Il souligne que les termes «prior notice», c'est-àdire préavis, ne figurent pas dans la loi, qui dit seulement «notice».

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Arrmaan Shamachurn précise : «Après examen de la NHF Act nous n'avons trouvé aucune disposition légale disant que dans le cas d'un propriétaire privé, ni même quand il s'agit d'une institution publique, le consentement doit être recherché et obtenu». Il ajoute que «la loi ne prévoit pas non plus un droit d'objection à la décision du ministre, après l'avis en écrit du NHF».

Cette disposition légale existe, selon le président de SOS Patrimoine en péril, parce que «la classification d'un bien est contraignante. Par exemple, elle oblige le propriétaire à consulter le NHF quand il y a des travaux». SOS Patrimoine en péril, qui réclame notamment la classification du Champ-de-Mars comme patrimoine national, a déjà suggéré au ministère des Arts et du patrimoine culturel de rechercher l'avis du State Law Office sur cette question, au besoin.

Pour sa part, Philippe la Hausse de la Louvière, ancien président du National Heritage Trust Fund, puis du National Heritage Fund a été l'une des parties prenantes de l'élaboration de la NHF Act 2003. Il affirme qu'il «n'y a pas d'obligation légale d'avoir le consentement. Les autorités peuvent décréter un site, un bâtiment patrimoine national sans l'aval du propriétaire, sans même le consulter». Parmi les cas où cela s'est produit: «Les fossiles de Mare-aux-Songes ont été décrétés patrimoine national sans consultation avec la propriété sucrière Mon Désert Mon Trésor. Cela a été fait dans l'intérêt national.»

À cause du speaker...

Pas de nouvelle du «National Heritage Fund Bill»

Question supplémentaire de la députée Sandra Mayotte au ministre des Arts et du patrimoine culturel : où en est le projet de loi, National Heritage Fund Bill ? À peine le ministre a-t-il dit «des consultations...» que le speaker Sooroojdev Phokeer l'a interrompu. «No, I do not think this is proper. Do not venture, honourable minister, do not venture.»

Le NHF Act 2003 a 20 ans. Sa révision est attendue depuis longtemps. À l'époque des gouvernements travaillistes - avant 2014 - il était question de l'amender. La question a été évoquée lors de l'éphémère mandat de Dan Baboo au ministère des Arts et de la culture entre 2014 et 2016, puis durant celui de Pradeep Roopun, le prédécesseur d'Avinash Teeluck. En 2020, l'actuel ministre estimait qu'une version initiale des amendements serait prête en décembre de la même année. L'une des raisons pour laquelle a NHF Act est tant décriée c'est qu'elle n'a pu empêcher les démolitions du patrimoine. L'une des plus marquantes : la destruction de La School en juillet 2017, pour faire place à la nouvelle Cour suprême.

La même année, c'est via la Finance Act qu'un amendement controversé à la NHF Act a été voté. Il donne au ministre le pouvoir d'enlever, sous certaines conditions, un monument de la liste du patrimoine national. Cela s'applique si le monument classé n'existe plus, s'il n'est plus d'intérêt public ou si une rénovation du monument coûte beaucoup trop cher.

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