La colonisation française à Madagascar, plus précisément à Fort-Dauphin, n'a pas le succès qu'on attend et de même, l'évangélisation non plus.
« Les Français où ils émigrent, emportent avec eux leur manie de se quereller entre eux, défaut national atavique déjà signalé par César lorsqu'il faisait la conquête de la Gaule et y trouvait toute faculté de mettre en pratique la formule romaine : diviser l'ennemi pour se présenter comme champion de la paix et régner ! », écrit le père A. Engelvin Le prêtre reprend même une description de Montaigne du tempérament français : « Mettez deux Français dans le désert de Libye, avant deux mois, ils s'égratigneront le nez ! » C'est bien ce qui se déroule à Fort-Dauphin et ce que pensent quelques historiens de cette tentative de colonisation.
« On a crié haro sur Pronis, Vacher de la Case n'a pas eu que des couronnes de gloire, l'ivraie semée par les missionnaires a empêché le froment de mûrir ! Sans doute, Pronis et Flacourt ne buvaient pas que de l'eau bénite et c'était, nous dit-on, au grand désespoir des missionnaires », ajoute-t-il. Quand le père Nacquart exhorte les colons réunis dans la chapelle, Pronis et quelques coreligionnaires lancent à pleine voix les psaumes de Marot, relate le père Engelvin.
Lorsque le père Bourdaise sonne la cloche pour la messe, Flacourt se rase encore pour venir, en belle tenue, occuper la place d'honneur réservée au gouverneur, et il faut l'attendre. Il est même question de « guerre de religion ». Pronis se souvient qu'il est l'un des rares protestants vivants du siège de La Rochelle, et « il voulait mourir dans la religion de ses pères ».
Pourtant, cela ne l'empêche pas de confier au père Nacquart « sa fille métisse de préférence à la mère de cette enfant ». Sans doute, Flacourt a des « sautes d'humeur », mais il a aussi des relations cordiales avec le père Bourdaise. « Et pour en témoigner, nous avons le catéchisme et le dictionnaire français-malgache, composés par le père Bourdaise que Flacourt fit imprimer en France. Il parait aussi hors de doute que le père Bourdaise mit la main à certains chapitres de l'histoire de Madagascar dont Flacourt, est l'auteur principal. » Mais le plus vilipendé par certains historiens est le père Étienne qui se fait massacrer avec une dizaine de compagnons, tant français que malgaches, par un roitelet qu'il presse de se convertir.
« On ne lui accorde même pas la faveur de circonstances atténuantes. » Les plus virulents à l'attaque sont les colons de Fort-Dauphin, mais ils changent de sentiment après avoir discuté de l'affaire avec le père Manié. L'abbé Raynal édite en 1770, soit cent ans après la mort du père Étienne, son Histoire philosophique des établissements des Européens dans les deux Indes. « Mais toute son Histoire philosophique n'est qu'une élucubration partiale et non pas un véritable document historique », estime le père Engelvin.
Quelques historiens modernes, qui ne semblent pas avoir lu Raynal, s'y mettent aussi. Lorsqu'un écrivain qualifie de Moines ou de Jésuites les missionnaires de Fort-Dauphin, fait remarquer le père A. Engelvin, « il leur faisait un honneur qui les surprendrait fort, car l'humble Vincent de Paul ne faisait qu'une association de simples prêtres séculiers qu'il avait fait approuver sous le nom de Prêtres de la Mission par l'archevêque et le Parlement de Paris, par le roi et le Pape, comme ils le seront plus tard par un décret impérial de Napoléon ».
Néanmoins, il se trouve aussi des chroniqueurs honnêtes pour justifier le père Étienne. Le gouverneur de Champmargou entre dans ses vues et il lui donne une escorte de dix hommes. De surcroit, après le drame, « il mobilisa tous ses hommes disponibles pour aller châtier le roi Dian-Manangue». Il y a également Martin, arrivé à Fort-Dauphin en 1665, où il lui est facile d'être bien renseigné.
C'est également le cas de Souchu de Rennefort. Il fait « un exposé simple et clair, bien différent du récit controversé de différents auteurs modernes qui ont écrit sur Madagascar en copiant, sans réserve aucune, les réflexions dictées par l'esprit philosophique et anti-chrétien de Raynal dans son Histoire des Indes... ».