Madagascar: Diana - La ville du Pain de sucre dégringole

Antsiranana, cette ville prospère abritant des usines et industries s'est agenouillée. C'est regrettable, mais voilà ! Cette province opulente qui attirait les peuples du Sud-Ouest de l'Océan Indien... c'était jadis.

Le présent est dur à digérer, quand on voit la population avaler les rogatons. À force de regarder en arrière, les sexagénaires ont le cou tordu. Ils se souviennent encore de ces petites pièces de monnaie, assez pour acheter du pain. Cette usine d'Antognombato, cette DCAN prospère, ce port, de l'histoire ancienne. C'était inimaginable, à l'époque, de penser qu'un ticket de transport coûterait 5 000 francs (1 000 ar). C'était impensable d'être en possession d'un billet de dix mille francs.

Le regret se ressent, comme la régression. Diego-Suarez est démembrée ! La région Diana est décapitée, elle a capitulé. Il ne lui reste que son tronc, le secteur touristique. Mais là encore, faut-il le dire, les visiteurs ne sont pas très motivés. Certes, cette année, les opérateurs touristiques se disent confiants, très optimistes... Même si le bitume dans les sites est quasi-impraticable. Une aventure pour les jeunes touristes, peut-être, mais les retraités se sentent fatigués après 1h30 de route...

Cependant, les jeunes essaient de dissimuler la paupérisation, se mettent à se déhancher dans les clubs branchés où les vazaha de tous horizons viennent. Cela a toujours été ainsi, depuis l'arrivée des militaires français au début du XXe siècle. Toutefois, la manière était plus décente que ce qui se passe actuellement. Du temps de Joffre, le but des jeunes femmes était plutôt le mariage, fonder une famille avec un Français, et créer des petites activités dans la ville pour ne pas trop dépendre de son mari.

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Pourtant, actuellement, c'est à tout prix dépouiller des vieillards blancs, s'installer à l'extérieur, à la rigueur à Mayotte ou La Réunion. De leur côté, certains jeunes hommes, sans emploi, ont l'espoir un jour de rencontrer leurs concitoyennes, naturalisées françaises par mariage, une fois revenus au pays, dans l'espoir d' avoir leur part d'euros. Le schéma est ainsi tracé dans le triangle du Nord. L'usage prend racine, devient désormais une culture à part entière.

En outre, les intellectuels se disent contre cette vision. Eux, qui ont eu la chance de poursuivre leurs études dans de grandes écoles et des universités prestigieuses de l'occident veulent inciter leurs petites soeurs et petits frères à les suivre. Mais, ces derniers ont tellement écouté en boucle la chanson « Drako hely ». Un morceau qui les a motivés à entreprendre même s'ils n'ont pas fait d'études.

Les critiques lyricales ont salué l'inspiration de l'auteure. Elle illustre dans son oeuvre la réalité tout crachée de la région, et qui s'étend dans les autres provinces. Par ailleurs, « Tic tac » de Wawa en remet une couche, en évoquant l'attitude de la plupart des Tavaratra qui se contentent de l'argent venant de l'occident. « Même si nous ne travaillons pas, nous gagnons notre pain quotidien, nous avons un membre de la famille à l'extérieur ». En vérité, ces artistes n'encouragent guère leurs compatriotes à être fainéants. Ils ironisent sur les faits.

Comment convaincre les jeunes d'aller à l'école si les vacataires ne sont même pas payés dans les délais ? Avec l'estomac vide, les volontaires n'ont pas de force pour expliquer les leçons. Il leur arrive d'exposer implicitement leur galère à gaspiller leur argent pour venir enseigner dans des salles...vides. S'ils étaient au moins véhiculés, ils seraient un exemple à suivre pour les étudiants, parce que le succès ici c'est d'avoir une voiture sans se soucier du prix du carburant ! Malheureusement, le cas des vacataires de vocation est tout à fait le contraire.

Ils ont les chemises trempées de transpiration, une paire de chaussures usées toute l'année. Sûrement, ce mode de vie n'inspire pas les jeunes universitaires. Mals vêtus, les petits profs du quartier ont dû mal à transmettre leur savoir à leurs étudiants bien-aimés ! Les anciens racontent que le rêve des tout-petits, pendant la Première République, était de devenir instituteur.

Le metier du père de l'indépendance a fait naître dans le coeur des élèves une ambition. Hélas, avec le temps, la profession de Tsiranana n'attire plus grand monde. À présent, tout le monde désire être chansonnier de la musique tropicale. À Antsiranana, chaque famille a sa star. Des étoiles filantes brillent et disparaissent après quelques mois. Au moins, ils ont touché le sommet avant d'atterrir au pied du mur.

Diego-Suarez n'est qu'une grande ville parmi tant d'autres en difficulté. Attendre l'Etat serait une idée absurde. Les autorités cherchent, du soir au matin, des moyens pour assurer le développement durable du pays. Difficile de prévoir un avenir flou quand on gouverne...

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