Tunisie: Il fut un temps, l'école du peuple

11 Juillet 2023

La décision du ministère de l'Education de révoquer 350 directeurs d'écoles primaires et de suspendre le salaire de 17 mille instituteurs qui ont refusé de remettre les notes des élèves a dévoilé la réalité d'un secteur noble mais régi par le court terme, obsédé par la recherche d'avantages immédiats, terriblement accroché au confort du présent et prêt à sacrifier l'avenir des enfants.

Cette crise est si profonde que, parfois, elle nous fait oublier d'où nous venons, et les valeurs qui ont été à l'origine de la fondation de l'école du peuple, quelques mois après l'indépendance du pays.

Au fait, les directeurs révoqués et les instituteurs sanctionnés se sont tellement éloignés d'une tradition de discipline, de générosité, d'abnégation et de solidarité sociale où le corps enseignant faisait tout pour mieux prémunir les futures générations contre les dangers qui guettent les enfants en décrochage scolaire.

A cet effet, il y a lieu de rappeler le rôle qu'a joué Ali Belhouane, l'homme qui a conçu et créé l'école du peuple en 1957, quelques mois après l'indépendance. M. Ali Belhouane, président de la commission du «Relèvement social», une branche du Néo-Destour, conscient du rôle primordial que devait jouer la jeunesse tunisienne dans la jeune république, et surtout de la nécessité de promouvoir le plus complètement possible et aussi le plus profondément possible une politique d'enseignement, a créé «l'école du peuple».

%

Grâce à une collecte de fonds de l'ordre d'un million de francs, il offre à la Tunisie 400 écoles réparties dans toutes les régions intérieures. Il considérait que l'instruction est l'arme indispensable d'une jeunesse saine et dynamique dont le pays a besoin. M. Belhouane fit des tournées dans toute la Tunisie et la réaction dépassa toute ses espérances.

«Partout on a répondu à mon appel avec enthousiasme : les uns m'ont donné un terrain, d'autres des maisons, d'autres encore des fermes. Un fellah m'a donné une olivette entière. Dans certains douars, des femmes sont venues pleurer devant moi, parce que nous construisons l'école sur le terrain du voisin. Un autre détail, ce ne sont pas toujours les plus aisés qui nous ont aidés. Beaucoup n'ont que des gourbis pour habitation, il fallait les voir avec quel soin et quel amour ils ont construit de leurs mains les écoles qui, dans les douars, font figure de palais.

Le ministère de l'Urbanisme nous a donné les plans des écoles les architectes régionaux nous ont aidés; mais ce sont les habitants des villages qui ont construit les locaux de leurs mains. Il appartient au secrétaire d'Etat à l'Education nationale (M. Lamine Chebbi à l'époque) de les meubler et de les doter des maîtres». Oui des maîtres qui ont formé des générations et qui n'ont jamais pris en otage l'Etat ou les élèves.

Voilà un souvenir qui atteste que l'esprit de l'école du peuple n'est plus en vigueur. Quand on appartient à un corps aussi proche des coeurs des Tunisiens, il n'y a pas que l'argent ou les avantages qui comptent. Il y a la morale, l'excellence, l'amour de la patrie et le sens du devoir et le seul profit qu'on cherche est l'épanouissement de l'élève car la mission première de l'école est la transmission d'un socle de connaissances, d'une culture et des valeurs communes.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.