Madagascar: Une colline à position stratégique à Tsinjoarivo

La première visite de Ranavalona Ire dans la région de Tsinjoarivo, la mène au sommet d'Andrangalisa ou Vohitrarivo, une colline à environ 1 200 mètres d'altitude.

Le seigneur Ramanjaka y réside, donc son vassal puisqu'à l'époque, l'actuel Vakinankaratra fait déjà partie du royaume de l'Imerina. La reine compte y installer son Rova de villégiature puisque les infrastructures nécessaires existent déjà et qu'il suffit d'aménager. Comme tout village fortifié des Hauts-Plateaux, on y accédait par un grand fossé qui fait le tour du village et qui donne sur un tunnel aboutissant à la porte de pierre de l'entrée et sur la sortie du village.

En outre, comme dans toute la région, la colline est alors recouverte d'une forêt primaire qui constitue également une protection naturelle. Pourtant, la reine décide de s'établir à Tsinjoarivo pour éviter la traversée de l'Onive, très risquée en saison des pluies. Cependant, comme la colline est vue sur toute la région orientale, elle y installe un camp de Voromahery, des soldats-colons.

Plus tard, au début de la période coloniale, le général Joseph Simon Gallieni maintient ce camp militaire du fait de la position stratégique de Vohitrarivo dans sa politique de pacification. Effectivement, les soldats peuvent faire des incursions dans la forêt toute proche où se cachent les nationalistes Menalamba. À cette époque, explique Bebe Rasoamananjara, déjà centenaire en 2009, qui, malgré ses pertes de mémoire, a des résurgences de son passé, « les Vazaha (Blancs) se faisaient annoncés par des coups de fusil avant d'entrer dans le camp par mesure de précaution ».

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Malheureusement en 2001, profitant des troubles politiques qui perturbent la vie nationale, des «mains criminelles » incendient la forêt de Vohitrarivo, détruisant l'emplacement du camp militaire dont il ne reste plus qu'un foyer à trépied et trois tombeaux, mais nul ne sait qui y sont enfouis. Du fait de l'existence de ces derniers, il est interdit d'y amener de la viande de mouton et de porc ainsi que de l'ail.

Au début du XXIe siècle, une pierre levée est installée au milieu des trois tombeaux, sur laquelle les paysans de cette zone continuent de sacrifier un zébu. Pour ce faire, ils se cotisent car ce sacrifice annuel est fait pour demander à Zanahary et aux Ancêtres la protection des cultures contre la grêle. Le rite se déroule soit le premier jour du mois d'Alahamady, jour faste, soit le premier jour du mois d'Alakaosy, jour difficile. Les animaux sacrifiés ont une teinte rouge (couleur royale) pour Alahamady, handicapés des pattes pour Alakaosy.

Le choix du premier jour d'Alakaosy s'explique par le fait qu'étant un jour dur dans un mois dur, il peut vaincre la force de cette catastrophe naturelle qu'est la tombée des grêles. Et pour respecter la coutume, après le rituel, les villageois envoient la culotte du boeuf sacrifié (vodihena) aux gardiens du Rova, actuels locataires de l'ancienne résidence royale. Tout près des tombeaux, se trouvent également trois arbres intouchables. Selon les villageois, l'un d'eux notamment saigne quand on blesse son tronc.

Cela vient sans doute de la couleur de la sève qui en coule. D'autres sites historiques entourent aussi le Rova. Tel Mahatsinjo, autrement appelé la «Colline aux Soixante Hommes» depuis 1832. D'après la tradition orale, ces hommes sont des prisonniers issus des quatre coins du Royaume merina. Ils sont réduits à l'esclavage à perpétuité pour avoir exporté illicitement du riz à une époque où la Cour d'Antananarivo décide de chasser tout étranger qui refuse de se soumettre aux lois et aux corvées royales (sous Ranavalona Ire).

Ils sont toutefois choisis parmi les détenus auxquels le gouvernement peut se fier. Car ils sont à la fois des corvéables, des soldats et des colons. Leur mission est en effet triple. Primo, Mahatsinjo situé à mi-distance entre Nandihizana et le Rova, permet de guetter l'arrivée d'éventuels ennemis. De plus, il est prévu qu'en cas d'attaque venant de l'extérieur, ils auront à prêter main forte à la garde royale en attendant l'arrivée des soldats de Vohitrarivo. Secundo, c'est sur ce sommet que le peuple acclame l'entrée de la Reine dans le Rova.

Tertio, en tant que colons, ils défrichent le terrain pour y cultiver des arachides. La production sert à la fabrication d'huile et à l'alimentation. En fait, Mahatsinjo traduit tous les sens du terme: guetter, apercevoir, prévoir la subsistance en cas de pénurie. Plus tard, avec l'arrivée des Français qui abolissent l'esclavage, la plupart de ces hommes retournent dans leurs terre d'origine, emportant leurs morts. Aujourd'hui, il ne reste plus aucune trace de leur présence puisque le lieu est devenu un champ de tubercules des villageois.

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