Afrique: Clap de fin pour les rencontres de la Fondation de l'innovation pour la démocratie en Afrique

La première activité publique de la toute jeune Fondation de l'innovation pour la démocratie a eu lieu de dimanche 9 à mardi 11 juillet à Grand-Bassam. Pendant trois jours, la fondation née après le sommet Afrique-France de Montpellier en 2021 a réuni universitaires, acteurs institutionnels et société civile, pour dresser un diagnostic commun des situations de la démocratie en Afrique. Alors que certains ont critiqué l'emprise de la France et des anciens colonisateurs, le président de la fondation a souhaité faire gagner « l'intelligence collective des Africains ».

Ce sont trois jours de conférences et de tables rondes, souvent très animées, qui s'achèvent mardi 11 juillet au soir. L'idée de cette fondation est née à l'issue du sommet Afrique-France de Montpellier en 2021. Et son organisateur, Achille Mbembe, directeur général de la fondation, dresse une première conclusion : « Le seul choix qu'il nous reste est de miser sur l'intelligence collective des Africains, pour sortir des impasses actuelles », a-t-il confié à notre envoyée spéciale à Grand Bassam, Marine Jeannin.

« L'objectif étant de dresser un état des lieux : où en sommes-nous aujourd'hui, du point de vue de l'avancée démocratique, et où est-ce que nous voulons aller ? », a poursuivi le Camerounais, qui est également historien.

Coups d'État, troisième mandat, élections truquées : les dysfonctionnements démocratiques sur le continent sont disséqués par les intervenants, majoritairement originaires d'Afrique de l'Ouest, rapporte notre envoyé spécial à Grand-Bassam, François Hume-Ferkatadji.

Car parmi les chantiers qui se dessinent, la Fondation a souligné celui des réformes constitutionnelles: comment faire pour enraciner dans tous les pays le principe de l'alternance, et sortir du « syndrome du troisième mandat », selon les termes d'Achille Mbembe ? Mais aussi un chantier électoral : comment faire pour que les élections ne soient plus un moment de conflits, mais, au contraire, renforcent les institutions démocratiques ?

Des critiques en raison de la dépendance financière envers la France

Outre les panels, la Fondation compte également organiser des formations et financer des acteurs de la société civile qui promeuvent de nouvelles pratiques démocratiques. Elle est financée par le gouvernement français et dotée de 50 millions d'euros sur cinq ans. Des critiques avaient émergé sur ce projet, en raison de cette dépendance financière, du poids de l'histoire de la Françafrique, et d'interrogations sur son efficacité et ses résultats.

Dans un contexte de défiance envers la politique de la France en Afrique, le projet, financé par la France, a également fait l'objet de critiques. « Nos critiques sont, somme toute, assez légitimes, et je l'ai dit à maintes reprises, explique le politologue ivoirien Eddie Guipié. Mais nos critiques ne vont pas nous absoudre de l'obligation de réfléchir, de penser quant à la démocratie et à la trajectoire de cette dernière en Afrique. »

Pour le militant congolais Fred Bauma, tous les facteurs de la crise démocratique en Afrique doivent être mis sur la table : « Les pays comme la France comprennent aussi ce qui ne va pas avec son intervention sur le continent. Mais surtout, pour nous, je pense [qu'il est important] de comprendre ce qu'on a raté dans nos tentatives de prendre en main notre destin. »

Les femmes et les jeunes au coeur de nombreuses tables rondes

Plusieurs tables rondes ont également été consacrées aux nouvelles coalitions sociales, en particulier les jeunes et les femmes. Comment rééquilibrer les rapports de genres dans des sociétés où les femmes sont majoritaires démographiquement, mais minorées politiquement ? Comment faire une place pour les jeunes dans les systèmes politiques ?

Les discussions s'achèvent par un appel à projets, qui doivent être dans la continuité des problématiques abordées. La fondation espère faire de ces rencontres un rendez-vous annuel, et financer une dizaine de ces projets par an. « Nous savons qu'Achille Mbembé tient une patate chaude dans les mains, mais nous sommes décidés à oeuvrer ensemble pour qu'il n'échoue pas », confie également, hors micro, l'un des participants.

Le soutien à la démocratie par « les bailleurs de fonds » n'a pas pris en compte le contexte

Parmi les thématiques clés abordées : l'aide au développement, que certains voudraient soumise à des soutiens à la démocratie. Katherine Nwajiaku-Dahou, directrice de programme Politique et gouvernance à l'Overseas Development Institute (ODI), un institut de recherche basé à Londres, est l'une des intervenantes : ces 30 dernières années, souligne-t-elle, les approches de soutien à la démocratie portées par les bailleurs de fonds ont souvent été trop standardisées, sans prendre suffisamment pris en compte les contextes africains.

Selon Katherine Nwajiaku-Dahou « Il y a eu des tentatives de certains bailleurs de fonds, notamment les Britanniques, de mettre l'accent sur le contexte, de trouver une manière de faire ce qu'ils appellent "l'économie politique appliquée" »

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