Dakar — La réforme de la politique foncière au Sénégal est "toujours bloquée", constate le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR), affirmant être à l'écoute des pouvoirs publics pour son aboutissement.
"Depuis les années 90, on est dans une réflexion qui devait aboutir à une réforme foncière. Cette réforme est toujours bloquée parce qu'il y a des difficultés", a déclaré Babacar Diop, un des dirigeants du CNCR.
"La position de la société civile est très claire : nous défendons les populations locales", a précisé M. Diop lors d'un atelier consacré à la gestion de la terre au Sénégal.
Des organisations de la société civile, des partenaires économiques et financiers de l'Etat et des représentants du secteur privé ont pris part à l'atelier dont le but, selon le CNCR, est d'arriver à une réforme de la politique foncière sénégalaise.
La loi de 1964, qui organise la gestion de la terre au Sénégal, a fait l'objet de plusieurs tentatives de réforme, selon Babacar Diop.
»Cette loi mérite une réforme. On a eu la chance de rencontrer le président de la République pour en parler mais il nous a dit qu'il est en train de regarder le document » qui lui a été remis par la Commission nationale de la réforme foncière (CNRF), a souligné le délégué du CNCR, l'une des principales organisations paysannes du pays.
Babacar Diop affirme que la réforme de la politique foncière a connu un "blocage", dont il juge l'Etat responsable.
"Le document de politique foncière avait été déposé à la présidence de la République par le regretté professeur Moustapha Sourang. Il n'y a pas eu de suite", a déclaré M. Diop.
La CNRF, dirigée par le professeur Moustapha Sourang (1949-2020), a été dissoute par le président de la République.
En attendant que l'Etat mette fin au "blocage", la société civile poursuit la réflexion sur les changements à faire en matière de gestion des terres, selon Babacar Diop.
Le CNCR, pour sa part, a-t-il dit, continue son "travail de conscientisation et de communication" sur cette question.
Cette rencontre "va nous permettre de restituer les informations qui nous viennent d'un travail de production de connaissances. Ce sont des informations qui nous viennent de la population", a expliqué M. Diop.
Il assure que le CNCR dispose d'informations assez suffisantes pour conduire le Sénégal vers "une bonne réforme" de la politique foncière.
"Le CNCR se bat pour une réforme foncière négociée au Sénégal. Il y a beaucoup d'avancées, mais jusqu'à présent ça n'aboutit pas à quelque chose. L'absence de dialogue est l'un des facteurs de blocage", a signalé Dr Cheikh Oumar Ba, le directeur exécutif de l'Initiative prospective agricole et rurale (IPAR), un "espace de réflexion" dédié aux politiques agricoles et rurales.
L'IPAR assure le secrétariat d'une "plateforme" chargée de la gouvernance foncière, qui réunit divers acteurs concernés par la gestion de la terre, dont le gouvernement, le secteur privé et la société civile.
"Nous avons créé la plateforme la plus inclusive possible pour discuter des points de blocage", a ajouté M. Ba.
Qui de l'Etat ou des collectivités territoriales doit s'occuper de la terre ? Les divergences de vue en réponse à cette question sont à l'origine du "blocage" dont parlent l'IPAR et le CNCR, selon Cheikh Oumar Ba.
"Nous savons que l'un comme l'autre peut la gérer de manière tout à fait légitime mais il faut qu'on mette des garde-fous", a dit M. Ba.
La plateforme fédérant la société civile, les pouvoirs publics et le secteur privé souhaite la tenue d'un "dialogue national" sur la réforme foncière, selon le directeur exécutif de l'IPAR.
"Nous avons prévu des assises d'ici à la fin de l'année", a-t-il poursuivi, évoquant la nécessité pour les parties concernées d'arriver à un consensus.
"On va vers une élection présidentielle. Il faut faire en sorte qu'un débat de fond sur le foncier ait lieu entre les candidats", a suggéré Cheikh Oumar Ba. "Le foncier est ce qu'il y a de plus important au Sénégal parce qu'il assure la paix sociale et le développement économique."
Le Sénégal risque de transformer toute ses terres propices à l'agriculture en terres à usage d'habitat, d'ici à 2050, a prévenu M. Ba.