Vingt ans après l'adoption de la convention de l'Union africaine (UA) sur la prévention et la lutte contre la corruption, quel bilan pour Madagascar ? Mardi 11 juillet, le Comité pour la sauvegarde de l'intégrité a organisé un débat avec les acteurs du système anticorruption. Malgré les annonces de « tolérance zéro » des dirigeants qui se sont succédé à la tête du pays, les affaires de grande corruption et de petite corruption gangrènent encore le pays.
Avec la mise en place des cinq entités du système anticorruption, Madagascar progresse, s'accordent les acteurs de cette lutte. Dernier maillon établi en 2022, l'agence de recouvrement des avoirs illicites, qui a saisi une centaine de véhicules et gelé près de 400 comptes bancaires, indique son directeur général, Aimé Rasoloharimanana. « On est toujours au stade du provisoire, c'est-à-dire du gel et de la saisie, mais on n'a pas pu encore recevoir des décisions de confiscations définitives parce que souvent quand il y a une décision qui est rendue par la première instance, elle est systématiquement frappée d'appel et après l'appel, frappée de pourvoi et donc jusqu'à maintenant on ne nous a transmis aucune décisions de confiscation définitive », nuance-t-il.
Le bilan reste en demi-teinte pour la Grande Ile. « Sur le plan de la conformité, on a quand même une longueur d'avance par rapport aux autres pays africains. Mais c'est sur le plan de l'effectivité, c'est-à-dire de l'application des normes que l'on a des efforts à faire », poursuit le directeur général de l'agence des recouvrements des avoirs illicites.
« Il faut que tout le monde oeuvre ensemble »
Plusieurs textes cruciaux mentionnés dans la convention de l'Union africaine pour rendre efficace cette lutte n'ont pas encore été adoptés ou comportent des lacunes, notamment les lois concernant le financement des partis politiques, la protection des défenseurs des droits humains et des lanceurs d'alerte et celle garantissant l'accès à l'information.
« Il faut que tout le monde oeuvre ensemble et qu'il y ait une volonté politique réelle aussi bien au niveau de l'État que des institutions, de l'Assemblée nationale, estime Bakolalao Ramanandraibe, la présidente de l'ONG Ivorary, présidente honoraire de la Cour de cassation et ancienne Garde des Sceaux. Mais aussi au niveau des juridictions, il y a des choses à améliorer peut-être, notamment l'efficacité du système judiciaire par plus d'indépendance de la justice [...]. Le problème se situe aussi essentiellement au niveau stratégique. Il ne faut pas seulement se focaliser sur les sanctions des infractions, mais il faut aussi voir des mesures incitatives, les conditions de réussite de la lutte, notamment les actions pour réduire la pauvreté, inciter les acteurs propres à travailler ensemble, etc. »
Dans le dernier classement de l'indice de perception de la corruption de Transparency international, Madagascar est en dessous de la moyenne et stagne avec un score de 26/100. La stratégie nationale de lutte contre la corruption établie en 2015 tablait sur un score de 50/100 à l'horizon 2025.