C'est l'incertitude autour de la présence du sénateur Augustin Matata Ponyo ce mercredi 12 juillet 2023 à l'office du Procureur Général près la Cour Constitutionnelle, où il est attendu en vue d'être auditionné au sujet des faits infractionnels à sa charge. Les observateurs croient savoir qu'il s'agit du rebondissement de l'affaire Bukanga-Lonzo, du nom du projet avorté du parc agro-industriel qui devrait être aménagé dans la province du Kwango sous mandat de Premier ministre Matata Ponyo (2012-2016). On signale que le flou persiste au sujet du présumé détournement de 205 millions de dollars américains sur les 285 millions de dollars décaissés par le Trésor public en vue du financement dudit projet, dont « l'auteur intellectuel » serait Augustin Matata Ponyo.
Selon les échos en provenance du Parquet Général près la Cour Constitutionnelle, le premier mandat de comparution lui adressé n'a pas pu lui parvenir, suite au refus du gardien de sa résidence de le réceptionner. D'où l'huissier de justice qui en était le porteur a dû le ramener auprès de sa hiérarchie avec la mention « Refus de réceptionner par son gardien de parcelle ce 27-06-2023 ». On laisse entendre que le second mandat, émis le lundi 10 juillet 2023, aurait connu le même sort.
Selon des juristes qui se sont exprimés au sujet de la procédure, si Auguste Matata Ponyo ne se présente pas ce mercredi 12 juillet auprès du Procureur général Jean-Paul Mukolo Nkokesha ni ou ses avocats pour justifier son absence, ce haut magistrat se verrait dans l'obligation de passer à l'étape de l'émission d'un mandat d'amener, comme c'était le cas dernièrement avec Franck Diongo.
Dangereuses manœuvres dilatoires
On rappelle que le dossier judiciaire de l'ancien Premier ministre sous le régime de Joseph Kabila est ouvert depuis novembre 2020, après le dépôt, par l'IGF (Inspection Générale des Finances), au niveau du Parquet général près la Cour de Cassation, de son rapport d'enquête sur le détournement présumé de 205 millions sur 285 millions de dollars américains affectés aux travaux de construction du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, avec comme « Auteur intellectuel » Augustin Matata, et comme co-auteur Patrice Kitebi, ancien ministre délégué aux Finances, alors rattaché au cabinent de l'ancien Premier ministre, et du Sud-Africain Crobler Christ, gérant de la société chargée des travaux d'aménagement de la ferme agro-industrielle.
Au terme d'une bataille judiciaire de courte durée déclenchée en novembre 2020, la Cour de Cassation s'était déclarée « incompétente » à juger le prévenu Matata et avait transféré son dossier à la Cour Constitutionnelle. Après une nouvelle cacophonie procédurale, cette haute juridiction s'était déclarée à son tour « incompétente », ce qui avait provoqué un scandale sans précédent, car le pays était placé dans une situation où aucune institution judiciaire ne pouvait juger un ancien Premier ministre pour des actes commis dans l'exercice de ses fonctions.
Après un sérieux flottement, on assistait, en juin 2021, à une nouvelle auto-saisine de la Cour Constitutionnelle, qui pour la circonstance s'adressait au bureau du Sénat pour solliciter la levée des immunités du sénateur Matata. Convoquée à cet effet, la plénière de la chambre hauteur du Parlement rejetait la requête du Procureur Général près la Cour Constitutionnelle. Mais l'affaire n'étant toujours pas clause, une seconde requête de la même juridiction était «validée», hors session, en pleines vacances parlementaire, 05 juillet 2021, par le bureau du Sénat.
Ne s'avouant pas vaincus, Matata et ses avocats ont multiplié des exceptions, en commençant par la levée illégale de ses immunités par le bureau du Sénat, l'incompétence de la Cour de Cassation comme de la Cour Constitutionnelle d'engager des poursuites contre sa personne, le complot du pouvoir en place contre sa candidature à la magistrature suprême du pays... Le comble de tout est qu'il avait fini par intenter des procès, en juin dernier, contre le président du Sénat, Modeste Bahati, et le Procureur général près la Cour Constitutionnelle, au niveau de la Cour de Cassation, les accusant de chercher à l'éliminer de la course à la présidentielle.
D'aucuns pensent que l'ancien Premier ministre continue de jouer avec le feu car au stade où se trouve son dossier judiciaire, rien ne peut plus arrêter l'action publique enclenchée par le Procureur général près la Cour Constitutionnelle. Le grand risque qu'il va courir, s'il faisait faux bond ce mercredi 12 juillet, c'est d'être placé sous le régime de mandat d'amener, comme souligné plus haut, et de se faire prendre, à Kinshasa ou à n'importe quel coin du territoire national, et d'être amené, manu militari, auprès de son « juger naturel », verbalisé et placé sous mandat d'arrêt provisoire. Augustin Matata Ponyo chercherait-il à se faire du buzz avant l'instruction pré-juridictionnelle et l'ouverture de son procès ? Dossier à suivre.