Togo: Combien de morts faut-il encore avant que Faure Gnassingbé ne les libère ?

analyse

« Rappelez-vous qu'à travers l'histoire il y eut des tyrans et des meurtriers qui pour un temps, semblèrent invincibles. Mais à la fin, ils sont toujours tombés. » Gandhi

Tairou Mourana, Alidou Saidou, Alassani Issaka, Moussa Saibou, Souleymane Djalilou, Yakoubou A. Moutawakilou, Bamouibé Kossi, Kéliba Kassimou. Voilà la macabre liste des 8 prisonniers politiques décédés en détention ou peu après leur libération. Parmi les 8 qui ne sont plus de ce monde par la volonté de ceux qui disposent du droit de vie et de mort sur les Togolais, seul Yakoubou Moutawakilou, rendu malade en prison, est décédé peu après sa supposée libération. Tous les autres, la plupart dans la fleur de l'âge, devenus malades sous l'effet des tortures de toutes sortes et des conditions de détention, avaient dû rendre l'âme en prison ; et leurs familles respectives n'avaient plus qu'à recevoir les corps et à les enterrer sans broncher. Ainsi va la vie dans l'îlot de terreur appelé Togo.

« Prisonniers politiques jusqu'à ce que mort s'ensuive ? » Voilà la question que nous posions il y a quelques mois dans un article traitant des prisonniers politiques au Togo. C'est vraiment l'impression que nous avons en analysant le comportement d'indifférence de la part de Faure Gnassigbé et son entourage, vis-à-vis de la dignité et surtout de la vie des autres citoyens togolais. La vie des uns serait-elle plus importante que celle des autres dans notre pays ? Sinon comment peut-on expliquer qu'après la mort en détention, ou à cause de la détention, de huit (8) citoyens Togolais dont la culpabilité n'a jamais été prouvée, on puisse encore maintenir en prison plusieurs dizaines de prisonniers pour des raisons politiques, malgré des appels répétés de la part d'organisations nationales et internationales des droits de l'homme, malgré la dernière décision de la cour de justice de la CEDEAO en faveur de leur libération ? À quoi sert alors la comédie de jouer au médiateur chez les autres, de se prendre pour l'homme de la paix ou le champion du panafricanisme, pendant qu'au Togo des citoyens sont embastillés alors qu'ils ne constituent aucun danger pour le pouvoir politique ? Après avoir discuté avec nos contacts qui s'intéressent au sort des détenus politiques au pays, il nous est revenu que ces derniers ne savent plus à quel saint se vouer. La justice au Togo, trop politisée, trop instrumentalisée, trop lâche, pour jouer son rôle de refuge à la veuve et à l'orphelin. La justice togolaise s'étant donc aplatie devant le pouvoir politique, il ne reste plus qu'une solution politique pour leur libération ; surtout que, comme nous l'écrivions tantôt, Faure Gnassingbé même sait que tous ces citoyens maintenus en prison ne sont d'aucun danger pour son pouvoir.

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Médiatisés à plusieurs reprises, les cas les plus emblématiques sont sans nul doute les drames que constituent la détention de l'Irlando-Togolais Aziz Gomah, de dameNambéa Méhiuowa Leyla et de Jean-Paul Omolou. Arrêté le 21 décembre 2018, Aziz Gomah est accusé d'avoir hébergé des jeunes arrivés au Togo pour participer aux manifestations de l'opposition ; des accusations refutées par l'infortuné qui se déplace aujourd'hui à l'aide d'une chaise roulante. Son état de santé presque grabataire malgré son relatif jeune âge, l'impossibilité de prouver sa culpabilité par ceux qui l'accusent, les appels incessants, aussi bien de ses medécins que de plusieurs organisations nationales comme internationales des droits humains, n'ont pu jusqu'à ce jour émouvoir le coeur des autorités politiques togolaises.

Nambéa Méhiuowa Leyla, épouse Tagba ; c'est cette jeune mère de famille, allaitant un bébé de 7 mois. Arrêtée depuis le 18 décembre 2019 dans l'affaire sans tête ni queue de « Tigre Révolution » ; elle croupit à la prison civile de Lomé avec d'autres compagnons d'infortune. Souffrant d'hypertension, de difficultés respiratoires et de divers autres maux, les nombreux appels d'organisations de défense des droits de l'homme et de certaines chancelleries pour sa libération sont jusqu'à aujourd'hui restés lettre morte.

Jean-Paul Omolou n'est plus à présenter. C'est ce citoyen togolais de la diaspora suisse en séjour au Togo, arrêté le 4 novembre 2021. Son tort, avoir tout simplement choisi de lutter pour les droits du peuple, et de se battre pour que la démocratie soit une réalité dans son pays d'origine. Bien qu'il n'ait jamais appelé à une rébellion armée, Jean-Paul Omolou est accusé de lourds délits à faire dormir debout et jeté en prison.

Aujourd'hui tous ces Togolais en détention pour des raisons politiques retiennent leur souffle quand ils se rappellent surtout de leurs huit (8) co-détenus qui avaient dû quitter la prison les pieds devant. Quel sort leur réserve-t-on ? se demandent-ils ? Faure Gnassingbé et son entourage, aussi bien civil que militaire, vont-ils prendre le risque que d'autres citoyens en prison perdent la vie, avant de se décider à les libérer tous ? Rappelons que beaucoup de ces dizaines de prisonniers politiques encore en détention, sont des militants ou sympathisants du Parti National Panafricain (PNP), comme par exemple, Aboubakar Tchatikpi dit Janvion, dont le seul délit est d'être un proche sur le plan familial de Tikpi Atchadam. Les autres furent arrêtés dans cette affaire de "Tigre Révolution", une histoire apparemment inventée de toutes pièces pour faire peur et affaiblir l'opposition.

Après le geste de Macky Sall au Sénégal salué par tout le monde, notre pays le Togo reste aujourd'hui la gangrène et surtout la seule triste curiosité dans la sous-région ouest-africaine. Et si on commençait par la libération de tous les détenus politiques sans condition ? Et si on permettait le retour de tous les exilés politiques, dont Monseigneur Fanoko Philipe Kpodzro ? Ceci ne constituerait-il pas un pas de géant vers une décrispation de la vie politique ?

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