C'est une nouvelle affaire dans l'affaire.
Après avoir été gardé à vue, Biramane Souleye Diop, député de l'opposition sénégalaise, a été formellement inculpé le mardi 11 juillet 2023 pour « offense au chef de l'Etat et actes de nature à compromettre la paix publique ». En cause, ses propos tenus au lendemain de la décision du président Macky Sall de renoncer à briguer un troisième mandat à la présidentielle de février 2024.
Le président du groupe parlementaire de la coalition de Yewwi Askan Wi avait en effet déclaré au cours d'une conférence de presse : « J'avertis les prochains candidats de l'APR (Ndlr : le parti au pouvoir) : évitez de manger chez lui (Ndlr : Macky Sall), évitez de boire son eau, il est capable de vous empoisonner et de dire : comme nous n'avons plus de candidat, je reviens. Et de le faire à la Ouattara. Prenez garde ! » L'opposant faisait allusion à la mort du Premier ministre ivoirien et candidat annoncé du parti au pouvoir à la présidentielle, Amadou Gon Coulibaly, le 8 juillet 2020. Les méchantes langues y avaient vu un empoisonnement.
C'est cette comparaison qui vaut aujourd'hui à celui qui est également le numéro 2 du PASTEF, le parti d'Ousmane Sonko, ses ennuis judiciaires.
Il n'en fallait pas plus pour que les contempteurs de Macky Sall montent de nouveau au créneau au prétexte que l'incriminé est victime de « l'intolérance et l'intransigeance d'une justice punitive et instrumentalisée » ; le même refrain seriné depuis deux ans avec les procès successifs d'Ousmane Sonko, d'abord pour diffamation sur la personne du ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, et ensuite pour une histoire de viol présumé sur l'employée d'un salon de massage, Adji Sarr.
Les camarades de l'élu pestent surtout contre la violation de l'immunité parlementaire du député-maire de Thiès-nord
Certes, on peut s'interroger sur les procès qui frappent depuis le début de son mandat les principaux opposants du président sénégalais, de Karim Wade à Biramane Souleye Diop, en passant par Khalifa Sall, Barthelemy Dias et Ousmane Sonko.
Cela dit, ce n'est pas parce qu'on est opposant qu'on doit tout se permettre. Le statut d'opposant autorise-t-il, les injures ? Peut-on diffamer sans conséquence parce qu'on est juste de l'opposition ?
Ce sont là autant de questions qui appellent la responsabilité de ceux qui aspirent à gérer le pouvoir d'Etat et qui devraient plus que quiconque savoir qu'il faut tourner sa langue plusieurs fois avant de parler, au lieu de se barricader systématiquement derrière l'argument un peu trop facile de l'instrumentalisation de la justice.Ils sont des justiciables comme les autres qui doivent répondre de leurs actes.
C'est bien connu, en droit, nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes, et en l'espèce, plutôt que de jeter l'anathème sur le premier magistrat sénégalais et ses juges présumés acquis, ses contempteurs devraient avoir au moins l'humilité et l'honnêteté de reconnaître leurs propres erreurs. Bien souvent, ce sont eux qui tressent la verge avec laquelle on les bat.