Comme cela se chuchotait dans son entourage depuis l'avant-veille, le Sénateur Augustin Matata Ponyo n'a pas répondu, hier mercredi 12 juillet 2023, au second mandat de comparution lui adressé le lundi 10 juillet 2023 par le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle, Jean-Paul Mukolo Nkokesha. On rappelle que le premier, daté du jeudi 29 juin, avait rencontré une fin de non-recevoir de la part du gardien de sa parcelle, selon le constat fait l'huissier de justice qui en était porteur. Plusieurs sources laissent entendre qu'il séjournerait présentement à Kindu, chef lieu de la province du Maniema.
En principe, le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle devrait passer à l'étape de l'émission d'un mandat d'amener à charge de l'ancien Premier ministre sous le régime de Kabila (2012-2016). Dans cette perspective, l'intéressé devrait s'attendre à être contraint à répondre aux faits infractionnels à sa charge, conformément à la loi, ainsi que cela est clairement souligné dans le second et dernier mandat émis par ce haut magistrat.
En ce qui concerne les faits pour lesquels le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle voudrait absolument entendre le sénateur Matata, l'opinion pense à l'affaire du détournement présumé de 205 millions de dollars américains sur les 285 millions décaissés par
l'Etat congolais en vue du financement du projet d'érection d'un parc agro-industriel dans la localité de Bukanga-Lonzo, dans la province du Kwango. Selon le rapport d'enquête transmis par l'IGF (Inspection Générale des Finances) au Parquet général près la Cour de Cassation en
novembre 2020, Augustin Matata Ponyo serait « l'auteur intellectuel » dudit détournement, avec comme co-auteurs son ancien ministre délégué aux Finances, Patrice Kitebi, et le Sud-Africain Crobler Christo, gérant de la société chargée de l'exécution des travaux.
C'est parti pour le bras de fer
Comme dit plus haut, Augustin Matata Ponyo a volontairement refusé de se présenter, hier mercredi 12 juillet 2023, au cabinet du Procureur Général près la Cour Constitutionnelle, au motif que ce haut magistrat n'aurait pas rempli les préalables requis pour l'audition de ce justiciable, sénateur de son état, même s'il est dépouillé de ses immunités. Dans le camp Matata, on persiste à soutenir que la Cour Constitutionnelle s'étant déclarée, en novembre 2020, incompétente pour instruire le dossier du concerné et l'ayant renvoyée à la Cour de Cassation, pour le même motif d'incompétence, ne peut plus revenir sur sa décision.
A en croire le Secrétaire général de son parti, Leadership pour la Gouvernance (LG), Franklin Tshiamala, « Matata Ponyo ne se présentera pas...Il se présentera en fonction de quoi, pour répondre à quoi, à qui et conformément à quelle loi ? Ca sera pour faire plaisir au Procureur?... Matata ne le suivra pas du tout... Ce n'est pas un cobaye du Procureur pour qu'il commence à tester ses connaissances en Droit constitutionnel... Nous savons que tout ceci est orchestré par le pouvoir pour empêcher Matata à pouvoir se présenter à la présidentielle parce que Matata constitue une menace sérieuse à la candidature de Tshisekedi...
Nous n'allons pas jouer ce jeu avec eux ». De son côté, le professeur Nyabirungu, le chef du collectif des avocats de Matata, qui a donné une conférence de presse hier au Cepas au sujet du dossier de son client, a martelé que la Cour Constitutionnelle était réputée incompétente pour engager des poursuites contre lui. A son avis, l'initiative du Procureur général près la Cour constitutionnelle ne reposerait sur aucun soubassement juridique.
Citant l'article 166 de la Constitution, il soutient que la décision des poursuites contre Matata aurait du être votée à la majorité des 2/3 des membres du Parlement composant le Congrès, suivant la procédure prévue par le Règlement Intérieur. Ce qui, manifestement, n'a pas été fait... Dès lors, si le mandat de comparution concerne Bukanga-Lonzo, il est nul et de nul effet».
La force à la loi
Nombre d'observateurs croient que le Sénateur Matata Ponyo, ses avocats ainsi que son parti ont choisi une voie à haut risque, celle de la chaise vide et de la contestation des pouvoirs dévolus au Procureur général près Cour Constitutionnelle. Car ce haut magistrat, en vertu des prérogatives lui reconnues par le législateur, ne va nullement arrêter la procédure qu'il a enclenchée à l'endroit de l'ancien Premier ministre. La force étant à la loi, Matata Ponyo doit être prêt à assumer les conséquences de sa « rébellion ». Dossier à suivre.