Cameroun: Portés disparus depuis deux ans - Les six fonctionnaires enlevés dans le Sud-Ouest ont été tués

14 Juillet 2023

Ils avaient été kidnappés par un groupe séparatiste armé en juin 2021 près de Mundemba. Deux ans après, un combattant sécessionniste repenti affirme qu'ils ont été exécutés.

Une onde de choc agite depuis le 07 juillet, les proches des six fonctionnaires enlevés dans le département du Ndian, région du Sud-ouest du Cameroun, il y a deux ans. Des «révélations troublantes» ont été faites par Tamara Clinton, un ancien combattant séparatiste repenti. Il a, en effet, affirmé que les six délégués départementaux ont été exécutés par « Ten Kobo », comme lui ancien commandant de l'une des milices armées, sur ordre de Chris Anu. Cet ancien porte-parole, aujourd'hui désigné président de la République autoproclamée d' « Ambazonie » vit aux Etats-Unis d'Amérique et est loin de renoncer aux affrontements armés.

Dans une vidéo postée à l'époque sur les réseaux sociaux et authentifiée par les autorités camerounaises, un groupe séparatiste avait revendiqué ce kidnapping à Misore-Balue, un village de l'arrondissement d'Ekondo-Titi, près de Mundemba. Il exigeait une rançon de 6 milliard Fcfa pour libérer ces fonctionnaires détenus dans un endroit tenu secret. Pendant cette période, seule la mort de Mabia Johnson Mudika, âgé de 42 ans, l'un des six fonctionnaires enlevés, avait été enregistrée par les sources officielles. Son corps abandonné avait été retrouvé le vendredi 18 juin 2021.

Les opérations de fouille avaient été infructueuses

Selon Tamara Clinton, après leur capture, l'ancien commandant sécessionniste, « Ten Kobo », avait reçu des ordres pour exécuter ces fonctionnaires. Cet ordre venait de l'un des leaders des groupes séparatistes installés hors du Cameroun qui souhaitait ainsi promouvoir ce chef de troupe, décédé entre temps, au rang de « field Marshall », une forme de « hiérarchie suprême » dans le commandement « territorial et militaire des troupes séparatistes armées ». Au moment de leur enlèvement, les six fonctionnaires étaient réunis au même endroit à l'occasion d'une descente sur le terrain pour procéder à une démarcation devant faciliter le travail de construction de lignes électriques.

Plusieurs jours après l'enlèvement, les opérations de fouille menée par l'armée camerounaise ont été infructueuses. Nwafua Lawrence Forwang, préfet du Ndian, et les forces de défense et de sécurité étaient entrés en contact avec les fonctionnaires kidnappés pour tenter de les libérer. En vain ! Il a fallu plus de 24 mois pour que l'opinion soit au courant du sort réservé aux cinq collègues de Mabia Johson Mudika, chef de service de l'économie, retrouvé mort le 18 juin 2021. Ils ont été tués eux aussi. Il s'agit de Elvis Mambe Ebaku (délégué départemental du ministère des Domaines et des affaires foncières), Felicia Ndong (déléguée départemental du ministère de l'Habitat et du Développement urbain), Emmanuel Elad (délégué département du ministère de l'Eau et Energie), Christian Mbida Armand (délégué départemental des Petites et moyennes entreprises) et Stephen Agbor Nyenty (chef du service des domaines du Ndian).

L'impact des meurtres dévastateur

« L'impact de ces meurtres brutaux a été particulièrement dévastateur pour les familles des victimes. Par exemple, l'épouse de l'un des délégués m'a contacté en avril de cette année, exprimant ses inquiétudes et son désespoir face à l'absence de nouvelles de son mari pendant deux longues années. Malheureusement, le gouvernement camerounais ne lui avait jamais révélé le sort tragique de son mari », analyse l'un des rédacteurs du site d'informations en ligne, www.237online.com . Le cyber journaliste poursuit en soulignant que : « Ces révélations horrifiques mettent en lumière l'urgence d'une résolution pacifique du conflit dans la région du NDIAN. Les violences et les enlèvements ne doivent pas rester impunis, et chaque effort doit être fait pour apporter justice aux victimes et à leurs familles. La situation au Cameroun reste complexe et incertaine. »

Il revient alors, selon Hilaire Kamga, aux familles des victimes de saisir les juridictions nationales ou celles du droit international des droits de l'Homme, pour porter plainte contre l'Etat du Cameroun, à cause de la perte d'un de leurs proches dans « ce conflit armé interne » que le gouvernement camerounais qualifie de « crise anglophone ».Contactée par Journalistesen Afrique pourle développement(Jade), Mery, une cadre du Centre pour la démocratie et les droits de l'homme (CHRADA), suit la voie de Me Agbor Balla. Elle milite pour la paix et souhaite que les différents protagonistes renoncent aux hostilités armés pour suivre la voix du dialogue et des négociations.

Par contre, l'ex-porte parole de la République autoproclamée d' « Ambazonie », Chris Anu, qui vit en exil à Houston, aux États-Unis, ne semble pas vouloir le retour à la paix. Il avait revendiqué l'enlèvement des six fonctionnaires. Depuis septembre 2022, il affirme avoir été élu président du mouvement séparatiste.

Ancien secrétaire d'État à la communication du groupe, M. Anu a affirmé il y a quelques mois au micro de James Butty de la Voix de l'Amérique, que son mouvement va porter le combat dans les territoires de "la République du Cameroun"."Nous voulons que les citoyens de la République du Cameroun ressentent la douleur que les « Ambazoniens » ont ressenti au cours des six dernières années", a-t-il proclamé. Le respect de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne semble pas faire partie de ses priorités. Alors que de manière universelle, il a été consacré que : «le droit à la vie est inhérent à la personne humaine.»

L'Onu dit non à l'impunité

C'est devenu monnaie courante que des fonctionnaires soient enlevés et exécutés depuis le début 2016, départ de la crise dans la partie anglophone du Cameroun. Le 11 février 2018, Marcel Namata Diteng, sous-préfet de Batibo avait été kidnappé et exécuté par des séparatistes. Un mois plus tard, les séparatistes kidnappaient et exécutaient Animbom Aaron Akiabom, délégué régional des Affaires sociales pour le Nord-Ouest, l'autre région anglophone.

Les militants de la société civile, à l'instar d'Hilaire Kamga de Nouveaux Droitx de l'Homme Cameroun, déplorent le fait que le gouvernement de Yaoundé ne veut pas admettre que la crise qui secoue les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest avec des affrontements armés entre les forces loyales et les milices sécessionnistes, constitue un conflit armé interne au sens de la Convention de Genève qui traite du droit de la guerre.

L'Organisation des nations unies (Onu), rappelant la Déclaration universelle des droits de l'homme , qui garantit le droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de la personne, ainsi que les dispositions pertinentes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et rappelant également la résolution 1989/65 du Conseil économique et social, en date du 24 mai 1989, dans laquelle le Conseil a recommandé les Principes relatifs à la prévention efficace des exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires, et aux moyens d'enquêter efficacement sur ces exécutions, invite tous les Etats au respect de l'article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cet texte dispose impérativement : « 1. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte.[...]3. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à:

a) Garantir que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte auront été violés disposera d'un recours utile, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles;

b) Garantir que l'autorité compétente, judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité compétente selon la législation de l'Etat, statuera sur les droits de la personne qui forme le recours et développer les possibilités de recours juridictionnel;

c) Garantir la bonne suite donnée par les autorités compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié. »

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