Tunisie: L'innovation, moteur des sociétés

14 Juillet 2023

Autour de nous, la tendance à sacraliser la tradition semble se répandre chaque jour un peu plus. Ceci est vrai quasiment dans tous les domaines. Commençons par l'exemple de la culture au sens le plus large. Faut-il, inlassablement, refaire la même jebba ? La même musique ? Faut-il enfermer l'artisanat dans les canons du passé ? L'architecture aussi ? Bien sûr que non.

En effet, l'innovation, la création sont le moteur des sociétés. La tradition, toute tradition, a été un jour une modernité. Alors, respectons la tradition, mais célébrons la modernité, c'est-à-dire la créativité. Un jour, quelqu'un a décidé d'assembler des pierres taillées en forme d'arc, de dessiner un nouveau point de broderie, de créer un nouveau modèle de la jebba ; d'ajouter la sauce tomate diluée au couscous ; de mijoter une mloukhia à la manière tunisienne... Dans tous ces cas et dans bien d'autres, ce qui a été créé un jour est devenu un classique, une tradition.

Lorsque Khémaïs Tarnane avait introduit des nouveautés dans la musique tunisienne, il a été, de fait, un moderne. Mais reprendre, aujourd'hui, inlassablement « Am Khemaïs », en le sacralisant, est une grave erreur. Et c'est justement ici que se situe la frontière entre la répétition et l'innovation. La frontière entre une culture vivante où on innove, où on crée et celle où on répète la même chose. La mode par exemple est une culture vivante qui se renouvelle un peu vite, pour des raisons commerciales, certes. Au début des années 60, Yves Saint Laurent démocratise le smoking pour femme. Désormais, grâce à ce grand couturier qui a marqué la mode française et mondiale, les femmes se sont mises à porter des tailleurs pantalons. Et c'est devenu un classique.

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Pendant que la culture vivante se régénère, donc, le folklore reprend toujours la même chose et se répète. Le vivant se renouvelle tout le temps. Le folklorique, jamais. La frontière est là. C'est la manière dont on utilise encore aujourd'hui chameaux et gargoulettes, avec les petites troupes qui refont les mêmes gestes, les mêmes chants avec les mêmes costumes, qui ne présentent plus aucun intérêt et frisent même le ridicule, en légitimant encore et toujours des clichés retenus ailleurs comme normes culturelles tunisiennes.

Ce qui est valable dans la culture l'est dans tous les domaines. Les plus grandes nations industrielles sont celles qui créent et innovent. Qui ont libéré les énergies. Un créateur est un dissident de l'ordre établi, qu'il soit culturel ou pas. Parce que seule cette dissidence fait évoluer les nations. Une nation figée, qui n'a pas conscience du temps qui passe, est celle où l'on refuse d'admettre que la vie évolue, change et se régénère. Elle se complaît paresseusement dans le passé. A l'inverse, Bourguiba fut un innovateur, un moderniste, un dissident absolu qui a dit à ses contemporains que l'ordre qui régissait la société ne lui convenait pas, qu'il devait être changé et voilà pourquoi. Il avait déroulé ses arguments. Et l'avait changé, d'où, entre autres, le Code du statut personnel.

Pour évaluer la vivacité d'une nation, sa capacité à évoluer, il faut voir si elle produit, crée ou pas. Cela est vrai dans la représentation sociétale et les libertés, l'entrepreneuriat et les industries. Dans l'économie, dans la culture, dans l'art, dans l'état d'esprit, dans les lois, dans tous les domaines, la création et l'innovation sont le moteur des sociétés. Sinon, la Tunisie ne sera qu'un pays de sous-traitance. Célébrons donc toute manifestation créative, innovante, nouvelle, en un mot, dissidente.

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