Ile Maurice: Licenciement de Yogita Baboo-Rama - Les syndicats sur le pied de guerre

Rencontre urgente demandée à Pravind Jugnauth

Des syndicats du public et du privé se sont regroupés en un front commun pour soutenir Yogita Baboo-Rama, présidente de l'Air Mauritius Cabin Crew Association, licenciée cette semaine. Rencontrant la presse hier, ils ont parlé de violation des droits syndicaux et humains, et des actions qui seront entreprises dans ce cas précis...

Radhakrishna Sadien, président de la State and Other Employees Federation (SEF), considère le licenciement de Yogita Baboo-Rama comme un cas flagrant de la violation des droits des travailleurs et humains, après que la direction d'Air Mauritius (MK) lui ait reproché d'avoir fait des allégations contre son employeur dans une émission radiophonique, le 25 avril. Ainsi, plusieurs fédérations se sont jointes à la cause pour apporter leur soutien à la syndicaliste et dénoncer MK pour la façon de traiter la présidente de l'Air Mauritius Cabin Crew Association (AMCCA). Il est clair pour lui que l'employeur ne respecte pas les droits de la syndicaliste. «Il faut dénoncer MK et donner un signal fort aux autres employeurs qui décideraient d'agir de la sorte.»

Ainsi, le front commun a déjà adressé une correspondance au Premier ministre, Pravind Jugnauth, sollicitant une réunion d'urgence sur le sujet et, en fonction de l'évolution de la situation, le front décidera de la marche à suivre. Il soutient que les syndicalistes ont toujours critiqué les mesures annoncées par les gouvernements précédents mais n'ont jamais été convoqués par un board disciplinaire, «MK pli royalist li ?», s'est demandé Radhakrishna Sadien.

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Outre la lettre adressée à Pravind Jugnauth, une plainte a été envoyée au Bureau international du travail. Le front commun a aussi écrit à plusieurs instances internationales et attend une prise de position à ce sujet. «Nous allons également écrire au Programme des Nations unies pour le développement. Pourquoi avoir convoqué Yogita Baboo-Rama ? Parce qu'elle a dit que MK doit sa réussite à la contribution de ses employés ? Ce sont les hôtesses et les stewards qui font le travail ou c'est Ken Arian ?», s'est-il demandé. Radhakrishna Sadien a aussi indiqué que plusieurs autres organisations ont signifié leur intention de se joindre à ce combat et qu'une rencontre se fera la semaine prochaine. «Nou na pa pou res trankil...»

D'autres syndicats prennent position...

Également présents à la conférence de presse, d'autres syndicats ont tenu à manifester leur solidarité à Yogita BabooRama. Parmi, Vijay Baumy, secrétaire générale du Congress of Independent Trade Unions (CITU) trouve que MK a dépassé les limites. «Assez ! Stop ! Arrêtez de faire de la démagogie et de licencier à gauche à droite. Nous sommes solidaires de Yogita BabooRama.» Iqbal Amiran, secrétaire général de la SEF, abonde dans le même sens, précisant que MK veut museler les syndicalistes pour qu'ils ne puissent pas partager les problèmes auxquels les employés font face. Ce qui est très mauvais. Jane Ragoo, de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP) a elle aussi déploré la violation des droits humains et a réitéré son soutien à la présidente de l'AMCCA en indiquant que «injury to one is injury to all». Elle a expliqué que si MK, une compagnie de l'État, s'adonne à la répression, que se passera-t-il pour celles du privé ? Pour empêcher que les abus soient perpétrés à nouveau, la rencontre avec le PM est importante.

Deepak Benydin, président de la Federation of Parastatal Bodies and Other Unions, a salué le courage de BabooRama et souligne qu'il y a bien peu de femmes syndicalistes. «Nou népli gagn drwa kozé ? Se enn danzé terib.» Il faut, a-t-il dit, rappeler le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, à l'ordre. Il renchérit que les boards disciplinaires sont «bidon». Pour lui, le gouvernement «bizin pa zis tap lestoma avek laloi travay» et puis permettre de l'autre côté, que les employeurs écrasent leurs employés.

Ashok Subron, membre de la General Workers Federation (GWF), a lui parlé de la double violation qu'a subie Yogita Baboo-Rama, de son droit syndical et de son droit à la liberté d'expression. Pour lui, il a été démontré que les gouvernements, qui ont bafoué les droits syndicaux, ont perdu les élections. Il a rappelé le cas de Sharvin Sunassee, ex-président de l'Airport of Mauritius Ltd Employees Union, qui a été le premier licencié sous le régime au pouvoir. «Ki Yogita BabooRama ti al ou pa al komité disipliner, zot ti pou lisensié li.»

Soodesh Callichurn, a-t-il ajouté, a une responsabilité car il lui avait dit en 2014 : «Il faut arrêter avec ces comités disciplinaires.» Pour Ashok Subron, ces comités disciplinaires apportent du business aux avocats. Il a aussi évoqué la «dérive fascisante» du gouvernement, notamment après les attaques contre les opposants politiques, les policiers qui infiltrent les salles de rédaction, un assassinat que la police a qualifié de suicide et au moins quatre syndicalistes qui ont perdu leur travail depuis 2019. «Il faut un sursaut de la population.»

Clency Bibi a qualifié le licenciement de Yogita BabooRama d'inacceptable et de révoltant. «Péna liberté exprésyon. Nous avons droit à une opinion et à une façon de penser.» Ce qui va se passer, c'est qu'aucun président ne pourra à l'avenir dénoncer quoi que ce soit. Il a aussi demandé à Soodesh Callichurn de se réveiller et d'appeler MK à la raison en réintégrant Yogita Baboo-Rama.

Narendranath Gopee, président de la Federation of Civil Service and Other Unions National Trade Union Confederation, est lui intervenu sur un «empire patronal de connivence avec la loi du travail.» Il a mis Soodesh Callichurn au défi que cette nouvelle loi du travail, sous l'article 64 donne au patron l'autorité nécessaire pour licencier les employés selon les réglementations légales. Puis, cette loi ne définit pas un «trade unionist». Il y a beaucoup de manquements et de faiblesses. Selon lui, Soodesh Callichurn avait tenu le même langage qu'avec Subron sur les comités disciplinaires. Mais pourquoi ne l'a-t-il pas fait ? «Parce qu'il a eu des pressions de Business Mauritius. Dir li vinn dir fran ek pa fer ipokrit...» Il estime que la bataille pour la réintégration de Yogita BabooRama sera difficile et nécessitera une mobilisation monstre, mais qu'il est important de le faire. La chance que certains syndicalistes ont, dont lui-même, c'est qu'ils sont retraités et ne risquent pas de perdre leur travail. Ils peuvent ainsi s'élever sans crainte contre les injustices...

C'est quoi la liberté syndicale ? Selon Narendranath Gopee, les procédures en cas de faute d'un syndicaliste sont claires. «Tout d'abord, dans le Digest of the Freedom of Association Committee du Bureau international du travail, il est clairement dit qu'un syndicaliste a le droit de parler librement à la presse sans autorisation préalable de l'employeur.» Si le syndicaliste a tenu des propos que l'employeur juge blessants ou diffamatoires, le seul recours est une poursuite civile et pas un comité disciplinaire. «De plus, on ne peut pas convoquer une personne en tant qu'employé et lui reprocher des propos tenus en tant que syndicaliste», a-t-il fait ressortir. Pour Ashok Subron, il est clair qu'il y a un rétrécissement de la liberté syndicale. Prenant l'exemple de MK, il explique que Ken Arian fait ce qu'il veut aujourd'hui avec la bénédiction de Pravind Jugnauth et que, ce faisant, le PM franchit une ligne rouge. «Li pe grat lédo maler, ek en tan zé lié, li pou gagn rezilta ki bizin!» Pour lui, aujourd'hui, plus que jamais, les syndicalistes complaisants doivent réaliser ce qui se passe et ne pas le cautionner. Ce qui s'est passé avec Yogita BabooRama, a-t-il ajouté, constitue un délit et il faudra désormais porter plainte à la police pour violation de ses droits. «Cela doit être condamné par la loi car justement la loi a renforcé la liberté syndicale depuis 2008.»

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