Afrique du Nord: En Afrique du Nord, le déploiement de la musique classique africaine [2/3]

Cet été, RFI fait découvrir un métissage encore méconnu : la musique classique africaine. Dans le 2e épisode de cette série en trois volets, nous vous emmenons en Afrique du Nord où s'est notamment déployé ce courant musical. Tout au long du XXe siècle, la région a été un carrefour entre les musiques arabe et européenne. Plusieurs compositeurs égyptiens, soudanais ou encore marocains ont alors exploré une fusion unique en son genre. Une série écrite et réalisée par Pauline Le Troquier avec l'aide de l'African Concert Series.

En Afrique du Nord, la musique classique africaine naît de la richesse rythmique de la région, où les gammes typiques berbères, arabo-andalouses, coptes ou encore sahraouies ont peu à peu imprégné le registre classique.

En Égypte, le répertoire européen est connu depuis la première campagne militaire de Bonaparte en 1798. Ça n'est qu'au tournant du XXe siècle que la musique arabe jouée dans les cafés chantants rencontre définitivement la musique classique européenne, qui elle résonne à l'Opéra du Caire, le premier opéra d'Afrique.

Sayed Darwich, né en 1892, est connu comme le père de la musique populaire égyptienne. Mais il est aussi le premier compositeur de la région à mêler aux instruments européens - comme le cor - le folklore égyptien. Ses oeuvres racontent la vie du peuple en quête d'indépendance de l'Empire britannique, de justice sociale et de modernité culturelle.

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Les percussions de la Nubie

L'empreinte de Sayed Darwich a été si importante que sa chanson El Helwa Di a récemment été arrangée et interprétée par le duo classique écossais-égyptien, les Ayoub Sisters.

Une génération plus tard, cette fusion musicale prend racine au Soudan voisin. L'un de ses compositeurs, Hamza El Din, né en 1924, est connu pour avoir mis en lumière les mélodies de la Nubie.

Dans son oeuvre Waterwheel, il adapte les percussions de cette région pour instruments à cordes européens. Un moyen de dénoncer la construction du barrage égyptien d'Assouan, qui dans les années soixante submerge les villages nubiens le long du Nil.

Le rêve d'un « Boris Godounov à la marocaine »

Au lieu d'utiliser la musique savante africaine comme outil de revendications nationales, la génération de compositeurs nés après les indépendances l'utilise pour montrer au monde la diversité de la région. C'est le cas de Nabil Benabdeljalil, compositeur marocain de renommée internationale, né en 1972. Il est formé au répertoire russo-ukrainien à Kiev.

« Tout en écoutant le Coran et la musique d'Oum Kalthoum, j'écoutais la Cinquième de Beethoven, très, très jeune, dès l'âge de cinq ans. Et puis plus tard je me suis dit : "Je veux aller en Union soviétique". J'adore la musique russe... C'est-à-dire, j'ai toujours le rêve de faire un Boris Godounov à la marocaine. Et je veux reproduire ce modèle sur nos propres musiques. »

Après avoir expérimenté les codes classiques de l'école russo-ukrainienne, Nabil Benabdeljalil a voulu puiser dans le patrimoine local marocain. Dans sa pièce Badawiyya, il s'inspire des gammes et sonorités de la musique rurale arabophone sur les violons, tout en les appuyant par des accords de piano percussifs, parfois dissonants.

Inscrire sa marque dans la musique classique

« J'ai été fortement inspiré, dans ma pièce qui s'appelle Badawiyya, par la musique de "la Haïta". "La Haïta", c'est un type de chant populaire qui est pratiqué sur les côtes ouest marocaines avec des mélodies, des modes et rythmes spécifiques. »

Utiliser la musique classique occidentale pour revendiquer sa propre identité a été le leitmotiv de plusieurs générations successives de compositeurs en Afrique du Nord. Dans ce répertoire, on retrouve les symphonies du compositeur algérien Salim Dada ou encore les pièces du pianiste marocain Marouan Benabdallah.

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