Maroc: La redéfinition des priorités et de l'action publique locale n'est pas pour demain

Réchauffement climatique, parent pauvre du PDR Casablanca-Settat

Le changement climatique demeure le parent pauvre des collectivités territoriales au Maroc. La région de Casablanca-Settat ne fait pas exception. Son PDR 2022-2027 (programme de développement régional) récemment dévoilé aux Casablancais n'a pas de grandes ambitions en matière de lutte contre le changement climatique. Ledit programme a l'ambition d'uniquement protéger et préserver l'environnement de la région sans chercher, pour autant, à rendre ce territoire vert, résilient et inclusif dans un climat changeant.

Mesures purement environnementales

En effet, le PDR contient 8 programmes et 3 projets en matière d'environnement destinés à la création d'une unité de tri et de revalorisation des déchets à Casablanca, à la réhabilitation de l'ancienne décharge de cette ville, à l'appui à la valorisation et la réutilisation des déchets ménagers, au soutien au programme de réhabilitation des zones humides et celles d'importance écologique, à la réhabilitation des stations de contrôle de l'air, à l'investissement dans la société de développement local Casa environnement.

La région compte également dans le cadre de ses prérogatives de préservation et de mobilisation des ressources en eau de mettre en oeuvre un programme régional de traitement et de réutilisation des eaux usées, la mise en oeuvre de travaux de protection contre les inondations, l'aménagement de structures contre les torrents, la protection des ressources en eau, la mise en oeuvre de travaux de liaison entre le barrage-réservoir du bassin de Sbou avec celui de Sidi Mohammed ben Abdellah pour l'approvisionnement en eau.

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Et qu'en est-il des phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus fréquents, notamment les épisodes de chaleur et de sécheresse extrêmes, d'humidité extrême, d'élévation du niveau de mer à l'échelle mondiale ... ? Silence radio.

Désintérêt et manque d'implication

Comment peut-on expliquer ce désintérêt ? « Cette question fait ressortir la spécificité du local en matière d'appropriation du dossier du changement climatique et le degré d'implication des acteurs locaux dans des thématiques transnationales », nous a répondu Mohammed Zaoui, chercheur en sciences politiques. Et de poursuivre : « En effet, la problématique du changement climatique n'est pas conçue, par tous les acteurs institutionnels locaux, comme « un problème public à part entière, appelant à une prise en charge particulière ». Ces acteurs sont plutôt enfermés dans la logique de leur secteur et défendent ses priorités.

Notre interlocuteur soutient que ces acteurs locaux sont conscients de la nécessité de combiner et d'intégrer à la fois des objectifs économiques, écologiques, sociaux et culturels et de l'importance de respecter ces quatre axes par chaque secteur. Ils estiment souvent que le Maroc est un pays en développement et qu'il faut prendre en compte son développement économique. Pour eux, il n'est pas question de se focaliser uniquement sur la nécessité de préserver l'environnement. Ils pensent qu'on doit voir les choses également du point de vue de chaque secteur».

Autrement dit, explique Mohammed Zaoui, les élus ne sont pas tous prêts à jouer le jeu puisqu'ils ont d'autres priorités (route, eau, électricité, assainissement...). Pour un certain nombre d'entre eux, les macro-objectifs des politiques nationales de gestion du changement climatique paraissent incompatibles avec ceux de la compétitivité économique à l'heure de l'ouverture des économies et avec la gestion quotidienne de l'action locale qui doit répondre à d'autres logiques. «Pour ces élus, l'intégration de la dimension extraterritoriale dans les politiques locales engage une importante redéfinition des priorités et des représentations du territoire et de l'action publique», nous a-t-il expliqué.

Ce faible niveau d'appropriation de la thématique du dérèglement climatique au niveau régional est également observé concernant les directions de l'environnement au niveau local dont la présence reste fortement limitée. «En effet, ces représentations régionales sont réduites en termes d'étendue du statut comme en termes de capacité d'intervention. Jusqu'à 2014, les bureaux régionaux relevant de cette autorité ne sont pas classés en tant que directions régionales, mais sont plutôt considérés comme des services régionaux occupant le bas des échelons hiérarchiques sans reconnaissance juridique officielle.

Idem pour les fonctionnaires de ces bureaux dont le statut n'a pas été adopté alors que l'article 18 du décret portant création du Département de l'environnement édicte la création de ces bureaux», nous a-t-il précisé. Et d'ajouter : «Leur travail se heurte à plusieurs difficultés. Elles ont des difficultés à coordonner avec les autres services extérieurs puisque chaque département défend ses priorités et ses propres intérêts. Et ces directions n'ont pas le pouvoir d'imposer leur point de vue puisque chaque ministère a ses propres compétences.

D'autant que les fonctionnaires des services extérieurs ne sont pas intéressés par la thématique de l'environnement et ne suivent pas les développements de ce dossier. C'est vrai qu'il y a implication des walis et présidents des régions dans ce dossier en donnant des instructions stratégiques mais leur mise en oeuvre passe mal via des fonctionnaires (techniciens, ingénieurs) qui se plaignent du manque de temps et de l'énormité des tâches administratives».

Urgence à gérer

Pourtant, Mohammed Zaoui estime qu'il y a urgence au vu des prévisions et alertes lancées par les experts en réchauffement climatique. Selon un rapport de la Banque mondiale, intitulé «Thriving: Making Cities Green, Resilient, and Inclusive in a Changing Climate», les villes des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure sont les plus exposées aux risques liés au changement climatique prévus. L'exposition prévue pour 2030-2040 pour ces villes, basée sur un indice composite qui combine les projections pour six risques fondamentaux (inondations, stress thermique, cyclones tropicaux, élévation du niveau de mer, stress hydrique et incendies de forêt), est considérablement plus élevée par rapport aux villes des pays à revenu plus élevé.

Ledit rapport ajoute que les villes des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure sont moins résistantes aux chocs et stress de plus en plus fréquents liés au changement climatique.

«Ces villes subissent des effets négatifs plus importants sur leurs niveaux locaux d'activité économique en raison des phénomènes météorologiques extrêmes chauds, secs et humides, ainsi que des cyclones tropicaux, que les villes des pays àrevenu plus élevé. Les effets des phénomènes météorologiques extrêmes sur les villes des pays à faible revenu sont particulièrement prononcés lorsqu'ils viennent renforcer les conditions climatiques de base d'une ville», indique le rapport. Et de conclure que «les villes subissent les effets indirects du changement climatique, en particulier dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Ces effets indirects se produisent par le biais d'une variété de canaux.

Par exemple, lorsque des phénomènes météorologiques extrêmes se produisent, les habitants des campagnes cherchent souvent à se mettre à l'abri dans les villes. Les sécheresses prolongées dans les zones rurales entraînent une expansion plus rapide des zones urbaines. Les nouveaux habitats, qui en résultent, sont souvent informels et établis à la périphérie des villes, dans les plaines inondables urbaines, avec un accès limité aux services ».

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