Ile Maurice: Infrastructures publiques

Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas reconnaître les efforts de nos divers gouvernements pour tenter de fluidifier le transport routier à Maurice. Cependant, la bataille semble perdue depuis longtemps déjà, ce qui n'est pas, évidemment, une raison pour ne plus essayer de contenir le problème au mieux.

Pour bien comprendre le problème, il nous faut de la perspective.

Entre 1997 et maintenant, la population du pays a augmenté de 1,11 million à 1,27 million (+14.4%), mais le parc automobile, quant à lui, reflétant une économie qui a bien grossi, soit de 4,31 milliards à 14,57 milliards de dollars (+238%), a passé de 210 992 à 648 176 véhicules (+207%) ! (*)

Ainsi, le nombre de véhicules par millier d'habitants est passé de 190 en 1997 à 510 actuellement ! Or, le nombre de kilomètres de routes n'a pas progressé à la même cadence, passant de 1 905 kilomètres à seulement 2 772 kilomètres en 2019 (+46%). Le résultat ? Des encombrements partout, une tentative désespérée de contrer ceux-ci avec de nombreux by-pass, de nouveaux autoponts, des viaducs, l'élimination d'un certain nombre de ronds-points, le lancement tardif du métro dont le but principal était, rappelons-le, de réduire le trafic routier et d'économiser sur les coûts de la congestion routière évalués à quelque Rs 10 milliards annuellement...

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On ne connaît toujours pas la réalité opérationnelle et surtout financière détaillée du Metro Express, même si le corridor Port-Louis - Curepipe ( le moins coûteux au kilomètre et sûrement le plus 'rentable') est maintenant actif depuis octobre 2022, mais les pertes seront considérables et il faut seulement espérer que le métro n'a pas simplement kidnappé des passagers des bus et réduit, même marginalement, le nombre de véhicules sur nos routes. À quand un rapport circonstancié et chiffré sur le métro et son impact sur le trafic routier ? Au vu des dizaines de milliards investis, il est au minimum attendu de savoir s'il y aura un retour sur investissement pour le pays et pour ceux qui ont pris la décision ? Ou devra-t-on, une fois encore, broyer du noir et consommer l'opacité ?

La mise en perspective mondiale est éclairante aussi.

La densité routière du pays, avec 123 km de routes par 100 km2, nous classe à la 60e place mondialement, loin derrière Malte (713 km/100km2), Singapour (489km/100km2), ou même la Jamaïque (201 km/km2). Contreintuitivement, nous faisons cependant mieux que la Corée du Sud (111km/100km2) ou le Japon (93 km/100km2). Que devrait être (et que sera ...) notre orientation future, à nous ? On va encore densifier ?

Chiffre beaucoup plus difficile àétablir, semblet-il : le nombre de véhicules par kilomètre de route. Ce que l'on retrouve sur le net date malheureusement de 2007, mais Maurice était alors apparemment 6e mondial avec 93,4 véhicules à quatre-roues par kilomètre de route (**) ! Nous serions plus près de 127 ces jours-ci, ce qui suggère que nous ne sortirons pas des embouteillages de sitôt.

Mais au moins, on essaie !

Par contre, pour l'eau, c'est une tout autre équation et la promesse électorale de 2014 que tout le monde aurait de l'eau 24/7 paraît relever, 9 ans plus tard, d'une véritable arnaque . D'autant que divers ministres, y compris le premier d'entre eux, nous auront expliqué, sans cligner de l'oeil et sans rictus, que 24/7 ne voulait, après tout, pas dire une alimentation d'eau de la CWA 24 heures en continu, sept jours sur sept ! Comme quoi on a tous mal compris...

La situation semble même empirer !

Les statistiques très officielles de la CWA indiquent ainsi que le volume d'eau potable produit passe de 245 Mm3 en 2015 à 320 Mm3 en 2022, une progression raisonnable de 31 % alors que la population reste à peu près stable et que le nombre de touristes baisse même de 15 % (de 1,15 à 0,997 millions). Cependant, la catastrophe c'est que malgré tout l'argent dépensé jusqu'ici, le volume d'eau potable livré aux consommateurs ne progresse que de 15,3 % à 113 Mm3, ce qui implique que le pourcentage d'eau perdu (ou non facturé) en route progresse (quelle honte !), de 59,9 % à 64,7 % !

Mis en perspective mondialement, ce taux de perte dans les tuyaux est plus fort que celui de régions pourtant plus pauvres comme le Mozambique (59 %), la Tunisie (18 %) ou à Dhaka au Bangla Desh (29 %) et ne permet aucune fierté d'aucune sorte face à la Namibie (14 %), l'Afrique du Sud (35 %), Mumbai (38 %) ou encore Singapour (4 %)...

Quant au prix de l'eau, il varie énormément de 9,20 euros/m3 au Danemark (Rs 460) ; à 4,00 euros en France (Rs 200) ;à 1,30 euros en Grèce (Rs 65) ; à 3,14$ en Namibie (Rs 144) ; à 0,07 $ à Mumbai (Rs 3,22) et, à la marge, Rs 32 /m3 à Maurice et offre ainsi une corrélation inverse assez prononcée entre le prix au m3 et les pertes d'eau sur le réseau. Sauf à Mumbai... Allez savoir pourquoi !

La nation entière s'est réveillée en mai dernier pour constater que la Banque mondiale (BM) confirmait enfin que la critique des utilisateurs de nos services portuaires était loin d'être de la médisance et relevait en fait d'un drame qui pouvait nous exploser bientôt à la figure ! En effet, le Container Port Performance Index 2022 classait Port-Louis au 327e rang sur 348 ports étudiés par la BM...

Si nous pouvions prendre quelque réconfort que Durban (341e ) et Cotonou(330e ) faisaient pire que nous, il fallait quand même constater, en nous affranchissant de notre suffisance usuelle, que nous étions dépassés, dans notre propre région, par Djibouti(26e ), Colombo (28e ), Conakry (189e ), Tamatave (227e ), Maputo (248e ), Port Victoria (249e ), Mayotte (267e ) et même - ce qui doit nous faire le plus mal - Port Réunion (298e ) !

La première réaction des autorités locales aura été, avec notre fatuité prévisible, de questionner les chiffres et/ou la méthodologie de la BM ! La deuxième réaction fut en réponse à une question parlementaire du leader de l'opposition et constatait que les autorités avaient nommé M. Eric Presley Michael Paul comme Managing Director de la CHC, en juillet 2020, sur la base de faux diplômes et de copinage évident ! Ce qui n'a pas dû aider, ni la performance, ni le classement de Port-Louis...

Sur Rs 2,5 milliards de revenus, la CHC enregistrait des pertes financières de Rs 93 millions en 2020 et de Rs 122 millions en 2021, causés essentiellement par des déficits chroniques au fonds de pension qui est organisé jusqu'ici non pas sur ce qui est contribué, mais sur les prestations déterminées (defined benefits). Il faut ainsi savoir que le déficit du fonds de pension de la CHC avait atteint l'honorable chiffre de Rs 1,4 milliard à juin 2021, ce qui doit être un énorme problème, d'ailleurs jamais rendu public, quand consolidé sur tout le secteur public ! Depuis la démission de M. Paul, plus rien... car même si le PM reconnaissait au Parlement un problème de sureffectif (ce qui aide aux difficultés du fonds de pension, bien sûr !), il ajoutait qu'il ne fallait surtout pas «read too much from the report» de la BM... Nous sommes rassurés, vous croyez ?

La Waste Water Management Authority a perdu Rs 300 millions dans ses derniers résultats publiés, ne dessert que 28.3 % de la population, a annulé deux gros contrats à Grand-Baie et Pailles et se vante d'avoir débouché les tuyaux plus de 11 300 fois l'an dernier. Ça ne sent pas bon !

On mentionnera aussi l'aéroport, reconstruit à neuf en 2013 au coût de 306 millions de dollars, qui semble plutôt bien carburer ? Enfin, c'est une impression qui se dégage des opérations aéroportuaires elles-mêmes qui tournent (sauf pour quelques bavures occasionnelles), car sur le site web d'Airport of Mauritius, les derniers comptes affichés datent de... juin 2018 et ne comportent... que la seule et unique page du bilan.

«Les autorités avaient nommé M. Eric Presley Michael Paul comme managing director de la CHC, en juillet 2020, sur la base de faux diplômes et de copinage évident ! Ce qui n'a pas dû aider, ni la performance, ni le classement de Port-Louis...»

Et on terminera avec le CEB qui a évité des menaces de black- ou de brown-out, malgré de vieilles turbines et le problème Terra, qui a le mérite d'avoir publié une roadmap pour l'énergie renouvelable (elle a même été actualisée en 2022 !) et dont le service consommateur reste plutôt professionnel. Cependant, l'objectif de 60 % d'énergie renouvelable en 2030 paraît plutôt improbable à ce stade et la récente hausse de 24 % des tarifs du kWh annoncée en décembre 2022 est à contrecourant des prix du charbon et de l'huile lourde qui s'écroulent de 68 % et de 18 % respectivement, sur les six derniers mois...

Comme quoi trop tarder pour prendre des décisions a des conséquences parfois embarrassantes...

(*) 54% des véhicules étant des voitures ou des double cabs, 37 % étant des deux roues et 9% étant des vans, bus, camions etc... (**)https://www.nationmaster.com/countryinfo/stats/Transport/Vehicles/Per-km-of-road

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