Maroc: Le projet de loi 10-23 en question

La journée d'étude organisée jeudi dernier à Rabat par l'OMDH, en partenariat avec la Fondation Friedrich Ebert, sur « La réforme des établissements pénitentiaires à la lumière du projet de loi 10.23 », a tenu toutes ses promesses tant par la qualité des interventions que par la diversité des points de vue des participants représentant aussi bien des institutions nationales (ministère de la Justice, Ministère public, Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion-DGAPR) que des composantes de la société civile (Observatoire marocain des prisons-OMP, Association marocaine de la médecine légale).

Dans son allocution d'ouverture, le président de l'OMDH, Hassan Idrissi, a souligné que le but de cette rencontre est d'approfondir le débat sociétal sur le projet de loi n°10.23 relatif à l'organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, d'autant plus que ce projet de loi a entamé depuis des mois le circuit législatif, tout en rappelant que l'OMDH a déjà décliné sa vision, dans ses mémorandums et communiqués, quant à la réforme globale de l'arsenal juridique en vue d'améliorer les conditions des détenus dans les établissements pénitentiaires.

Pour sa part, l'avocat et membre du bureau exécutif de l'OMDH, Naoufal Bouamri, a mis l'accent sur la nécessité de prendre en considération le lien objectif entre cette réforme des institutions pénitentiaires et la réforme pénale dans son ensemble (Code pénal et Code de procédure pénale). « Toute réforme qui ne prend pas en compte ce lien objectif ne peut répondre aux différentes problématiques dont souffrent les établissements pénitentiaires », a-t-il souligné.

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De son côté, Naila Hdidou, directrice de la législation au ministère de la Justice, a mis la lumière sur les nouvelles dispositions de ce texte législatif qui sont, d'après elle, en harmonie avec les instruments et les normes internationaux relatifs aux droits de l'Homme, aux droits des détenus et dont la finalité est d'améliorer les conditions de la population carcérale et d'assurer sa réinsertion sociale.

Le directeur du greffe judiciaire à la DGAPR, Hassan Hmina, a mis l'accent dans son intervention sur le cadre référentiel dudit projet, notamment les discours de S.M le Roi Mohammed VI, tels que celui de l'ouverture de l'année judiciaire (le 29 janvier 2003), ainsi que la Constitution de 2011, qui a constitué « une révolution dans le domaine juridique », puisqu'elle insiste, à titre d'exemple, sur la primauté des pactes et conventions internationaux sur la législation nationale.

Hassan Hmina a également mis en exergue l'évolution positive qu'a connue la législation régissant les établissements pénitentiaires et la DGAPR, tout en considérant que les mutations accélérées dans la société marocaine exigent une révision en profondeur de la législation pénale en général et celle carcérale en particulier.

« La mère de tous les combats reste maintenant la surpopulation carcérale », a souligné ce cadre de la DGAPR, indiquant que le nombre des détenus dépasse actuellement 99.000 personnes.

L'intervention du représentant du Ministère public, Hicham Chatoui, est sur la même longueur d'onde en affirmant que la surpopulation carcérale constitue l'une des problématiques que rencontre la politique pénale dans notre pays, soulignant que le nouveau projet de loi pourrait humaniser les conditions de détention.

Pour sa part, Souad Rghioui, membre du bureau exécutif de l'OMDH, a fait une lecture critique de ce projet de loi en en dévoilant quelques lacunes.

Selon elle, ce texte ne comporte pas un préambule. « Un préambule est important dans un texte législatif, car il a pour but d'expliciter les objectifs et les tenants et aboutissants du législateur pour l'adoption d'une nouvelle loi », a-t-elle précisé.

Une autre lacune évoquée par Souad Rghioui est celle relative à l'inflation de renvois aux textes réglementaires dans ce projet de loi, ce qui retarde sa mise en application, rappelant en ce sens que des textes législatifs sont restés lettre morte faute d'adoption de textes réglementaires. « Cette inflation vide le texte de sa substance », a-t-il soulginé.

Représentant l'Association marocaine de la médecine légale, Hicham Benaich, a, quant à lui, critiqué certaines dispositions dudit projet de loi relatif à l'organisation et au fonctionnement des établissements pénitentiaires, notamment dans le volet concernant la santé de la population carcérale.

A titre d'exemple, l'intervenant a considéré que l'article 105 de ce projet est inconstitutionnel, car il stipule que les détenus malades bénéficient des médicaments nécessaires « le cas échéant et selon les moyens disponibles ». Or, l'administration à la responsabilité de garantir les soins et les médicaments nécessaires aux détenus.

Par ailleurs, au nom de l'OMP, Abdellah Mesdad, a rappelé que la réforme du système juridique nécessite la reconnaissance des droits de l'Homme universellement reconnus, mettant en avant que le détenu « est privé seulement de sa liberté et qu'il a le droit de jouir de tous les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ». En ce sens, il a lancé un appel à tous les acteurs opérant dans le domaine des droits humains afin de plaider pour que les détenus prennent part aux élections.

Ce membre du bureau exécutif de l'OMP a critiqué le fait d'utiliser des termes flous, recommandant d'ajouter une disposition qui permettrait aux détenus d'être placés dans un établissement correspondant au genre auquel ils s'identifient plutôt qu'en fonction de leur sexe biologique.

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