Afrique de l'Ouest: Ce qui a changé depuis #AidToo ? Pas grand-chose, selon les travailleuses du sexe en Sierra Leone

FREETOWN — « Il faut que cela paie bien, ailleurs, pour que les filles arrêtent les rapports sexuels rémunérés. Si elles ne peuvent pas gagner autant, elles y reviendront toujours. »

Quand des employés d'Oxfam en Haïti ont été surpris en train de payer des rescapées du tremblement de terre pour avoir des rapports sexuels, beaucoup d'organisations humanitaires ont décidé de revoir leurs politiques de sauvegarde et ont tenté de sévir contre la pratique des rapports sexuels rémunérés, en prenant acte du déséquilibre du rapport de force qui existe entre leurs employés et les communautés qu'ils servent.

Mais, cinq ans après le scandale de 2018 en Haïti qui a débouché sur les présumées réformes du mouvement #AidToo, peu de choses ont changé sur le terrain, en particulier dans des pays comme la Sierra Leone, où les travailleuses du sexe disent toujours compter des humanitaires parmi leurs clients.

Pour mieux comprendre ce que vivent les travailleuses du sexe et ce qui a changé ou non dans ce domaine, The New Humanitarian a passé six mois avec des dizaines de femmes en Sierra Leone et quelques-uns de leurs clients en 2019, avant la pandémie. Début 2023, des reporters sont retournées voir certaines de ces femmes, qui leur ont dit que des humanitaires figuraient encore parmi leurs clients. Les journalistes leur ont demandé en quoi leur vie et leur clientèle avaient changé.

  • En un coup d'oeil : Rien n'a changé malgré les interdictions qui touchent les humanitaires
  • Les travailleuses du sexe indiquent qu'elles dépendent toujours de leurs clients qui travaillent dans l'humanitaire
  • Le manque d'emplois bien rémunérés et de dispositifs de protection gouvernementaux fait que beaucoup sont obligées de continuer à exercer ce métier
  • Certains humanitaires de sexe masculin affirment que le sexe est souvent transactionnel et qu'ils ne tiennent pas compte de l'interdiction en place
  • Les travailleuses du sexe indiquent que certains clients ont commencé à dissimuler leur badge ou à utiliser WhatsApp pour être plus discrets
  • Les mouvements de défense des droits estiment qu'il faudrait renforcer les mesures de protection et développer les perspectives d'emploi, plutôt que de mettre en place des interdictions

La plupart leur ont indiqué que le manque de perspectives d'emploi et d'aide de la part du gouvernement, associé à la présence persistante d'humanitaires bien payés et à l'inflation, a fait qu'elles ont toujours des rapports sexuels rémunérés. Des travailleuses du sexe en Haïti et en République démocratique du Congo ont aussi déclaré au New Humanitarian que les humanitaires représentent toujours une part importante de leurs clients.

« Ces étrangers croient que cette vie nous plaît, mais je la déteste », a dit *Isata, une travailleuse du sexe de 17 ans dans la capitale de la Sierra Leone, Freetown. Elle a ajouté que des humanitaires figurent parmi ses clients. « Ces hommes se rendent compte que beaucoup d'entre nous sont sans domicile fixe. »

Isata s'est tournée vers les rapports sexuels rémunérés pour subvenir aux besoins de son jeune frère, quand leur mère est morte du virus Ebola pendant l'épidémie de 2013-2016, qui a fait près de 4 000 morts en Sierra Leone et plus de 12 000 orphelins. Le virus a tué plus de 11 300 personnes en Afrique de l'ouest.

Presque toutes les organisations humanitaires internationales interdisent à leurs employés de payer des femmes pour avoir des rapports sexuels pendant leurs missions, et un grand nombre de ces organisations ont adopté une politique de « tolérance zéro » vis-à-vis des rapports sexuels rémunérés et de la « fraternisation » en général.

Le plus souvent, les rapports sexuels entre humanitaires et travailleuses du sexe sont classés dans la catégorie des rapports sexuels rémunérés, qui peuvent aller des rapports sexuels comme moyen de survie - quand les bénéficiaires de l'aide échangent des rapports sexuels contre des denrées alimentaires ou de l'argent - à des relations qui peuvent être consensuelles ou non.

Plusieurs humanitaires de sexe masculin ont dit au New Humanitarian que les rapports sexuels, en Sierra Leone et ailleurs, sont souvent de nature transactionnelle, et qu'interdire aux humanitaires d'avoir ce type de rapports sexuels est à la fois naïf et irréaliste.

« Le flou règne dans ce domaine », a déclaré *Tom, un consultant en aide humanitaire en Sierra Leone, expatrié, qui a aussi souhaité garder l'anonymat. « Juste après avoir eu des rapports sexuels avec moi, les femmes avec qui je couche me disent : 'J'ai besoin d'aide' ou 'Je ne peux pas payer mon loyer ce mois-ci'. Il est tout à fait raisonnable de penser qu'elles s'attendent à ce que vous leur donniez quelque chose ».

Pour quelque 26 000 femmes en Sierra Leone, les rapports sexuels rémunérés ont été l'un des moyens de gagner de l'argent en ces temps incertains, dans un pays où la présence humanitaire reste forte depuis l'épidémie d'Ebola, et qui a reçu quelque 900 millions de dollars d'aide. Auparavant, une guerre civile de 11 ans avait pris au piège environ 10 000 enfants soldats et fait 50 000 morts entre 1991 et 2002.

Les retombées économiques de la pandémie de COVID-19 ont causé les derniers revers en date qu'a connus le pays. Comme dans le cas de nombreuses crises, la pandémie a particulièrement touché les femmes : ce sont souvent elles qui doivent s'occuper de membres de la famille et travailler comme vendeuses de rue ou femmes de ménage, ou encore exercer d'autres activités dans le secteur officieux qui n'est protégé par pratiquement aucun dispositif gouvernemental.

Le taux d'inflation a aussi fortement augmenté, comparé à l'an dernier. Une hausse imputable à l'augmentation des prix des denrées alimentaires et de l'énergie, aux interruptions des chaînes d'approvisionnement et à la guerre en Ukraine.

Hassan Fuad, directeur du Youth and Child Advocacy Network (YACAN) en Sierra Leone (Réseau de plaidoyer pour la jeunesse et l'enfance) a indiqué que la récente augmentation du prix des produits de première nécessité et des transports a poussé des adolescentes, de 12 ans pour certaines, à avoir des rapports sexuels rémunérés. Il a ajouté que peu de choses ont changé concernant les clients qui travaillent dans l'humanitaire, si ce n'est que certains hommes se sont tournés vers des groupes sur WhatsApp pour acheter des services sexuels de manière plus discrète, ou qu'ils parviennent à mieux dissimuler leur badge nominatif.

« Les clients sont toujours présents aux endroits où ils peuvent trouver des travailleuses du sexe », a dit Hassan Fuad au New Humanitarian. « Il est simplement plus difficile de savoir pour qui ils travaillent. »

Toutefois, il n'est pas simple de faire appliquer l'interdiction. Les travailleuses du sexe ne font pas de signalements, parce qu'elles dépendent des humanitaires en tant que clients, et certains humanitaires ne tiennent pas du tout compte de l'interdiction.

« Oui, on nous a fait la leçon sur le déséquilibre du rapport de force qui existe, etc. - ce que je comprends - mais si on ne paie pas les femmes pour ce genre de chose, en réalité, cela signifie qu'elles ou leurs enfants ne mangeront rien de la journée. C'est aussi simple que cela », a déclaré *Leonard, qui paie des femmes pour avoir des rapports sexuels et qui travaille pour une agence de l'ONU en Sierra Leone. Il a souhaité garder l'anonymat et a demandé que le nom de son organisation ne soit pas mentionné en raison des restrictions en place.

Les personnes qui prônent l'interdiction estiment que les rapports sexuels de nature transactionnelle rappellent la fétichisation des femmes de l'hémisphère sud à l'époque coloniale, et qu'ils rendent floue la notion de consentement, quand le décalage économique entre les humanitaires et la population locale est extrême.

Une travailleuse du sexe a indiqué au New Humanitarian qu'un humanitaire britannique l'avait dénoncée à la police et l'avait accusée de vol parce qu'elle avait refusé d'avoir des rapports anaux. D'autres indiquent qu'il n'est pas rare que des étrangers de sexe masculin demandent des relations sexuelles anales et autres pratiques traditionnellement considérées comme tabou en Sierra Leone.

« De riches étrangers qui travaillent pour différentes organisations viennent ici sous prétexte de nous aider » a dit *Amie, 29 ans. « Puis, ils veulent nous dominer dans notre propre pays. »

Mais d'autres estiment que l'interdiction qui touche le secteur humanitaire est tout aussi colonialiste et paternaliste, parce qu'elle prive les travailleuses du sexe d'exercer leur libre arbitre et d'un moyen de gagner leur vie, alors que les emplois sont rares et que le commerce du sexe n'est pas illégal.

« Nous estimons que le commerce du sexe est un travail comme un autre », a dit au New Humanitarian Charles Mukoma, un représentant de l'Alliance africaine des travailleurs du sexe, une alliance de travailleurs du sexe et d'organisations partenaires qui oeuvrent pour autonomiser et protéger les personnes qui travaillent dans le commerce du sexe.

« Vous me dites d'arrêter les rapports sexuels rémunérés, mais vous ne me dites pas comment payer mon loyer », a ajouté Charles Mukoma, qui n'est pas lui-même un travailleur du sexe, mais qui parle au nom d'un grand nombre de personnes de ce secteur qui demandent une meilleure protection sociale et de meilleures perspectives professionnelles.

Economie de l'aide

Lumley Beach, langue de sable aux abords de la capitale de la Sierra Leone, Freetown, s'anime chaque week-end quand les véhicules des humanitaires stationnent devant les restaurants et les clubs tape-à-l'oeil.

Les travailleuses du sexe affirment que ce quartier attire les clients qui travaillent pour des organisations humanitaires ainsi que des sociétés de consulting et du secteur minier.

« Je me trouvais ici, exactement, avec mon cartable, quand un Blanc m'a proposé 100 dollars pour avoir des rapports sexuels avec lui », a déclaré *Mabinty, étudiante en droit et en musique de 26 ans. Elle s'est tournée vers les rapports sexuels rémunérés quand son père a exigé qu'elle ait des relations sexuelles avec lui et qu'il l'a chassée de la maison.

Elle a ajouté que l'homme qui l'avait payée 100 dollars pour avoir des rapports sexuels lui avait dit travailler pour la Banque mondiale.

« Je suis restée à l'hôtel avec lui pendant une quinzaine de jours », a dit Mabinty. « Je ne sais pas pourquoi il tenait à me donner tant d'argent parce que nous n'avons pas eu autant de rapports sexuels que ça. Il voulait juste que quelqu'un lui donne du plaisir pendant qu'il allait sur l'ordinateur. »

Au total, selon Mabinty, l'homme l'a payée près de 3 000 dollars, une somme qu'elle a utilisée pour acheter un terrain. La Banque mondiale avait refusé de s'exprimer sur cette affaire au moment où cet article a été publié.

« La plupart des femmes, ici, commencent à avoir des rapports sexuels rémunérés non pas parce que cela leur plaît, mais parce qu'elles n'ont pas le choix », a indiqué au New Humanitarian Julie Sesay, responsable programme dans une organisation caritative spécialisée dans l'assistance juridique, gérée par des femmes, AdvocAid. Cette organisation vient en aide aux femmes dans le besoin, notamment les travailleuses du sexe qui ont été victimes d'abus de la part de certains clients ou qui ont été harcelées par la police.

« En général, elles sont issues de milieux très pauvres. [Dans certains cas] les parents sont morts pendant la guerre, à cause d'Ebola ou [suite au] glissement de terrain », a-t-elle ajouté, une allusion à la catastrophe, en 2018, qui a fait plus de 1100 morts et disparus. « Souvent, ce sont leurs propres familles qui les envoient dans la rue. »

*Khadija, par exemple, a été forcée par sa tante à avoir des rapports sexuels rémunérés quand elle avait 17 ans. Elle a perdu ses parents pendant la guerre civile.

« Quand j'ai commencé dans la prostitution, à l'adolescence, cela a été vraiment horrible pour moi », a-t-elle déclaré, faisant remarquer que ses clients travaillent pour l'ONU et des agences humanitaires. « Très souvent, quand j'allais avec des hommes, je leur disais d'arrêter mais ils continuaient, même si je pleurais. »

D'autres indiquent que les clients étrangers les traitent mieux que les clients locaux, et qu'ils les paient davantage.

« Certains étrangers me traitent très bien », a dit *Mariama, 19 ans, qui habite avec d'autres travailleuses du sexe et les proches qu'elles ont à leur charge dans une boîte de nuit désaffectée à Lumley Beach. « Je suis toujours à la recherche d'hommes blancs quand je sors. Ma copine s'est mariée avec un homme qui venait d'Allemagne, parce qu'elle est tombée enceinte de lui, et elle habite là-bas maintenant. J'aimerais que cela m'arrive, à moi aussi. »

Scandales d'abus sexuels

Au fil des ans, le secteur humanitaire a été éclaboussé par de nombreux scandales qui ont fait la une et qui impliquaient des soldats de maintien de la paix de l'ONU et des humanitaires travaillant pour des ONG comme Oxfam.

Le scandale d'Oxfam, qui a été rapporté par le Times de Londres en 2018, a impliqué l'ancien directeur pays, Roland van Hauwermeiren, et d'autres employés, tous accusés d'avoir eu recours à de jeunes travailleuses du sexe quand ils étaient en poste en Haïti suite au tremblement de terre de 2010 qui a fait entre 100 000 et 300 000 morts et environ 1,6 millions de personnes déplacées.

La même année, The New Humanitarian a révélé que van Hauwermeiren avait été licencié pour les mêmes fautes plusieurs années auparavant au Liberia, mettant ainsi l'accent sur les lacunes concernant le traçage et la vérification du personnel.

Une enquête interne diligentée par Oxfam en 2011 a mené au limogeage de quatre personnes et à la démission de trois autres, notamment van Hauwermeiren. Mais le rapport rendu public par Oxfam suite à cette enquête a omis de mentionner la notion d'exploitation sexuelle - une révélation qui a mené à l'ouverture d'une enquête par une commission indépendante et qui a causé à Oxfam la réduction de son financement.

Ce scandale, concomitant au mouvement #MeToo, a aussi donné lieu à des débats plus larges sur la persistance du harcèlement sexuel ainsi que sur l'exploitation et les abus sexuels dans le secteur humanitaire en général. Oxfam a certes fait les frais d'une mauvaise publicité, mais les manquements, le harcèlement, le harcèlement sexuel et la culture de l'environnement toxique au travail ont été rapportés dans de nombreuses autres organisations à but non lucratif, de Save the Children à l'UNICEF.

Oxfam s'est refusé à tout commentaire pour l'article du New Humanitarian, expliquant que les questions devaient plutôt être posées à Bond, un réseau britannique de plus de 400 organisations de développement international et qui a travaillé en étroite collaboration avec Oxfam.

« Cela va sans dire, le scandale de 2018 a été une véritable prise de conscience, et la réflexion de nos membres en termes de politiques et de pratiques de sauvegarde a changé du tout au tout », a déclaré au New Humanitarian la PDG de Bond, Stephanie Draper.

« Depuis, nous avons constaté des changements concernant les codes de conduite, les formations obligatoires, le recrutement de professionnels, les mesures prises suite aux signalements et l'ensemble des pratiques de recrutement. Il y a eu une refonte totale pour faire régresser l'exploitation et le harcèlement sexuels. »

Ce scandale a peut-être attiré l'attention du monde entier sur la manière dont les personnes touchées par les crises - en particulier les femmes et les jeunes filles - sont vulnérables à l'exploitation et aux abus sexuels, mais le secteur doit encore s'attaquer aux racines du problème, selon Jasmine-Kim Westendorf, auteure de 'Violating Peace: Sex, Aid and Peacekeeping' ('A l'Encontre de la paix : sexe, aide et maintien de la paix') et chargée d'enseignement en relations internationales à l'Université de La Trobe, en Australie.

« Il y a un mélange complexe qui tourne autour de l'exploitation, mais aussi du consentement et du libre arbitre de femmes qui font des choix avisés dans des conditions matérielles qui sont loin d'être idéales », a déclaré Jasmine Westendorf au New Humanitarian en février. « Je crois que l'on peut faire encore bien davantage dans ce domaine pour améliorer ces conditions matérielles ainsi que l'inégalité qui en résulte. »

Jasmine-Kim Westendorf a ajouté que la notion de conduite acceptable est extrêmement floue, en particulier dans des pays comme la Sierra Leone, où les travailleuses du sexe fréquentent souvent les boîtes de nuit, les hôtels et les restaurants dans l'espoir d'y trouver des clients.

« Certains clients choisissent d'interpréter ces relations comme étant décidées par les femmes », a-t-elle ajouté. « On dispose de pas mal de témoignages de soldats de maintien de la paix et d'humanitaires qui disent, par exemple : 'Elle faisait tout pour attirer mon attention... J'étais assis au bar... Je n'ai rien fait... La victime, c'était moi. »

Coupables non désignés

Comme dans d'autres pays touchés par Ebola, la République démocratique du Congo par exemple, l'arrivée soudaine des dollars de l'aide humanitaire a laissé son empreinte sur l'économie locale en Sierra Leone, poussant un grand nombre de femmes et de jeunes filles vers le commerce sexuel et les maintenant dans cette situation.

Mais le gouvernement de la Sierra Leone a aussi été accusé d'avoir mal géré les fonds d'urgence alloués après Ebola, et d'avoir été trop lent à distribuer de l'aide aux personnes touchées par l'épidémie.

Au moment même où le programme national de protection était mis en place, en 2015, le pays a été touché par l'épidémie d'Ebola et par la chute du cours du minerai de fer, son principal produit d'exportation.

« Il y a peu de dispositifs de protection pour les femmes et les jeunes filles en Sierra Leone », a déclaré Hannah Fatmata Yambasu, responsable de Women Against Violence and Exploitation in Society (Femmes contre la violence et l'exploitation dans la société, WAVES), un mouvement sierra leonais, au New Humanitarian.

La Sierra Leone, riche en minerais et en ressources, est un pays qui produit beaucoup de minerai de fer, mais une faible part de cette richesse - ou de l'aide internationale - est parvenue jusqu'aux personnes les plus marginalisées du pays, selon Marie Benjamin, directrice de la Société Femmes et SIDA en Afrique (SWAA), une fédération de plusieurs mouvements.

« Il faut que cela paie bien, ailleurs, pour que les filles arrêtent les rapports sexuels rémunérés. Si elles ne peuvent pas gagner autant, elles y reviendront toujours. »

Son mouvement travaille avec le Programme national de lutte contre le VIH, qui vient aussi en aide aux travailleuses du sexe en Sierra Leone en mettant en place des groupes de soutien et en insérant ces femmes dans des programmes techniques et professionnels.

Marie Benjamin a toutefois ajouté que même lorsque des femmes ont reçu des fonds pour ouvrir un petit commerce, certaines ont été arrêtées pour ne pas avoir remboursé un micro-crédit.

Charles Mukoma, de l'Alliance africaine des travailleurs du sexe, a estimé qu'il faudrait renforcer les mesures de protection et développer les perspectives d'emploi, plutôt que de mettre en place des interdictions.

« Il nous faut un programme exhaustif de protection sociale pour les travailleuses du sexe », a-t-il dit. « Il doit comprendre de l'aide alimentaire pour celles qui ne peuvent pas manger sur leur lieu de travail ; des mesures sanitaires pour celles qui sont séropositives ; et des programmes d'autonomisation économique pour assurer une formation aux travailleuses du sexe afin qu'elles puissent avoir un revenu complémentaire, voire choisir comment gagner de quoi vivre. »

Mabinty, qui espère que ses études de droit pourront aider la prochaine génération de femmes et de jeunes filles en leur offrant une meilleure protection, a précisé qu'un grand nombre de travailleuses du sexe ont été poussées à exercer cette activité en raison d'un manque d'investissements dans l'éducation et les infrastructures. « Vous avez des ingénieures parmi ces femmes, vous avez des docteures, vous avez des personnes qui sont compétentes dans leur propre domaine. »

Depuis la pandémie, Mabinty s'est concentrée sur ses études. Elle a déclaré qu'elle avait arrêté, « officiellement », d'avoir des rapports sexuels rémunérés.

Elle a ajouté que ses études sur les droits humains étaient financées par un ami australien qu'elle a rencontré à Freetown.

« Il ne m'a pas demandé d'avoir des rapports sexuels avec lui », a-t-elle expliqué. « Il voulait seulement m'aider, ainsi que mon pays. Si des étrangers qui sont employés par des ONG ont les moyens de nous payer pour utiliser nos corps pour leur plaisir, alors ils ont les moyens de nous payer sans contrepartie. »

*Les noms ont été changés pour protéger l'identité des travailleuses du sexe et de leurs clients qui ont requis l'anonymat.

Avec la participation de Susan Koroma et de Michael Duff pour le reportage et la vidéo.

Edité par Paisley Dodds, à Londres, qui a aussi contribué à ce reportage.

Shanna Jones, Freelance journalist

Ngozi Monica Cole, Freelance journalist

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