Burkina Faso: L'accès à la nourriture, l'eau et la santé est un défi majeur

communiqué de presse

La ville de Fada N'Gourma, située à 220 kilomètres à l'Est de la capitale du Burkina Faso, est devenue un refuge pour de nombreuses personnes fuyant les violences armées. Dans la région de l'Est, une des plus touchées du pays, les civils et les infrastructures assurant des services de base sont régulièrement pris pour cibles. Les personnes qui s'enfuient vers Fada N'Gourma le font au péril de leur vie, car les routes principales sont minées. Ce que notre équipe du CICR a observé à Fada illustre les principaux défis humanitaires dans le pays.

À fin mars 2023, Fada N'Gourma enregistrait plus de 124 000 déplacés internes pour une population résidente de presque 188 000 personnes, ce qui contribue à augmenter la pression sur les services de base, notamment en ce qui concerne l'alimentation, l'eau et la santé.

Depuis 2015, le Burkina Faso est confronté à une spirale de violence permanente, ce qui engendre des déplacements de population sans précédent à l'intérieur du pays et vers les pays voisins, une vulnérabilité accrue des communautés et un bilan en pertes de vies humaines très important. Plusieurs structures qui offrent des services de base - telles qu'écoles, centres de santé et marchés - ont dû fermer à cause de la situation sécuritaire.

Au 31 mars 2023, le Conseil National de Secours d'Urgence et de Réhabilitation (CONASUR) comptabilisait plus de 2 millions de déplacés internes, dont plus de la moitié sont des enfants. Le Burkina Faso est l'un des pays qui connaît la plus forte croissance au monde du nombre de déplacés internes.

Des millions de personnes en situation d'insécurité alimentaire

La vulnérabilité des populations, déjà très fragiles avant le début de la crise sécuritaire à cause de la sécheresse et des changements climatiques, n'a pas cessé de s'aggraver. Le conflit entre la Russie et l'Ukraine a provoqué une pénurie des matières premières et une hausse des prix des denrées alimentaires au niveau mondial, avec des conséquences dramatiques pour les populations des pays du Sahel.

Selon le Plan de réponse humanitaire des Nations Unies, 3,5 millions de personnes au Burkina Faso ont besoin d'une assistance alimentaire. 1,3 million d'enfants et de femmes enceintes et allaitantes ont besoin d'une assistance nutritionnelle d'urgence.

La Croix-Rouge fournit une assistance alimentaire aux plus vulnérables

Depuis Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, nous sommes une petite équipe du Comité International de la Croix-Rouge (CICR) à nous rendre à Fada N'Gourma (ci-après simplement appelée « Fada ») pour participer - en étroite collaboration avec la Croix-Rouge Burkinabè - à une distribution de rations alimentaires et biens de première nécessité à des populations vulnérables de la province du Gourma. Arrivés à Fada, nous nous dirigeons d'abord vers le bureau de la sous-délégation du CICR, qui se trouve dans le secteur 1 - une des zones de la ville qui abrite le plus grand nombre de déplacés internes. Pendant le trajet, nous croisons des poules, des chèvres, des moutons, beaucoup de femmes et d'enfants assis à côté des routes, qui sont essentiellement des pistes de terre rouge. Ce paysage contraste fortement avec un grand nombre de chantiers en cours. Les tas de gravier posés le long des pistes indiquent qu'elles seront bientôt bétonnées. Nous remarquons également beaucoup d'habitations en construction et des tentes. Fada s'agrandit pour accueillir les personnes déplacées.

Nous partons ensuite vers un autre secteur de la ville pour la distribution de rations alimentaires et biens de première nécessité au profit de 500 familles déplacées et résidentes, sélectionnées sur la base de critères de vulnérabilité en termes de sécurité alimentaire. Lorsque nous arrivons sur place, la distribution a déjà commencé. Grâce à des charrettes, les employés et les volontaires de la Croix-Rouge Burkinabè aident les familles à transporter les vivres jusqu'à leurs motos et leurs vélos, leurs principaux moyens de transport. Chaque famille reçoit 50 kg de mil, 25 kg de riz, 20 kg d'haricots et 10 litres d'huile, afin de pouvoir faire face à la période de soudure*.

La saison des pluies : une lueur d'espoir pour les familles d'agriculteurs

À fin mai 2023, ces mêmes familles - qui sont essentiellement des agriculteurs - ont reçu de la part du CICR des semences vivrières et des outils agricoles, afin de pouvoir profiter du début des pluies pour planter des nouvelles semences : du sorgho, du mil, du niébé, des arachides, des houes, de l'amarante et de l'oseille.

Le Service provincial de l'agriculture organise régulièrement, avec l'appui du CICR, des formations au profit des agriculteurs. Ce renforcement des capacités vise une augmentation de la production alimentaire et une plus grande résilience, afin que les agriculteurs puissent obtenir des récoltes suffisantes à couvrir leurs besoins essentiels. La distribution de semences permettra à court terme de réduire l'insécurité alimentaire provoquée par l'absence ou l'insuffisance de récoltes.

Nous parlons avec Maïmouna, une déplacée interne qui a bénéficié de l'assistance alimentaire, ainsi que des semences vivrières. Elle nous raconte son histoire :

Actuellement, on mange deux fois par jour, le matin et le soir. A midi, on ne mange rien, car il n'y a pas assez. C'est difficile de cultiver la terre lorsqu'on a faim.

« Un matin, il y a eu une attaque sur notre village et trois personnes sont mortes. Nous avons donc décidé de partir le lendemain soir. Nous avons marché le long de la route avec notre charrette jusqu'à rejoindre la ville de Fada à 65 kilomètres de chez nous. Dans ma famille, nous sommes 16 personnes. Nous étions plus nombreux, mais malheureusement nous nous sommes dispersés. Nous sommes venus à Fada parce que nous avons de la famille ici qui a pu nous accueillir. Actuellement, on mange deux fois par jour, le matin et le soir. A midi, on ne mange rien, car il n'y a pas assez. C'est difficile de cultiver la terre lorsqu'on a faim. Cette année, grâce à ces rations alimentaires, nous allons pouvoir bien nous nourrir. Nous aurons donc assez de force pour cultiver la terre, de sorte à avoir des réserves pour la saison à venir. »

Sinanbou est un résident de Fada, âgé d'une soixantaine d'années. Depuis plusieurs années, il accueille des déplacés internes chez lui. Nous lui demandons comment se passe la cohabitation. Il explique : « Ça se passe bien. Ce sont surtout des femmes et des enfants. Nous les avons accueillis à bras ouverts. Nous avons peu, mais tu ne peux pas manger en laissant l'autre affamé ou boire en le laissant assoiffé. L'année passée, la maison que nous leur avions donnée s'est écroulée. Depuis, nous sommes tous sous le même toit. Actuellement, nous accueillons trois ménages, à qui nous avons donné des lopins de terre pour qu'ils puissent cultiver. Ils ont aussi des animaux avec eux. Ils sont vraiment nombreux. »

Les points d'eau sont pris pour cible

L'insécurité alimentaire est étroitement liée au manque d'eau. Lorsque les communautés n'ont plus assez d'eau pour l'agriculture, elles n'arrivent plus à cultiver leurs terres et peuvent donc rapidement se retrouver en situation d'insécurité alimentaire, de malnutrition, voire de famine.

Au Burkina Faso, les violences armées ont aussi un impact direct sur l'accès à l'eau. Depuis 2022, le nombre d'attaques contre les points d'eau s'est intensifié et s'est élargi du Sahel au Centre-Nord, Nord et Boucle du Mouhoun. En 2022, 58 points d'eau ont été attaqués dans tout le pays, coupant l'accès à l'eau à plus de 830 000 personnes. Depuis 2023, des attaques ont lieu également dans la région de l'Est. De janvier à mars 2023, 11 attaques ont été répertoriées aux points d'eau dans différentes localités à l'Est, privant plus de 23 000 personnes de cette ressource vitale.

La collecte d'eau pose souvent un problème de protection pour les femmes

La collecte d'eau est traditionnellement une activité réservée aux femmes, qui doivent faire de longues files d'attente pour avoir de l'eau. Dans plusieurs localités, jusqu'à 500 femmes se retrouvent autour d'un seul point d'eau, la plupart du temps alimenté par une pompe à motricité humaine. Le nombre élevé de personnes autour d'un même point d'eau provoque une usure rapide des pompes manuelles. En outre, les longues files d'attente et l'effort physique nécessaire pour pomper l'eau manuellement épuisent les femmes. Souvent, pour avoir une chance d'obtenir de l'eau, elles sont obligées de pomper pendant la nuit, ce qui pose un problème de protection, car elles s'exposent aux risques d'agression et d'abus sexuels. Par ailleurs, elles sont amenées à enfreindre le couvre-feu instauré entre 23 heures et 5 heures du matin dans la ville et l'ensemble de la région de l'Est.

Les pompes solaires : une solution à la fois économique et écologique pour avoir de l'eau

Pour contribuer à améliorer l'accès à l'eau dans la ville de Fada, le CICR a mis en place un système de pompes solaires. Au travers d'une pompe immergée dans un forage à une profondeur de 60-70 mètres et de panneaux solaires installés en surface, l'eau remonte jusqu'au château sans besoin d'une présence humaine, ni de carburant. Cette solution a l'avantage d'être non seulement économique (à la fois du point de vue financier, ainsi que de l'effort nécessaire pour le pompage manuel), mais également écologique : la pompe est alimentée grâce à l'énergie solaire, une ressource qui ne fait pas défaut au Burkina Faso. De plus, pour combler au manque de soleil pendant la nuit et assurer l'eau au petit matin aux usagers, le CICR a installé des batteries qui permettent au système de continuer à pomper l'eau même en l'absence du soleil. Grâce à cela, l'eau est disponible de manière continue pour environ 2 000 personnes, ce qui contribue considérablement à améliorer la vie des populations déplacées et résidentes.

Soins de santé en danger

Ces dernières années, plusieurs attaques ont également été enregistrées contre le système de santé au Burkina Faso, affectant plus de 2 millions de personnes. Des agents de santé communautaire, touchés par les violences armées, ont fui les zones rurales pour s'installer dans les villes, considérées plus sécurisées. Cela a entrainé la fermeture de 345 structures sanitaires dans le pays, selon les chiffres du Centre des Opérations de Réponse aux Urgences Sanitaires (CORUS).

Dans les situations de violence armée, les femmes enceintes sont parmi les personnes les plus vulnérables : l'absence de médicaments et de soins de santé dans leurs villages, ainsi que l'impossibilité de marcher de longs kilomètres à cause de leur état physique, sont des obstacles majeurs pour leur santé.

Afin d'offrir des soins de base aux personnes restées dans leurs villages, le CICR appuie les services nationaux par des formations d'agents de santé communautaire et par la mise à disposition de personnel en soutien aux structures de santé. Il fournit également des médicaments aux structures nationales et contribue à l'amélioration de leurs capacités d'accueil.

Une nouvelle maternité pour redonner de l'espoir aux femmes enceintes

À Fada, le CICR a soutenu la construction d'une maternité au Centre de Santé et de Promotion Sociale (CSPS) du secteur 11, une autre zone de la ville qui abrite un grand nombre de déplacés internes, afin d'améliorer la santé reproductive des femmes. Une sage-femme du CICR soutient l'équipe du CSPS au sein de la maternité.

Lors de notre visite dans l'établissement, nous rencontrons Yendoubali, une jeune femme déplacée qui a accouché récemment d'une petite fille dans cette maternité. Elle témoigne.

Sita, la sage-femme du CICR qui apporte son soutien aux sage-femmes du CSPS, souligne que l'insécurité et le couvre-feu limitent les déplacements des femmes enceintes vers les centres de santé. Par conséquent, beaucoup de femmes accouchent chez elles à la maison, sans surveillance médicale ou paramédicale, comportant de graves risques de santé en cas de complications sévères.

Dans une salle d'attente du CSPS, nous rencontrons trois femmes avec leurs bébés. Les trois enfants souffrent de malnutrition. Ils seront pris en charge par le personnel du CSPS pour un premier bilan et recevront ensuite des suppléments nutritionnels selon leur état de malnutrition.

Quel avenir pour les déplacés internes et les résidents de Fada ?

Des histoires telles que celles de Maïmouna, Sinanbou et Yendoubali on en trouve par milliers à Fada, ainsi que dans d'autres localités du Burkina Faso. Les difficultés quotidiennes rencontrées, à la fois par les déplacés internes et les résidents, en termes d'accès et de partage des ressources sont représentatives d'une grande partie de la population burkinabè. Tous espèrent le retour de la paix et des services de base facilement accessibles, car - comme le souligne Sinanbou : « Sans la paix rien ne va. »

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