Les ressortissants du Maghreb, les premiers au podium des non-admis aux frontières et des personnes éloignées de l'Hexagone
Tous les moyens sont bons pour rendre la vie dure aux Maghrébins cherchant à se rendre en France. En effet, il n'y a pas que le taux élevé de refus de visas et l'enfer des rendez-vous avec des dates éloignées, il y a également le risque de non-admission aux frontières françaises.
En 2022, les pays du Maghreb figurent en tête des principales nationalités concernées par cette mesure.
Refus d'entrée
Selon les dernières statistiques de l'immigration, de l'asile et de l'accès à la nationalité française de la Direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l'Intérieur, publiées dernièrement, les Marocains arrivent en tête avec 10.714 cas sur un total de 97.093, suivis par les Algériens (8353) et les Tunisiens (7.709). En 2021, les Marocains ont été en 2ème place avec 11.008 cas devançant les Algériens (9.269) et les Tunisiens (6559). En 2018, les Marocains ont occupé la troisième place après les Guinéens (6541 cas) et les Maliens (5484) avec 4269 cas. Les Algériens et les Tunisiens se sont positionnés respectivement en 5ème et 7ème places avec 3.286 et 2.878 cas.
Mais, d'abord, que signifient les non-admissions aux frontières ? Selon le législateur français, ce sont « des décisions administratives prises par un garde-frontière à l'encontre d'un ressortissant étranger qui ne satisfait pas les conditions d'entrée dans l'espace Schengen ou sur le territoire national ». Selon les lois en vigueur, « une personne peut faire l'objet d'un refus d'admission en France si elle n'a pas de passeport et de visa d'entrée (visa de court séjour ou de long séjour) ; si elle ne peut pas présenter les justificatifs concernant son séjour en France (justificatifs d'hébergement, de ressources, d'assurance médicale, etc.), si elle vient en France pour travailler sans disposer des documents nécessaires l'y autorisant ; si elle représente une menace pour l'ordre public, si elle est enregistrée aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ou représente une menace pour la sécurité, la santé publique ou les relations internationales d'un pays de l'espace Schengen ; si elle fait l'objet d'une mesure d'interdiction (interdiction judiciaire du territoire français, arrêté d'expulsion, interdiction de retour, interdiction administrative du territoire) ».
Sachant que le refus d'entrée fait l'objet d'une décision écrite, motivée et notifiée à l'intéressé dans une langue qu'il comprend l'informant de ses droits. « Cette décision peut être exécutée d'office par l'administration mais l'étranger peut, sauf à Mayotte, refuser d'être rapatrié avant l'expiration du délai d'un jour franc. Ce délai est de droit pour les mineurs non accompagnés (art. L. 213-2 du CESEDA) ».
Plus de contrôle
Le refus d'entrée aux frontières cible-t-il uniquement les Maghrébins ? «Absolument pas», nous a répondu Mohammed Zaoui, chercheur en sciences politiques. Et de poursuivre : « Il s'agit d'une mesure de contrôle qui ne date pas d'aujourd'hui et qui cible d'autres ressortissants, tels que les Afghans, les Syriens, les Guinéens, les Ivoriens, les Roumains, les Pakistanais et les Indiens. A noter, cependant, une très forte augmentation des décisions de non-admission depuis fin 2015, principalement en raison de la réintroduction des contrôles aux frontières intérieures, selon un document du Sénat français. Ce dernier a affirmé que le nombre de non-admissions est passé de 10.474 cas en 2010 à 63.845 en 2016 et 87.280 en 2017 avant d'atteindre les 22.766 en 2018. A rappeler qu'en 2017, 44.433 des 87.280 décisions de non-admission - soit 51% - ont été prononcées dans le seul département des Alpes-Maritimes ».
Notre interlocuteur nous explique, en outre, que cette mesure vise toute personne sans distinction de statut professionnel ou social. « Les médias ont rapporté plusieurs cas de professeurs universitaires, d'artistes, de commerçants, de parents âgés qui rejointent leur famille ou d'étudiants à qui on a refusé l'entrée en France, sous prétexte qu'ils ne disposent pas des garanties suffisantes pour séjourner dans l'Hexagone. Le hic est que ces décisions de refus frôlent l'arbitraire et sont parfois prises pour des raisons infondées. Il s'agit en principe d'un moyen de pression à côté du renforcement du contrôle sur les visas, de réduction de leur nombre ou de durcissement des conditions d'octroi, notamment dans le contexte de crispation des relations entre la France et les pays du Maghreb concernant la réadmission des migrants maghrébins irréguliers», nous a précisé Mohammed Zaoui. Et d'ajouter : « Nous sommes loin du discours nordiste humaniste appelant à davantage de mobilité et de protection des droits fondamentaux. Nous sommes plutôt face à une réalité faite de restrictions et de sécurisation des frontières. La mobilité et les droits fondamentaux sont garantis uniquement pour les compétences qui échappent à ces mesures de restrictions».
Les mesures d'éloignement
Les ressortissants maghrébins ne sont pas uniquement les premiers au niveau des décisions de refus d'entrée. Ils se trouvent également aux avant-postes des 10 premières nationalités, concernées par les mesures d'éloignement actées en 2018, 2021 et 2022, indiquent toujours les chiffres du ministère de l'Intérieur français.
Lors de cette dernière année, les Marocains ont occupé la 5ème place avec 980 cas après les Algériens qui arrivent en 2ème position avec 1876 et devant les Tunisiens en 6ème place (785). En 2021, les Marocains ont occupé la 3ème place (844) suivis par les Algériens en 5ème place (754) et les Tunisiens en 7ème place (621). L'année 2018 a été marquée par 1866 cas pour les Algériens (3ème place) suivi des Marocains (1443) et des Tunisiens (974).
La note du ministère de l'Intérieur français indique que la nationalité algérienne enregistre une très forte hausse par rapport à l'année 2021 (+148,8%). Les éloignements d'Algériens retrouvent ainsi leur niveau de 2018, en lien avec le resserrement de la coopération consulaire entre la France et l'Algérie. A noter que la liste des 10 principales nationalités faisant l'objet d'éloignement reste similaire (albanaise, roumaine, marocaine, georgienne, algérienne, Afghane, tunisienne, soudanaise, pakistanaise) sur les trois années (2018, 2021 et 2022), avec une apparition en 2022 des nationalités ivoirienne et pakistanaise à la place des nationalités moldave et malienne.
« La question d'éloignement reste le point de désaccord entre les pays du Maghreb qui persistent et signent dans leur politique de refus de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour de leurs ressortissants de la France. Et ce malgré les pressions au niveau de l'octroi de visas en vigueur depuis septembre 2021 », rappelle Mohammed Zaoui. Et de poursuivre : « Le Maroc, à titre d'exemple, a toujours réclamé que les retours doivent se limiter exclusivement à ses citoyens et non pas les ressortissants d'autres pays. Rabat refuse le fait accompli et veut être traitée d'égale à égale. Un état de fait que Paris peine à comprendre».