Si aujourd'hui on demandait qui est l'ennemi public numéro un du Burkina Faso, beaucoup, pour ne pas dire tous, répondraient sans hésiter : le terrorisme.
C'est vrai, ennemi public, le terrorisme l'est avec ses attaques quasi quotidiennes qui n'épargnent ni ceux qui ont choisi le métier des armes, ni les engagés volontaires dans « cette guerre qui nous a été imposée », encore moins les populations civiles.
C'est vrai aussi, ennemi public, le terrorisme l'est assurément avec le nombre de personnes déplacées internes qui a franchi depuis mars 2023 le cap de deux millions et peut-être aujourd'hui bien au-delà de ces chiffres au regard des informations faisant état de villages qui continuent de se vider de leurs habitants.
C'est encore vrai, ennemi public numéro un, le terrorisme l'est, avec, hélas, ces écoles fermées, ces localités sous blocus au point que les ravitaillements en produits de première nécessité continuent de se faire sous escorte militaire ou par voie aérienne.
Si donc incontestablement, de par ses conséquences humaines, humanitaires, sociales et économiques, le terrorisme est un véritable ennemi public pour tout Burkinabè, il pourrait, à bien des égards, en cacher un autre autrement plus dévastateur : le paludisme.
En effet, contrairement aux groupes terroristes qui sèment la mort et la désolation à coups de canon et d'Engins explosifs improvisés (EEI) et dont les actions font la une des médias nationaux et internationaux, l'agent vecteur du paludisme, lui, agit à bas bruit, fait rarement l'actualité mais moissonne plus de vies que le JNIM et EIS réunis dans notre pays.
Tenez ! De nos jours, à l'échelle mondiale, plus de 240 millions de cas de paludisme sont recencés chaque année avec près de 650 000 décès dont 95% sont enregistrés en Afrique au sud du Sahara.
Rapporté au Burkina Faso, en 2021, 12 millions de personnes ont été touchées de paludisme avec 4355 morts, selon les autorités sanitaires.
Au-delà de ce nombre insoupçonné de pertes en vie humaine, la malaria, comme on l'appelle, qui constitue un véritable poids économique sur les familles et les ménages, représente la première cause d'absentéisme au travail dans les zones impaludées et impacte fortement la productivité.
Plus donc qu'un problème de santé publique, le paludisme est depuis longtemps un problème de développement.
Certes, aujourd'hui ce n'est pas la Journée mondiale de lutte contre le paludisme, organisée le 25 avril de chaque année. Mais si nous évoquons le sujet, c'est tout simplement parce que nous sommes en pleine saison pluvieuse, c'est-à-dire la période de grande prévalence de cette maladie. Ce qui impose l'observance de mesures préventives comme l'assainissement de notre environnement immédiat, l'usage de moustiquaires imprégnées d'insecticide longue durée, d'insecticides, de répulsifs et autres recettes de grand-mère pour éloigner le plus possible les moustiques.
Mais on ne le dira jamais assez, la meilleure riposte au paludisme reste le vaccin. Un traitement préventif longtemps attendu dans les pays endémiques de la malaria mais qui commence à faire son petit bonhomme de chemin.
En effet, sur l'initiative conjointe de la Gavi, de l'OMS et de l'UNICEF, il est attendu 18 millions de doses du tout premier vaccin antipaludique dans 12 Etats africains entre 2023 et 2025.
Parmi les bénéficiaires de cette campagne, après le Ghana, le Kenya et le Malawi depuis 2019, figure le Burkina Faso dont les enfants recevront le RTS,S.
Quand bien même son efficacité serait toujours en deçà du niveau optimal recommandé par l'OMS, ce produit permettra déjà de sauver des dizaines de milliers de vies chaque année en Afrique.
Au Burkina Faso, on ne saurait parler de cette révolution copernicienne dans la lutte contre le paludisme sans évoquer le nom de notre compatriote docteur Halidou Tinto, qui a participé à l'élaboration du RTS,S.
Chercheur à l'université d'Oxford et à l'institut de recherche en science de la santé de Nanoro, dans la région du Centre-Ouest, il a aussi conduit des travaux sur un autre candidat vaccin, le R21, dont le niveau d'efficacité atteint 78%.
Il y a un plein espoir donc que bientôt retentisse le chant du cygne du paludisme, notre ennemi public numéro un.