Six mois plus tard, la mort de John Williams Ntwali n'a toujours pas fait l'objet d'une enquête efficace
Se lancer dans le journalisme est une démarche courageuse au Rwanda. Au cours de sa carrière, John Williams Ntwali, fondateur de la chaîne YouTube Pax TV-IREME News et rédacteur en chef du journal privé The Chronicles, a traité de sujets que peu osaient aborder, donnant ainsi souvent la parole aux opprimés.
Sa mort il y a six mois a laissé un grand vide. « John Williams Ntwali est parti trop tôt, dans des circonstances difficiles que nous-mêmes, journalistes rwandais, craignons d'évoquer... Sa mort nous a plongés [...] dans l'inquiétude quant à l'exercice de notre profession et quant à notre liberté », a déclaré un journaliste rwandais peu après sa mort.
Aujourd'hui, de nombreuses questions demeurent. Le 19 janvier, la police rwandaise a déclaré que John Williams Ntwali était mort dans un accident de la route à Kimihurura, à Kigali, le 18 janvier à 2h50 du matin et que le conducteur de la voiture impliqué dans la collision avait été arrêté. Dans les semaines qui ont suivi, les autorités rwandaises n'ont toutefois pas indiqué le lieu exact de l'accident présumé, ni fourni de preuves photos ou vidéos, ni d'informations détaillées sur les autres personnes impliquées dans l'accident. Un procès expéditif a eu lieu en l'absence d'observateurs indépendants - notamment de journalistes - et le conducteur a été reconnu coupable d'homicide involontaire et de coups et blessures non intentionnels.
Les raisons pour lesquelles la mort de John Williams Ntwali est suspecte sont claires. Il était régulièrement menacé et attaqué dans des médias pro-gouvernementaux et avait exprimé des craintes quant à sa sécurité auprès d'amis, de confrères et de chercheurs de Human Rights Watch. L'absence de détails dans le verdict suggère qu'aucune enquête efficace sur la mort de John Williams Ntwali n'a été menée, malgré l'obligation légale du Rwanda en la matière. Compte tenu du manque de transparence autour du procès, des dizaines d'organisations de la société civile et d'associations de presse du monde entier ont réitéré leur appel aux autorités rwandaises à permettre l'ouverture d'une enquête indépendante, impartiale et efficace sur les circonstances suspectes de la mort de John Williams Ntwali. Cette enquête n'a toujours pas eu lieu.
Il incombe à la communauté internationale de veiller à ce que cette affaire ne tombe pas dans l'oubli. Si les voix qui s'expriment au Rwanda ont été réduites au silence, d'autres voix doivent s'élever à leur place aux niveaux régional et international. La sécurité d'autres journalistes au Rwanda en dépend. Il n'est pas trop tard pour que les partenaires du Rwanda, notamment le Commonwealth, que le Rwanda préside actuellement, s'expriment en faveur des droits des journalistes et appellent à la tenue d'une enquête crédible et transparente.