Sénégal: Productions maraichères/agricoles dans les Niayes - Quand les produits phytosanitaires interdits inondent le marché

18 Juillet 2023

Sangalkam est réputé pour son potentiel considérable dans la production des légumes. Mais les producteurs de la localité sont confrontés à d'énormes problèmes : la cherté des semences, des intrants, entre autres.

«Les produits phytosanitaires interdits. Certes ! Mais ils sont commercialisés dans le marché», avouent des maraichers de Sangalkam, une contrée des Niayes réputée pour son fort potentiel de production des légumes. Seulement, actuellement, les rendements des exploitations restent encore très faibles. Ils sont liés à l'appauvrissement des sols. L'activité agricole n'est plus rentable.

Pour Djiby Ka, producteur maraîcher de Noflaye, par ailleurs délégué de quartier de Darou Salam 1, «Ces dix (10) dernières années, la situation de la filière agricole va de mal en pis. Pour la semence de poivron, une seule cuillerée à café, il faut débourser 40.000 FCFA, pendant la saison des pluies. Car, le produit est presque en rupture dans le marché. En ce qui concerne les rendements, sur une exploitation de 200 m2 nous pouvons récolter 100 à 200 kg. Alors que la même surface pouvait produire 300 à 400 kg. Quand les récoltes sont bonnes, c'est 300 à 400 kg. Dans l'année, le champ peut produire jusqu'à 5 fois.»

Son périmètre maraîcher, estimé à deux (02) hectares, est équipé de deux motopompes qui assurent l'arrosage de l'exploitation. Les factures de carburant sont chères, selon lui. « Les 20 litres d'essence nous coûtent 20 000 FCFA. Nous les consommons en l'espace de 10 jours.» Les charges sont nombreuses. Auparavant, «j'employais six (06) personnes. Actuellement, je suis obligé de libérer les quatre (04). Mes revenus ne sont pas importants. Les récoltes, après commercialisation, on se retrouve avec moins d'un million. Chaque campagne, je dépense au minimum 300.000 FCFA».

L'impact des arrêtés du gouverneur interdisant la vente de carburant en vrac

Cependant, les manifestations du 1er juin dernier et des jours qui ont suivi ont occasionné des dégâts importants. Les nombreux arrêtés du gouverneur de Dakar interdisant la vente de l'essence en vrac (dans des bidons) a privé les maraîchers de carburants. «Cela a occasionné l'asséchement des plants. Ils sont restés des jours sans être arrosés. Car, il n'y avait pas de carburant pour faire fonctionner les motopompes», ont déclaré des producteurs des Niayes.

Le déficit n'a jamais pu être comblé. «Depuis trente (30) ans que je suis dans la filière, la crise que l'on traverse actuellement est de loin comparable à celles des années précédentes. Au moment où je vous parle, le kilogramme de poivron est vendu à 200 FCFA sur le marché. Alors que, lors des fêtes, le prix du kilo est à 700 FCFA. Cela est lié à la demande, très forte. Cette baisse du prix du poivron constitue un manque à gagner énorme pour les producteurs», déplore le producteur maraîcher, Djiby Ka, délégué de quartier de Darou Salam 1.

Il a diversifié ses activités agricoles. Dans son exploitation d'une superficie de deux hectares (02 ha), on y trouve des pommes de terre, des tomates, choux, oignons, aubergines, etc. Les exploitants travaillent 12 mois /12, sans répit, pour espérer se tirer d'affaire. «C'est l'amour que nous avons pour ce métier qui nous retient. En plus, nous n'avons pas où aller. Nous ne savons rien faire d'autre que cultiver. Quand la production est bonne, nous sommes confrontés aux difficultés du marché. Il s'agit de la commercialisation de nos produits: les prix qui baissent, leur stockage, entre autres. Nous investissons plus pour ne rien gagner en retour. En réalité, nous perdons ; c'est pourquoi, nous sommes surendettés», a laissé entendre M. Ka

L'arboriculture avec des plantes fruitiers, une alternative mais...

Les manguiers plantés, pour pallier à certaines difficultés, ne produisent pas à la hauteur de ses attentes. En outre, les fruits ont subi des attaques d'insectes. Les récoltes sont mauvaises, cette année. Ceux qui ont réussi n'ont pu récolter qu'une petite quantité de mangues. «Ici, on ne sent pas les structures et institut de recherche en agronomie chargés d'accompagner les producteurs. Ils sont absents».

En ce qui concerne la régularisation de sa parcelle, M. Ka précise : «je ne bénéficie pas de bail encore moins d'un titre foncier». Le terrain, «je l'ai acquis grâce à une délibération de la Communauté rurale de Sangalkam. Elimane Ndoye, le président de la Communauté rurale d'alors a beaucoup fait pour les populations. Les gens qui ont fait la demande pour acquérir une parcelle, le Conseil rural a accédé à leur demande.»

Et de relever : «Nous sommes fréquemment menacés par certaines autorités. Les gens abusent de nous. Notre seul tort, c'est d'être des démunis. Il y a des cadres qui occupent le domaine national, sans être inquiétés. Alors que nous qui héritons ces terres de nos ancêtres, faisons l'objet de plusieurs menaces des escrocs. Ils veulent nous spolier de nos terres. Plusieurs personnes sont passées ici. On leur a fait part de nos difficultés, mais jusqu'à nos jours nous n'avons bénéficié d'aucun soutien».

DECIS, TAMARON, METAFORCE..., DES PESTICIDES «DANGEREUX» DANS NOS PLATS

Les structures d'encadrement sont inexistantes. Malgré le potentiel agricole énorme de la zone des Niayes. La flambée des prix des légumes sur le marché est jugée anormale par les acteurs de la filière. Le kg de l'oignon coûte 600 FCFA ainsi que celui de la pomme de terre. Toutes ces fluctuations des prix sont liées à la pénurie des légumes. Pourtant, le Sénégal a le potentiel agricole pour produire assez de légumes.

Les produits phytosanitaires interdits de tout usage sont sur le marché. «Le décis, tamaron, Les gens continuent à traiter leurs exploitations avec ces produits. Il n'y a pas de suivi ; c'est pourquoi certains maraîchers ne respectent pas la mesure d'interdiction de certains produits phytosanitaires par des services techniques de l'agriculture. Normalement les pouvoirs publics doivent s'assurer que les mesures prises sont respectées, en contrôlant les superficies exploitées. Ce n'est pas le cas, chacun fait ce qu'il veut, sous prétexte que les produits (décis, tamaron, metaforce...) sont très efficaces contre les insectes», révèlent Djiby Ka et ses deux employés que nous avons rencontrés dans leur champ, situé à quelques mètres du service de pesage (pont-bascule) de Noflaye géré par une entreprise de la place.

Contrairement aux déclarations des trois producteurs, le vendeur, Mamadou Dione, rejette en bloc ces accusations. Il a affirmé : «le décis ne fait pas parti de la liste des produits prohibés. Dans ma boutique, je dispose de ce produit (décis). Quant aux autres, ils ont été retirés des rayons. D'ailleurs, ces mesures, prohibant la commercialisation de certains pesticides ou insecticides, ne sont pas une nouveauté. Elles concernent les anciens insecticides très toxiques.»

N'empêche, «Les maraichers doivent se passer de ces produits cités ci-dessus, compte tenu de leur dangerosité. En outre, les délais ne sont plus respectés. Il faut au minimum observer une durée de 15 jours : (traitement des cultures et leur consommation). Nous ne pratiquons pas une agriculture bio. Mais ça ne doit pas être une raison pour qu'on inonde le marché de récoltes cancérigènes. Aucun vendeur de ces produits ne vous dira qu'il a dans son commerce ces produits», alertent les maraîchers de la localité.

La concurrence des gros producteurs et des organisations non gouvernementales (Ong) qui encadrent et financent certaines associations paysannes rend les efforts des petites exploitations familiales vains.

Par ailleurs, nos tentatives pour rencontrer le président de la Fédération des producteurs maraîchers des Niayes, Ibrahima Mbengue, ont été vaines. Il était en déplacement à l'intérieur du pays.

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