Saint-Louis — Le lycée Charles-de-Gaulle de Saint-Louis, outre le défi de prodiguer un bon enseignement à ses élèves, doit aussi composer avec la situation sociale de certains parmi eux et sa position géographique qui le place au milieu de trois quartiers populeux, affirme son proviseur, Baba Noho, indiquant que malgré ces facteurs, l'établissement scolaire a réussi à garder le cap de l'excellence.
Charles-de-Gaulle fait partie des lycées historiques du pays dont le président de la République, Macky Sall, avait annoncé la réhabilitation lors de son discours à la nation du 31 décembre dernier. Il est logé entre les quartiers densement peuplés de Pikine, Diamaguene et HLM, une situation géographique qui le confronte à des défis d'ordre sécuritaire.
Il est le seul établissement public secondaire d'enseignement général de cette envergure situé en dehors de l'île de Saint-Louis. En raison du fait qu'il est entouré de quartiers très peuplés, il accueille un nombre élevé d'élèves.
Au total, ils sont 2865 à fréquenter ses 54 classes, précise le proviseur. Certaines années, le lycée accueille même jusqu'à 3000 élèves.
Parmi ces élèves, beaucoup viennent de classes sociales défavorisées et sont de ce fait exemptés des frais d'inscription, signale Baba Noho. Plus d'une centaine d'élèves sont selon lui dans cette situation. A cause de cet état, le lycée a mis en place un Observatoire à la vulnérabilité et à la déperdition scolaire (OVDS). Son objectif est de se pencher sur les "cas sociaux sérieux", explique Baba Noho.
Cette structure regroupe des professeurs chargés de veiller sur le cas de ces enfants défavorisés et de les accompagner grâce à un budget mis à sa disposition par le lycée.
L'éducation inclusive est comme qui dirait une marque de fabrique de Charles -de -Gaulle qui, naturellement, accueille des élèves vivant avec un handicap.
»Nous avons un élève aveugle et nous collaborons avec l'école Boly Diaw où le matériel de braille existe pour transcrire ses devoirs », signale M. Noho. Il donne aussi l'exemple d'un autre élève handicapé physique à qui le lycée avait alloué une bourse tandis que ses accompagnants étaient exemptés de frais d'inscription.
»Nous le faisons pour les maintenir dans le système et heureusement que ce dernier [l'élève vivant avec un handicap physique], qui avait reçu une chaise roulante de la part du lycée, a réussi son baccalauréat et a été orienté à l'Université virtuelle. Il n'a plus besoin d'effectuer le déplacement pour ses cours », déclare, soulagé, le proviseur.
Il confie qu'il est arrivé au lycée de débourser 350 000 francs CFA pour permettre à un de ses pensionnaires blessé en cours d'éducation physique et sportive de faire face à ses soins. »Nous le faisons sans attendre l'assurance, et après, nous régularisons », explique-t-il.
Pour les activités physiques et sportives, les élèves du lycée Charles-de-Gaulle doivent partager leur salle de sport avec quasiment tous les élèves des établissements publics et privés qui n'en disposent pas.
»Ces derniers se disputent avec nous notre salle de sport », déclare-t-il. Outre les élèves des autres établissements scolaires, beaucoup de talibés (élèves des écoles coraniques) squattent le terrain du lycée pour jouer au football ou s'adonner à d'autres activités sportives en milieu d'après-midi.
Une situation liée sans doute au fait que le lycée Charles-de-Gaulle n'impose pas le port de tenues scolaires à ses élèves, du fait de la situation sociale difficile de certains parents. Aussi ses responsables sont-ils dans l'impossibilité de contrôler l'identité de ceux qui fréquentent les lieux.
»Nous avons quand-même quatre gardiens qui tentent tant bien que mal de contrôler les entrées de jour comme de nuit », explique-t-il.
»Le port de la tenue aurait pu nous aider à identifier les élèves, mais nous ne pouvons l'exiger aux parents qui refusent de payer », se désole-t-il. Il espère un changement avec le programme de confection de tenues scolaires annoncé par le gouvernement.
Les anciens de Charles de Gaulle à la rescousse
Les anciens du lycée Charles de Gaulle organisés en plusieurs associations viennent souvent au chevet de leur ancien établissement, qu'ils ne cessent d'accompagner de diverse manière, a déclaré le proviseur du lycée Baba Noho.
»Ils soutiennent notamment la fête de l'excellence en distribuant de nombreux prix et des ordinateurs », indique-t-il. Cette année par exemple, l'une des associations avait prévu d'effectuer une visite dans le lycée le 25 février en vue de voir quelle action mener en sa faveur.
Les anciens de Charles de Gaulle ont constitué différentes associations dans le but de lui venir en aide. L'une d'elle a mis en place un groupe Whatshapp de 293 membres, indique M. Noho.
Elles comptent parfois en leur sein des sommités intellectuelles devenues de hautes personnalités reconnues dans leur domaine d'évolution. Parmi eux, il y a le professer Mary Teuw Niane (ancien recteur et ancien ministre), Ousmane Ngom (avocat et ancien ministre), Mahammad Boun Abdallah Dionne (ancien Premier ministre, Bassouaré Diaby (ancien entraineur), Maham Diallo (juge), Abdoulaye Daouda Diallo (président du CESE, ancien ministre).
Le lycée, construit en 1962, se trouve dans un état de vétusté avancé, selon M. Noho. Selon lui, le réseau d'assainissement est caractérisé par des problèmes de refoulement d'eau, alors que la plomberie et l'électricité sont défaillantes.
Les murs présentent des problèmes d'étanchéité et les grilles métalliques des fenêtres sont rouillées et laissent entrer l'air au grand dam des élèves et de leurs professeurs.
Le lycée Charles de Gaule doit par ailleurs faire face à chaque rentrée des classes à une forte inondation de ses locaux. »L'entrée est transformée en bassin de rétention d'eau et les cours tardent toujours à démarrer influant ainsi sur le quantum horaire », dit-il.
Culte de l'excellence
Malgré cette situation un peu difficile, le lycée a réussi à maintenir l'excellence, selon son proviseur. L'année dernière, il a en effet enregistré un taux d'admission au baccalauréat de 60 pour cent, dépassant largement la moyenne nationale qui est de 40 pour cent.
L'établissement scolaire selon son proviseur, s'est doté d'un comité d'excellence pour s'occuper de l'encadrement rapproché de ses élèves. Son budget a été revu à la hausse, passant de 500 000 à 1 500 000 francs CFA, signale M. Noho, préoccupé par le souci de trouver une université à ses pensionnaires qui viennent de décrocher le baccalauréat.
Outre le Concours général, les élèves sont encouragés à tenter leur chance aux autres concours, en vue d'embrasser un métier pour s'insérer professionnellement. Aussi n'est-il pas étonnant de voir beaucoup parmi eux réussir ces dernières années dans de prestigieuses écoles du pays.
Des séances d'explication sont organisées régulièrement avec les universités et les institutions de formation pour aider les élèves dans leur orientation, dit-il.
Le lycée Charles de Gaulle organise une foire de l'orientation où des responsables d'écoles de formation et autres instituts rencontrent les élèves pour les informer sur ce qui les attend après le lycée, signale M. Noho. »Oui pour une école d'excellence et une formation adéquate au marché de l'emploi. Etudier devient un projet d'emploi » était d'ailleurs le thème de la dernière édition de cette foire.
Le but de la démarche est de les orienter en leur expliquant les opportunités qui s'offrent à eux, rappelle-t-il, estimant qu'avoir des compétences doit aider certains à être opérationnels deux ans après le baccalauréat.
Selon son proviseur, le lycée Charles de Gaulle développe une politique d'orientation et de maintien dans les séries rares. Il regrette toutefois que »les établissements privés viennent nous prendre nos élèves en classe de terminale ».
»Ils prennent des produits finis pour aller obtenir des prix au concours général avec eux. Ces élèves font recourir à nos professeurs et viennent payer pour être encadrés ».
»Il faut venir ici les mercredis et samedis, vous allez voir tous ces élèves des écoles privées défiler pour des cours de renforcement alors qu'avec nous ils les avaient gratuitement », ajoute M. Noho, dépité par cette situation.
»Nous investissons dans nos élèves en désintéressant les professeurs symboliquement pour l'encadrement rapproché et ils viennent les prendre pour avoir des taux de réussite de 100 pourcent », dit-il.
Leurs élèves ayant un niveau moyen, ils les inscrivent comme candidats libres pour gonfler leur taux, explique le proviseur de De Gaulle.