Congo-Kinshasa: Un crime politique ?

19 Juillet 2023
analyse

S'il y a un fait qui fait grand bruit en ce moment en République démocratique du Congo (RDC), c'est l'assassinat de l'opposant Chérubin Okende. Ce député et ancien ministre des Transports a été retrouvé le corps criblé de balles, dans sa voiture, le jeudi 13 juillet dernier à Kinshasa. Même si l'information n'a pas été confirmée par les autorités, Chérubin Okende avait été enlevée la veille, dans l'enceinte du Conseil constitutionnel par des hommes armés, selon ses proches.

La découverte du cadavre de cette figure politique a abasourdi nombre de Congolais, tant personne ne lui prédisait une telle fin tragique. Au-delà des émotions, la disparition d'Okende intervient à cinq mois de la présidentielle du 20 décembre 2023, ce qui pourrait nourrir des tensions. Les autorités, avec en tête le président, Félix Tshisekedi, ont promis faire la lumière sur cette affaire. D'ores et déjà, la justice congolaise a placé en garde en vue deux proches du défunt : son garde du corps et son chauffeur. Un certain nombre d'éléments vont être également mis à profit par la Police scientifique, en vue de la manifestation de la vérité dans cette ténébreuse affaire. Le véhicule où l'opposant a retrouvé la mort et d'autres objets, tels son téléphone portable et l'arme abandonnée par son garde du corps vont être passés au peigne fin, pour déterminer les circonstances du drame. La famille du disparu, qui attend beaucoup des enquêtes en cours, a porté plainte, pour « arrestation arbitraire et assassinat ». Le souhait est que tout soit mis en oeuvre pour que le ou les assassins d'Okende soient démasqués et punis à la hauteur de leur acte. En attendant le dénouement du dossier, un certain nombre de questions taraudent les esprits. Qui a tué Okende ?

%

Dans quel intérêt ? Avait-il des ennemis qui lui en voulaient, au point d'attenter à sa vie ? L'entourage du chef de l'Etat ou lui-même est-il directement impliqué dans cette affaire ? Ce sont autant d'interrogations, dont on l'espère, auront des réponses dans les jours, semaines ou mois à venir. Il faut souligner, de prime à bord, que Okende a servi le président Tshisekedi jusqu'à une date récente. Il était ministre des Transports, des Voies de communication et du Désenclavement jusqu'au 28 décembre 2022, date à laquelle il avait rendu le tablier, en guise de loyauté à l'ex-gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, candidat déclaré à la future présidentielle. Les deux hommes sont de grands amis. Okende avait donc rejoint le richissime opérateur économique et assurait d'ailleurs le rôle de Porte-parole de son parti, Ensemble pour la République. Le départ d'Okende a-t-il été perçu comme une trahison dans le camp Tshisekedi, de sorte à signer son arrêt de mort. C'est possible. Tous les coups sont permis en politique, où la haine se transforme en amour et vice-versa, au gré des intérêts. On le sait, Moïse Katumbi est l'adversaire le plus sérieux dans la course au fauteuil présidentiel face à Tshisekedi, candidat à sa propre succession. Il fait d'ailleurs peur au pouvoir en place, qui pourrait bien travailler à lui mettre des bâtons dans les roues. Katumbi fait manifestement l'objet d'une campagne de dénigrement et d'un harcèlement judiciaire, à l'approche de l'élection présidentielle. Son bras droit depuis plus de vingt ans, Salomon Idi Kalonda a été arrêté, en mai dernier, alors que tous les deux s'apprêtaient à embarquer dans un jet privé. Celui-ci est accusé d'intelligence avec le Rwanda, de détention d'armes et de désordre militaire. Mais dans l'entourage de Katumbi, on dénonce une histoire montée de toutes pièces.

Le pouvoir congolais n'a de cesse d'ailleurs d'accuser l'opposant de ne pas condamner les agissements du Rwanda en RDC, ce qu'il nie catégoriquement. Le discours, selon lequel Katumbi n'est pas un Congolais, fabriqué sous l'ancien président Joseph Kabila, refait aussi surface. Tous les moyens sont visiblement déployés pour barrer la route à la présidentielle à l'homme d'affaires, qui ne traine pas une mauvaise réputation, contrairement à la plupart des politiciens et opérateurs économiques. Ce qui constitue un atout non négligeable. L'adversité est telle, que les proches de Katumbi et lui-même semblent faire les frais de ses ambitions présidentielles. Mais avant tout, le dernier mot revient au peuple souverain de la RDC, qui donne le pouvoir à qui il veut.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.