Sous le thème « Benn Bopp » « Art et Cohésion sociale », la 11e édition du Salon national des arts virtuels a été lancée le 17 juillet avec un vernissage à la Galerie nationale d'art. Pour cette exposition principale, à voir jusqu'au 17 août, la politique a été inscrite dans la lumière de l'art pour la projeter dans une logique de sagesse.
Le vernissage de la onzième édition du Salon national des arts visuels, au soir de lundi dernier, a eu une forte couleur ... politique. Présidé par le Premier ministre, Amadou Bâ, l'évènement a vite débordé. La salle d'exposition de la Galerie nationale d'art, par ailleurs exiguë pour son statut, s'est avérée petite pour ce beau monde des arts et de la politique. Cependant, il faut admettre que cette édition 2023, qui a comme thème général « Benn Bopp » « Art et Cohésion sociale », est en soi politique.
« Tout dans cette exposition nous rappelle, avec insistance, que ce qui nous unit est plus important que ce qui peut nous diviser. C'est en cela que la politique, au sens premier du terme, signifie la gestion de la cité. Dans cette gestion, les arts et les artistes ont leur place et leur mot à dire. (...) Il est utile de réaffirmer notre commun vouloir de vie commune, hors de toutes les contingences », défend Massamba Mbaye, commissaire de l'exposition et aussi membre du jury. D'ailleurs, le critique d'art fait lire que, depuis sa relance, le Salon national des arts visuels est un prétexte pour la réactivation des affirmations politiques artistiques.
Ainsi, les cimaises ont été bordées d'oeuvres autant remarquables de leur esthétique que d'engagement social, de même que les installations qui fétichisent le sol.
Fally Sène Sow, toujours aussi sensationnel, a présenté l'installation « Dokh Dajé ». Sa miniaturisation de Colobane par des objets récupérés projette un monde fait de bric et de broc. Il ne s'agit pas que de matières. C'est aussi plusieurs identités et sensibilités qui se révèlent en une forte concentration démographique dans un espace qui est, à la fois, commercial, social, politique, de capital, de solidarité, de survie, etc. Le photographe Massow Kâ a aussi vu son nom dans la sélection principale avec son oeuvre « Or blanc de Gandiol ».
C'est une photographie aérienne prise par drone. Ce dernier surplombe un univers de sel, de sueurs, d'amour-propre et de labeur dominé par des femmes. Elles s'échinent pour tamiser la matière à côté des monticules salins. Ce sont des dames qui méprisent le froid de canard à l'aube et au soir, ainsi que la forte bouffée de chaleur qui émane du sel, dès midi. Le fait d'utiliser le drone impersonnalise ces visages, préserve leur dignité. Ce sont tous ces propos qui parlent de problèmes urgents (promiscuité, exploitation, droits humains, etc.), mais qui, en réalité, orientent vers un monde plus juste, plus humaniste et meilleur pour la paix des coeurs et des esprits.
Pour fait marquant, il y a l'hommage rendu à feue Aïcha Aïdara, avec sa toile « Rythme » et une photo d'elle où la plasticienne est lumineuse avec son sourire pudique et impérissable. Comme un énigmatique lien, il y a un peu de feu Ndoye Douts, camarade de promotion de Aïcha Aïdara, dans le tableau « Cohésion sociale » de Mamadou Saliou Diallo accroché juste à côté de « Rythme ».
Alioune Ba, lauréat du prix du Président de la République
Alioune Bâ, avec son installation « Mère Porteuse », a remporté le Grand prix du Président de la République, avec, en prime de 10 millions de FCfa. C'est une poterie en forme de coeur qui transfuse un cercle de corps, à travers un mécanisme qui fait circuler en permanence un liquide rougeâtre. Des ficelles rouges qui tendent au plafond créent une hypnotique illusion. « C'est une installation, mais il y a un aspect mécanique dans ce travail qui renvoie aux premiers pas de l'art. L'art n'avait pas exclusivement une connotation esthétique. Les premiers artistes connus qui ont marqué de manière pérenne l'histoire de l'art, une bonne partie était des mécaniciens de l'art. Ils inventaient des objets qui ont souvent révolutionné le cours de l'histoire de la technologie. Il y a aussi un travail de modelage, autour de l'argile », déclare Massamba Mbaye à propos de l'oeuvre gagnante. Membre du jury, il expliquait le choix de ses pairs. Un propos artistique qui est pareillement en totale cohérence avec le caractère « politique » de « Benn Bopp ».
Le prix du Premier ministre est revenu à Mbaye Babacar Diouf pour son oeuvre « Le Jardin des vertus ». C'est un tapis de sable gondolé qui reçoit quatre lignes de cent calebasses en bronze. Elles sont entourées de petits creux arrosés de plantes, de charbons, de céréales, etc.
L'oeuvre est inspirée d'un hadith du Prophète Muhammad qui parlait des 360 vertus primordiales desquelles l'homme n'a besoin de n'en posséder qu'une seule pour être admis au paradis. Seulement, à la fin des temps, toutes ces vertus vont rejoindre le ciel et disparaître de la terre. « Celles qui nous en restent sont des trésors qu'il faut à tout prix sauvegarder. Il y va même de la pure santé de notre monde et de la préservation de notre humanité », explique Mbaye Babacar Diouf, qui empoche 5 millions de FCfa.
La caractéristique du « trésor » veut se symboliser à travers le bronze qui s'illumine au coeur des cent calebasses. Comme pour dire, effectivement, que c'est le coeur qui est le réceptacle des vertus. Toutes ces oeuvres rejoignent justement l'orientation vers un monde meilleur que les artistes se donnent pour mission de proposer.
Pour l'exposition « Jeunes Révélations », reçue au Centre culturel Blaise Senghor, « Africanus » de Bassirou Ndiaye et « Benn Saay » de Serigne Gorgui Mbaye sont sacrés.
Le Premier ministre salue la créativité des artistes
Venu présider et déclarer officiellement l'ouverture de la onzième édition du Salon national des arts visuels (Snav), le Premier ministre, Amadou Bâ, a salué le brillant esprit des artistes et la lumière des arts pour mieux orienter la société et son développement. Il s'est félicité du Snav, cadre d'illumination de l'art contemporain local et africain. Devant l'exposition étoffée de merveilleuses oeuvres autant éclatantes de leurs tons que de leurs tendances, le Premier ministre ne s'est pas trompé pour manifester sa fierté et son optimisme. « Cette onzième édition promet d'être exceptionnelle, avec des oeuvres d'art qui reflètent notre identité culturelle, nos traditions et nos aspirations. Les artistes ont travaillé avec passion et dévouement pour présenter des créations uniques et inspirantes. Leur talent et leur créativité sont remarquables, et les oeuvres exposées ont véritablement ébloui le public », s'est enthousiasmé le Chef du Gouvernement, tout en sourire.
Cette joie, à en croire le Premier ministre, l'habite toutes les fois qu'il visite une exposition artistique.
Ce plaisir, justifie Amadou Ba, s'explique par le fait que « les artistes, ces militants libres et sensibles des nobles causes, proposent, avec talent et générosité, des oeuvres qui interpellent notre conscience, pour renforcer en même temps nos capacités d'élévation ».
L'autorité a marqué toute l'importance du Salon national des arts visuels qui est une belle opportunité pour mettre en lumière le talent et la créativité des artistes visuels locaux et régionaux. « C'est un moment privilégié pour découvrir et apprécier la diversité des expressions artistiques qui caractérisent notre pays. Il est également un moment de rencontre et d'échange entre les artistes, les critiques d'art, les collectionneurs et le public. Il favorise les débats et les discussions autour de l'art contemporain, contribuant ainsi à l'animation artistique du pays », a justement défini le Premier ministre.
Pour lui, la Biennale des arts contemporains de Dakar (Dak'Art) joue un rôle majeur dans la promotion de l'art africain contemporain en offrant une plateforme internationale de diffusion. « Le Salon vient compléter cette initiative en offrant un espace supplémentaire pour les artistes de la région, où ils peuvent exposer et échanger avec d'autres professionnels du milieu artistique. Le Salon et la Biennale sont donc des moments privilégiés pour célébrer la richesse et la diversité de l'art africain contemporain, et pour encourager son développement continu », a renchéri Amadou Bâ.
Engageant son Gouvernement, le Premier ministre a reconnu que les manifestations d'envergure nationale offrant aux artistes l'opportunité de s'exprimer devant de notables professionnels et amateurs d'art ne sont jamais suffisants. « Il est essentiel de soutenir et de promouvoir tous les évènements de cette nature qui permettent aux artistes de se faire connaître et de partager leur travail avec un large public. (...) Il est donc crucial que les pouvoirs publics continuent d'investir dans ces initiatives et de créer de nouveaux espaces dédiés à la promotion des arts, afin de favoriser l'émergence de talents et de contribuer au rayonnement de l'art africain contemporain », défend Amadou Bâ, qui a, par ailleurs, salué le travail du Ministre de la Culture et du Patrimoine historique, ainsi que celui de la Directrice de la Galerie nationale d'art.
Le Premier ministre, Amadou Bâ, a aussi magnifié le travail de la Société sénégalaise du droit d'auteur et des droits voisins (Sodav), tout en leur renouvelant le soutien des pouvoirs publics pour garantir le bien-être des artistes et leur autonomie financière.