Kigali, Rwanda — “L’égalité des genres est en danger. Mais nous ne pouvons pas abandonner. Nous devons nous unir et travailler ensemble pour repousser l’adversité.”
Dr Maliha Khan, Présidente et CEO de Women Deliver, a fait une remarque à une conférence de presse d’ouverture sur l’importance des démocraties libres et ouvertes pour atteindre l’égalité des genres. Khan a ajouté que “l’égalité des genres ne peut être atteinte sans espaces gratuits et ouverts. Des espaces qui sont accessibles, accueillants et inclusifs. Ce sont des espaces où tout le monde, peu importe son identité, peut se sentir en sécurité et respecté. La conférence Women Deliver est un de ces espaces.”
Kigali anime la toute première Women Deliver conference tenue en Afrique. Dans une forte démonstration de solidarité, au moins 6300 femmes et hommes d’origines et de champs d’expertises différents ont afflué au Rwanda afin de lutter pour l’égalité des genres.
“J’espère que c’est quelque chose qui fera vraiment avancer l’égalité des genres dans un saut quantique,” ajouta Khan.
Cependant, les espaces gratuits et ouverts ne se limitent pas juste aux conférences.
Khan a ajouté que “d’autres espaces qui doivent aussi être gratuits, accessibles, ouverts et inclusifs sont ces espaces où nous vivons, les milieux où vivent les filles et les femmes et continuent d’essayer d’atteindre leurs objectifs dans la vie. Ces espaces sont, évidemment, souvent contrôlés par leurs familles, leurs communautés mais aussi par les gouvernements et les politiques qui existent pour eux.”
“C’est donc vraiment important si nous souhaitons atteindre l’égalité des genres, ces espaces restent ouverts, ils restent démocratiques,” a-t-elle déclaré.
Khan a aussi poursuivi et affirmé que Women Deliver a “women” dans son titre mais “nous définissons une femme comme n’importe quelle personne qui s’identifie comme femme, a été identifié par les autres comme fille ou comme femme, ou a connu à un certain point de sa vie la réalité de ce que signifie être une fille ou une femme.”
“Et pour nous, ce sont toutes ces personnes que nous incluons dans nos espaces,” a indiqué Khan.
“Ces dernières années, il y a eu une tendance mondiale dans la fermeture d’espaces démocratiques. C’est une menace à l’égalité des genres, car cela restreint la capacité des femmes à participer à la vie publique. Nous devons être stratégiques dans nos réponses à ces forces et continuer de se battre pour des espaces gratuits et libres pour que tout le monde puisse avoir l’opportunité de prospérer,” a-t-elle ajouté.
Phumzile Mlambo-Ngcuka, Présidente du comité de Women Deliver et ancienne vice-présidente d’Afrique du Sud, a ajouté que la démocratie est un gouvernement par et pour le peuple. “Et par le peuple, nous voulons dire les hommes, les femmes et toutes les autres personnes non-conformes au genre. Alors si nous devons parler de démocratie, toutes ces personnes doivent être incluses, spécialement quand il est question des décisions qui affectent leurs vies. Il n'y a que dans les démocraties ouvertes que les femmes ont la chance d’avoir leurs droits être abordés correctement.”
Le rassemblement arrive à un moment critique pour l’égalité des genres
Mlambo-Ngcuka a déclaré que nous étions dans une situation triste où il pourrait nous falloir un siècle pour atteindre l’égalité des genres. Elle a expliqué que c’est parce que la majorité des pays dans le monde ne sont pas des démocraties ouvertes. En 2019, à la Women Deliver conference, nous avions le sentiment que nous progressions, quoique lentement. Toutefois, cette avancée n’est plus et nous avons du mal à voir comment procéder.
Elle demande des actions quant aux droits des femmes à la suite du récent sommet mondial sur les droits des femmes. Elle alerte sur le fait que le manque de démocraties correctes est un problème majeur pour les droits des femmes et que plus de progrès doit être fait dans des domaines tels que l’accès aux soins médicaux, l’éducation et les opportunités économiques. “Nous devons garantir que l’accès aux soins médicaux ne soit pas un privilège,” a annoncé Mlambo-Ngcuka.
“ Nous avons besoin d’assurer que l’accès à l’éducation n’en soit pas un non plus, et nous célébrons le fait que nous sommes arrivés aussi loin. Néanmoins, nous ne prenons rien pour acquis et continuons de le protéger.”
Mlambo-Ngcuka a aussi demandé à travailler de pair avec la communauté internationale pour s’occuper de la crise climatique, qui affecte les femmes de manières disproportionnées selon elle. “Nous avons le sentiment qu'aujourd’hui, même à la personne la plus sceptique, il y a tant de preuves pour démontrer que le monde entier traverse une crise mais aussi que les femmes sont bien plus touchées que n’importe qui d’autre,” a-t-elle expliqué.
Elle a aussi parlé de l’importance d’aborder des questions intersectionnelles, telles que les droits des personnes LGBTQ+, la discrimination positive et le racisme. Elle a déclaré que toutes ces questions sont des préoccupations majeures dans le programme de Women Deliver et qu’elle espère que la communauté internationale travaillera avec elle pour les aborder.
“Lorsque nous entendons que des pays sont des démocraties, mais qu’ils perdent des droits en ce qui concerne la communauté LGBTQ+, quand un pays se considère comme une démocratie s’attaque à la discrimination positive, quand vous entendez qu’un pays est une démocratie, mais qu’il est raciste,” a-t-elle indiqué.
Mlambo-Ngcuka a aussi comparé les violences sexistes à une pandémie, déclarant que c’est un sérieux problème qui doit être abordé avec la même urgence que d’autres pandémies. Elle demande à ce que les gouvernements et les sociétés sensibilisent sur la question et agissent afin d’y mettre fin.
L’inégalité des genres est un problème qui affecte tout le monde, qu’importe le genre, l’origine, l'âge, la sexualité ou le milieu. Elle peut avoir un impact négatif sur nos vies de différentes façons, y compris à travers notre accès à l’éducation, aux soins médicaux et aux opportunités d’emploi.
Helen Clark, membre du comité de Women Deliver et ancienne Première Ministre de la Nouvelle-Zélande, s’est aussi exprimée à la conférence de presse. Elle a souligné les crises systémiques qui rendent les choses difficiles aux femmes, dont la pandémie du COVID-19, la crise climatique et les conflits. Elle s’est aussi exprimée sur le retour en arrière des droits des femmes, qui est mené par des populistes, tant dans les démocraties que dans les autocraties.
Clark a mis l’accent sur l’importance d’avoir la voix des femmes être entendue dans le combat pour leurs droits. Elle demande de la solidarité dans les mouvements des femmes et que les jeunes rejoignent le combat. Elle a aussi déclaré que le combat pour les droits des femmes est aussi un combat pour l’intégrité des démocraties et de leurs institutions.
Les Nations Unies pensent que l’égalité des genres n’est pas juste un droit humain basique, mais aussi une fondation clé pour un monde paisible, prospère et viable. Atteindre des droits, des responsabilités et des opportunités égales pour tout le monde est un problème complexe sans solution facile, mais c’est un objectif que le monde devrait chercher à atteindre.
Les femmes et les hommes font toujours face à un fossé important dans l’accès aux opportunités et au pouvoir pour prendre des décisions. A l’échelle mondiale, les femmes ont moins d’opportunités pour participer à l’économie, moins accès à l’éducation et des risques accrus quant à la santé et la sécurité. Elles sont aussi moins représentées en politique.
Selon la Banque Mondiale, les femmes ne disposent toujours que de trois quarts des droits judiciaires accordés aux hommes. Cela signifie que presque 2.4 milliards de femmes dans l'âge de travailler n’ont pas d’opportunités économiques égales.
La situation est devenue encore plus urgente à cause des conséquences sociales et économiques de la pandémie du COVID-19, selon l’ONU.
Les progrès quant à l’égalité des genres sont au point mort dans plusieurs domaines, dont le travail de soins non rémunéré, la santé sexuelle et reproductive et la budgétisation sensible au genre. Les services de santé pour les femmes, qui manquaient déjà de financements, ont subi des perturbations importantes. Le problème de la violence faite aux femmes continue de persister.
Le monde ne progresse pas assez vers l’égalité des genres, et nous risquons de ne pas pouvoir l’atteindre d’ici 2030. C’est important d’assurer que personne n’est laissé pour compte dans le combat pour l’égalité des genres.
Mary Robinson, Présidente de The Elders et ancienne Présidente de l'Irlande s’est exprimée sur l’importance de protéger et construire des espaces civiques pour les femmes et les filles. Elle a déclaré que ces espaces sont essentiels pour que les femmes prospèrent et qu’elles sont sous la menace de la polarisation, de la régression des politiques relatives aux genre et du rétrécissement de l’espace civique.
Elle a appelé les activistes tout autour du monde à combattre ces menaces et à maintenir des espaces où toutes les voix peuvent être entendues. Elle a aussi déclaré que le féminisme n’est pas une question de hashtags ou de clichés, mais plutôt d’écoute de la critique et de prise d’actions pour régler les problèmes. Elle a conclu en encourageant les femmes et les filles à prendre le leadership dans la protection et prolongation d’espaces ouverts pour l’égalité des gens.
(Traduit de l'anglais par Aïcha Sall)