Afrique Centrale: Evocation - Et si on célébrait la rumba le 15 octobre de chaque année ?

En vue de conserver et sauvegarder la rumba, patrimoine culturel congolais et africain, ne serait-il pas souhaitable que les gouvernements des deux Congo décrètent de commun accord la journée du 15 octobre de chaque année, date historique où la rumba a été inscrite comme patrimoine immatériel de l'humanité à l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), une journée dédiée à la rumba et au cours de laquelle l'on parlera et dansera la rumba à l'image de la samba, danse brésilienne célébrée chaque année au Brésil ?

Pendant qu'il se tient à Brazzaville les festivités marquant la 11e édition du Festival panafricain de musique placée sur le thème « La Rumba congolaise : envol de la base identitaire vers les vertices du patrimoine de l'humanité », il sied de rappeler à tous les mélomanes et amoureux de la rumba ce qui suit :

Le 15 octobre 2021, la rumba congolaise a été inscrite au patrimoine immatériel de l'humanité à l'Unesco, fruit du résultat d'un dur labeur des chroniqueurs, écrivains, musicologues et érudits de l'histoire de la musique congolaise, événement de haute portée historique dans la musique des deux rives du fleuve Congo et accueilli avec enthousiasme par les mélomanes, ambianceurs et artistes musiciens des deux Congo.

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Pour la petite histoire

Rumba ou kumba en langue Kongo, lien ombilical entre les deux Congo, signifie nombril, danse dont la gestuelle est faite de deux à trois pas selon le rythme par un couple tout en se frottant le nombril, danse qui fut déportée aux Amériques par les esclaves noirs d'Afrique lors de la traite négrière au 17e et 18e siècle. Rythme et danse binaire, la rumba est d'origine syncrétique. Elle se situe à la confluence des rythmes africains, notamment Antillais, Cubain, voir Européen. Les Congolais ont su se la réapproprier, Manda Tchebwa déclare dans son ouvrage intitulé « Musique et danse de Cuba, héritage afro-cubain et euro-cubain dans l'affirmation créole » paru aux Editions L'Harmatan page 346, nous citons « partie de l'Afrique, la voilà, elle la belle rumba revenir auprès de la mère Afrique tatouée et mutilée pendant cinq siècles par la censure, depuis elle y a repris ces lettres de noblesse après avoir slalomer avec l'histoire ».

Au cours de la décennie 60, la musique congolaise moderne prend son essor et s'impose dans toute l'Afrique. Au plan culturel, la tenue du 1er festival des arts nègres de Dakar en 1966 puis du Festival panafricain de musique d'Alger en 1969, à noter également l'organisation des premiers Jeux africains à Brazzaville en juillet 1965 qui furent une occasion où toute l'Afrique assista à l'exhibition de la danse bouchée qui est un dérivé de la rumba, et le Festival de Lagos au Nigéria en 1977 sont des événements les plus marquants aux cours desquels participèrent les orchestres des deux rives du fleuve Congo, Bantous de la Capitale, l'OK Jazz et Bamboula.

La danse aussi bien à Brazzaville qu'à Kinshasa jusqu'à lors fondée sur les différentes de la rumba (rumba odemba, rumba kara kara) va connaître de nouvelles évolutions, ainsi pour bien se démarquer des autres, chaque groupe crée sa propre danse : boucher et soukous avec les Bantous de la Capitale, Kiri Kiri avec l'African Fiesta Sukisa, Jobs avec Rochereau.

Malgré la présence notoire d'une flopée d'orchestres à Brazzaville et Kinshasa au cours des décennies 70 et 80, entre autres Tembo, Mando Negro, Sindza Kotoko, les grands Maquizars, Stukas, Zaiko, Viva la musica. Engendrant la naissance de plusieurs danses (ciao, mombombo, ndombolo, cavacha...) la rumba a pignon sur rue et tient la dragée haute dans le répertoire de nos orchestres et est dansée partout lors des concerts, cérémonie de mariage, retraits de deuil, dans les bars dancing des deux villes. Au début de la décennie 2000, un genre de musique et danse dénommée « coupé décalé » inventée en Côte d'Ivoire par les DJ (disco-jockey) dont le plus célèbre fut DJ Arafat. Cette musique a été un vent qui a soufflé et envahi l'Afrique de l'Ouest (Côte d'Ivoire,Nigéria, Ghana...), axée sur une cadence accélérée et dont la gestuelle est composée des coups de reins et des différents mouvements exécutés par 10 à 15 danseurs sur un podium, le tout ressemblant à une scène de gymnastique que le défunt Manu Dibango de son vivant qualifia de musique sportive.

Le phénomène coupé-décalé est célèbre dans toute l'Afrique, surtout en milieu juvénile. De nos jours, l'influence dominatrice de ce phénomène a également envahi l'échiquier musical congolais où les orchestres de la 3e et 4e génération des deux rives du fleuve Congo s'en ont approprié au détriment de la rumba que certains jeunes de la génération actuelle ne savent pas danser et qui tend à disparaître si l'on y prend garde.

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