L'Accord sur l'échange automatique des renseignements financiers, un caillou dans la chaussure du gouvernement
Les derniers appels des ONG et des activistes marocains à l'étranger demandant au Parlement de geler les discussions sur l'Accord multilatéral pour l'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers ne sont pas tombés dans l'oreille d'un sourd.
En effet, la Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants a décidé, mardi dernier, le report du vote sur le projet de loi 77.19, tout en "invitant le bureau du Parlement à soumettre une recommandation au gouvernement pour négocier à nouveau certains points".
Une position que partagent les ministres des Affaires étrangères et du Budget, qui ont laissé entendre que le Maroc compte « rouvrir des négociations sur ledit accord d'échange automatique d'informations ».
Report
Selon Nasser Bourita, le report de la ratification de cet accord multilatéral renforcera la capacité de négociation de la partie marocaine pour protéger ses intérêts tout en précisant que « ce report contribuera à trouver un accord que le Parlement approuvera à l'unanimité".
Pour sa part, Faouzi Lakjaa a déclaré que les Marocains ont une position unifiée concernant cet accord tout en expliquant que si Rabat est impliquée dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, elle tient à ce que les intérêts de la communauté marocaine à l'étranger ne soient pas affectés.
Il a ajouté qu'après les négociations, le gouvernement compte revenir vers les députés afin de clarifier tous les détails, et supprimer toute disposition de l'accord pouvant nuire aux intérêts de la communauté marocaine.
Rejet
A rappeler que la majorité et l'opposition sont unanimes à rejeter le contenu dudit accord. D'autant que la discussion autour de ce projet de loi a été gelée au début de la précédente législature suite à des réserves et observations formulées à son sujet.
En effet, ce texte législatif avait été présenté à la Chambre des représentants il y a quatre ans, mais sans approbation parlementaire. Selon le site de Jeune Afrique, des informations diffusées en off par un certain nombre d'organismes publics, puis relayées par la presse marocaine, le Royaume aurait reporté à 2025 son engagement à échanger les données bancaires, fiscales et immobilières avec les 120 pays signataires de «l'Accord sur l'échange automatique des déclarations pays par pays ».
Toutefois, les parlementaires sont d'accord sur le fait que la prochaine loi doit être discutée en toute sérénité afin de préserver la place occupée par les Marocains du monde et les rôles pionniers qu'ils jouent dans le développement de leur pays à tous les niveaux.
Transparence
A ce propos, l'académicien et expert dans le dossier des MRE, Abdelkrim Belguendouz, a appelé, dans une tribune publiée dernièrement, à un débat parlementaire transparent estimant qu'il y a urgence de prise de parole des responsables du dossier, pour fournir les informations nécessaires, tranquilliser ceux qui doivent l'être, apporter les clarifications appropriées pour mettre fin aux confusions existantes et mettre d'autres devant leurs responsabilités.
« Encore une fois, le gouvernement doit expliquer et s'expliquer sur sa signature entraînant son engagement international », a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « Le gouvernement est dans une situation inextricable. Il ne veut pas perdre la face s'agissant de ses partenaires internationaux. Et face à l'opinion publique, en particulier aux citoyens MRE et aux parlementaires, il ne veut pas expliquer et surtout s'expliquer sur sa signature et en quoi celle-ci ne porte aucun préjudice aux citoyens MRE comme l'avait déclaré son porte-parole jeudi dernier, que rien n'était encore fait, alors que, à peine quelques heures plus tard, le projet de loi allait être remis à l'ordre du jour à la demande du gouvernement.
On comprend mal pourquoi (...) les responsables observent un silence assourdissant sur ce sujet qui devient très sensible, faisant preuve en quelque sorte d'une forme de dédain et de mépris envers les citoyens MRE qui n'ont pas le droit de demander les informations qui les concernent ».
Droit de savoir
Pour Abdelkrim Belguendouz, « ce projet de loi ne peut pas passer comme une lettre à la poste comme le voudrait le gouvernement, qui l'a mis en discussion (pour être voté ???) dans un paquet de 8 autres projets de loi». Selon lui, « tous les citoyens, en particulier les MRE, ont le droit de savoir ce que pensent les partis politiques de ce dossier. Et surtout ce que pensent les parlementaires et ce qu'ils vont faire réellement après toute cette période de flottement et de grande inquiétude, au lieu de laisser s'élargir la crise de confiance des MRE, préjudiciable à leurs rapports actuels et futurs avec le Maroc, bien au-delà des aspects économiques et financiers ».
« S'il y a, par conséquent, un message citoyen à faire passer, c'est celui de la nécessaire transparence des pouvoirs publics et des acteurs politiques sur cette question qui a un intérêt stratégique pour le Maroc et qui est d'un intérêt vital pour les citoyens MRE. Le discours Royal du 20 Août 2022 a interpellé le gouvernement en particulier pour entreprendre tout ce qui est nécessaire afin de renforcer la confiance des citoyens MRE et les liens fondamentaux avec la mère-patrie », indique-t-il. Et de conclure : «Non seulement après onze mois, on n'a vu aucune feuille de route gouvernementale en la matière, mais on constate par contre la prise de mesures qui vont à l'encontre de cet objectif stratégique ».