C'est à travers la Banque européenne d'investissement, qui travaille avec Madagascar depuis plusieurs décennies, que l'Union européenne a marqué dernièrement sa volonté de renforcer son appui financier au profit de la Grande île.
C'est au début des années 1970 que la Banque européenne d'investissement (BEI) a commencé à lancer des opérations de financement à Madagascar. Plus d'un demi-siècle plus tard, une quarantaine de projets ont été financés pour un montant de près d'un milliard d'euros. Et la BEI a fait savoir son intention de renforcer sa présence dans le pays, en accordant notamment la priorité au développement du secteur agricole et de la transition énergétique.
C'est dans ce cadre que l'appui aux agriculteurs et aux pêcheurs dans le Nord-Est et l'Ouest de Madagascar a été acté. C'est l'objet de l'accord de prêt accordé par la BEI, ce 18 juillet, avec l'entreprise sociale Sahanala. L'ambassadrice de la Délégation de l'Union européenne à Madagascar, Isabelle Delattre Burger, a assisté à la cérémonie de signature, en présence du vice-président de la BEI, Ambroise Fayolle. Selon les informations fournies, ce projet reflète l'intention de l'UE de s'impliquer davantage dans l'appui à la production agricole pour le marché local et l'exportation. Il épaule également des groupements d'agriculteurs et de pêcheurs, à travers des renforcements de capacités et en proposant des innovations techniques.
On sait, en outre, que le prêt accordé à Sahanala s'élève à 20 millions d'euros. Le financement servira à accroître la production alimentaire durable destinée au marché intérieur, mais aussi pour booster les échanges commerciaux avec l'extérieur. « L'initiative permettra de réduire la dépendance à l'égard des importations de maïs et de riz pour répondre à la demande locale. L'opération de la BEI, qui est la première pour le secteur agricole à Madagascar depuis 2005, soutiendra un investissement global de 40 millions d'euros réalisé par Sahanala », indique-t-on
également.
Ainsi, les petits exploitants agricoles, les pêcheurs et la population malgache dans son ensemble vont bénéficier de ce projet, dont l'accord de financement a été signé. Le prêt soutiendra deux projets. Le premier concerne la zone ouest de Madagascar, Maintirano, et appuiera la mécanisation de l'agriculture en parallèle avec les pratiques traditionnelles. Le projet vise aussi l'implantation d'un complexe industriel pour la transformation de maïs, de riz, d'huile alimentaire et d'aliments pour animaux destinés au marché intérieur. Tout cela dans l'objectif d'améliorer les revenus et les conditions de vie des producteurs.
Le second projet concerne le Nord de Madagascar, plus précisément à Vohémar, et vise à garantir la pêche responsable et l'implantation d'une usine de surgélation moderne dotée d'équipements de réfrigération. Il permettra aux petits pêcheurs d'accéder au marché intérieur, mais aussi international. S'ajoutent à cela des unités de froid pour la production de glace dans les différents centres de collecte.
Garantir des pratiques durables
Grâce à ces projets, Sahanala vise la création de plus de 1 500 emplois. Ils apporteront aux agriculteurs et aux pêcheurs un savoir-faire technique et économique qui leur permettra d'accéder plus facilement aux marchés à des prix équitables, tout en renforçant leur capacité à répondre à la demande croissante de la population malgache en aliments de base nutritifs. Sahanala s'engage à former les producteurs au respect des normes environnementales strictes et à protéger la biodiversité et les ressources naturelles afin de garantir un développement responsable. On sait également que Sahanala sera l'entreprise pionnière à Madagascar en matière de l'exportation des produits de la mer certifiés par le Marine Stewardship Council (MSC). L'entreprise
s'engage également à promouvoir l'égalité des chances pour les femmes. Elle encourage les femmes à assumer des responsabilités de gestion et leur offre un accès à la formation, aux services financiers et à l'information.
Pour Ambroise Fayolle, les efforts déployés pour garantir des pratiques durables, améliorer la biodiversité et renforcer la résilience aux changements climatiques sont appuyés dans le cadre de l'atteinte des objectifs clés de la stratégie Global Gateway de l'UE. Quant à Serge Rajaobelina, président du conseil d'administration de Sahanala, la priorité est de « donner le pouvoir aux
paysans malgaches d'améliorer durablement leurs conditions de vie en valorisant de façon juste leurs produits et leurs savoirs et en les engageant à agir pour le développement local et l'environnement. »
À savoir que Sahanala est détenue par les paysans qui sont décisionnaires des orientations stratégiques de la société. Chaque projet, comme ceux-ci, découle de leur solidarité et permet d'investir aujourd'hui dans leurs filières émergentes. Notre mission est claire : celui d'apporter le développement économique aux communautés à travers une démarche responsable et équitable. Une approche saluée par Harifidy Ramilison, ministre de l'Agriculture et de l'élevage, qui a souligné que le secteur public se doit d'appuyer ce genre de projet, car l'autosuffisance alimentaire et le développement du milieu rural nécessite l'implication de tous.
Isabelle Delattre Burger, ambassadrice de l'Union européenne à Madagascar, a déclaré, pour sa part, se réjouir de la signature de ce prêt qui, elle l'espère, est le premier d'une longue série d'appuis conjoints BEI/Coopération européenne au secteur privé agroalimentaire qui devrait dynamiser ce secteur, en particulier, là où la coopération européenne concentre ses activités dans le secteur rural. Rappel a aussi été fait que l'agriculture et le secteur de la transformation des produits agricoles emploient environ 80% de la population active à Madagascar. Ces dernières années, le secteur a été touché par la sécheresse et les maladies du bétail, en plus de l'impact sévère de la crise de Covid-19 et de la guerre en Ukraine sur l'économie malgache dans son ensemble.
Financeur du Global Gateway
La Banque européenne d'investissement est la plus importante institution de financement multilatérale au monde et l'un des premiers bailleurs de fonds pour les financements climatiques. Depuis 1970, elle a prêté plus de 900 millions d'euros pour l'appui d'investissements à long terme à Madagascar, pour l'infrastructure-clé ainsi que pour le secteur privé. BEI Monde, sa branche missionnée pour accroître l'impact des partenariats internationaux et du financement du développement, est présenté comme un partenaire-clé de la stratégie Global Gateway de l'UE. Elle vise à soutenir 100 milliards d'euros d'investissements d'ici la fin de 2027, soit environ un tiers de l'objectif global de cette initiative.
« BEI Monde oeuvre pour un partenariat plus fort et plus ciblé au sein de l'Équipe Europe, aux côtés d'autres institutions de financement du développement et de la société civile. BEI Monde rapproche le Groupe BEI des populations, des entreprises et des institutions locales par l'intermédiaire de ses bureaux répartis dans le monde. Elle s'est engagée à soutenir l'autonomisation économique des femmes par le biais de ses projets dans le monde entier et a été la première banque multilatérale de développement à approuver les critères du 2X Challenge. Il s'agit d'une initiative multilatérale lancée par le G7, en juin 2018, avec l'objectif ambitieux de déployer et de mobiliser d'importants capitaux pour soutenir des projets qui autonomisent les femmes », fait-on aussi savoir.
Quant au Global Gateway, c'est la stratégie européenne qui vise à « stimuler les liaisons intelligentes, propres et sécurisées dans les secteurs du numérique, de l'énergie et des transports, et à renforcer les systèmes de santé, d'éducation et de recherche à travers le monde. Et ce, grâce à une approche Team Europe ». L'UE, ses États membres et leurs institutions financières et de développement sont impliqués dans le cadre du Global Gateway pour mobiliser le secteur privé afin de tirer parti des investissements pour un impact transformationnel. Il vise à mobiliser jusqu'à 300 milliards d'euros d'investissements et s'aligne sur l'Agenda 2030 des Nations Unies et ses objectifs de développement durable, ainsi que sur l'Accord de Paris.
Soutien au secteur de l'énergie
Outre l'appui apporté à l'agriculture et à la sécurité alimentaire, la BEI a aussi réaffirmé son soutien à la transition énergétique. À l'occasion d'une rencontre de travail, tenue le 17 juillet au siège du ministère de l'Énergie et des hydrocarbures, la délégation de la Banque a échangé avec le ministre de l'Énergie et des Hydrocarbures, Solo Andriamanampisoa, sur les grands projets en cours, dont les deux phases du Projet d'interconnexion et de renforcement des réseaux de transport d'énergie électrique à Madagascar (Prirtem1, Prirtem2), le projet Volobe Amont, le projet Sahofika et l'électrification des zones rurales.
C'est l'occasion pour le ministre de tutelle de souligner que le Prirtem fera prochainement l'objet d'un appel d'offres pour la construction de la ligne côtière Antsampanana-Toamasina. L'objectif étant de « créer une autoroute de l'énergie avec un réseau haute tension qui relie la capitale avec la ville portuaire de la côte Est ». Les travaux pour relier les réseaux électriques d'Antsampanana et d'Antananarivo seront bientôt entamés, selon les informations fournies.
La BEI a également été informée que le grand réseau électrique qui sera construit permettra de réduire le délestage et les risques de panne technique. Plusieurs centrales de production vont faire fonctionner ce réseau qui « unifiera Toamasina, Antananarivo et Antsirabe en termes d'accès à l'énergie ». Par ailleurs, les localités rurales concernées par le déploiement de réseau, accèderont à l'électricité. Outre les centrales de production déjà en fonction et branchées au Réseau interconnecté d'Antananarivo (RIA), de nouvelles infrastructures sont actuellement en construction.
La BEI appuie également Madagascar dans le cadre du programme de construction et d'opérationnalisation des centrales hydroélectriques de Sahofika et de Volobe, ainsi qu'une centrale solaire d'une capacité de 200 MW prévue pour être implantée à Ihazovala, dans la région Vakinankaratra. La Banque qui a souligné l'importance pour la Grande ile de diversifier les sources d'énergie et de privilégier l'utilisation des énergies propres. Selon ses représentants, « la BEI poursuit son engagement en faveur de la transition énergétique à Madagascar et continue de soutenir le développement d'infrastructures durables pour assurer un avenir énergétique plus vert et plus inclusif ». Saluant la qualité du partenariat avec l'UE, et en particulier avec la BEI, le ministre Solo Andriamanampisoa a mis en exergue que son département a pour priorité l'accès des populations à une énergie fiable et abordable, « gage de l'émergence économique et sociale du pays ».
WeLight
250 000 bénéficiaires en ligne de mire
Cent vingt villages ruraux et près de deux cent cinquante mille personnes et entreprises ont accès à une électricité renouvelable. C'est ce que permettront de réaliser les prêts accordés par l'Union européenne et la Banque européenne d'investissement à l'entreprise WeLight. La visite du vice-président de la BEI a permis de réaffirmer l'engagement européen aux côtés des acteurs privés soucieux de développer des infrastructures de qualité et respectant les normes sociales et environnementales « les plus élevées », dans le sens de l'initiative Global Gateway. Dans son communiqué, la BEI a indiqué que le décaissement d'un prêt de 10 millions d'euros à WeLight Madagascar s'inscrit dans la mise en oeuvre du projet d'élaboration et de construction de mini-réseaux solaires dans les villages actuellement non raccordés au réseau. Une cérémonie de signature relative à ce projet a été organisée en présence de l'ambassadrice de l'UE à Madagascar et du ministre malgache de l'Énergie et des hydrocarbures.
« Les nouveaux mini-réseaux permettront aux habitants de villages ruraux non raccordés au réseau d'accéder à une énergie propre et abordable. Outre les habitations particulières et les entreprises, le projet bénéficiera également aux écoles, aux centres de santé et aux espaces publics, pour un renforcement de l'économie locale et une amélioration de la santé, de la sécurité et de l'éducation », précise aussi la BEI. Composé d'une centrale solaire et d'un système de stockage de l'énergie, ainsi que d'une ligne de distribution et d'un compteur pour chaque client, un mini-réseau peut fournir de l'électricité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Les cent vingt villages supplémentaires, répartis dans dix-sept régions, ont été recensés en collaboration avec le ministère malgache de l'Énergie et l'Agence pour le développement de l'électrification rurale (Ader).
VERBATIM
Solo Andriamanampisoa,
ministre de l'Énergie et des hydrocarbures
« Madagascar vise l'électricité pour tous. Jusqu'ici, 1,2 million de foyers sont connectés et 650 000 d'entre eux sont alimentés par la Jirama. Notre objectif, à moyen terme, est de brancher 5,8 millions de foyers à travers le pays. Nous nous réjouissons des appuis apportés par l'Union européenne et de la Banque européenne d'investissement pour réaliser cet important défi. »
Isabelle Delattre Burger,
ambassadrice de la Délégation de l'Union européenne à Madagascar
« L'Union européenne prévoit déjà une enveloppe de 325 millions d'euros pour le programme indicatif pluriannuel qui la lie avec Madagascar. Les priorités de ce programme sont déjà largement alignées sur les priorités de Madagascar. Ce programme a été discuté avec les autorités, le gouvernement et d'autres acteurs comme le secteur privé, la société civile etc. »
LA BEI À MADAGASCAR