Ile Maurice: Shuichiro Kawaguchi - L'Ambassadeur qui aime la cuisine encore plus que le violon

Diplomatie par les sens. L'ambassadeur du Japon Shuichiro Kawaguchi s'est illustré cette semaine par sa maîtrise du violon. C'était lors de la présentation du récital «Winterlude», prévu le 1er août, au Caudan Arts Centre. Une collaboration entre l'Ensemble 415 et deux violonistes du Japon. Mais sa plus grande passion, c'est la cuisine. Un goût pour la fraîcheur des produits, en particulier le poisson.

Son coup d'archer a tapé dans le mille. Avec ses variations au violon sur l'introduction de la chanson Alejandro de Lady Gaga, l'ambassadeur du Japon Shuichiro Kawaguchi a retenu l'attention, le mardi 18 juillet. Il s'est produit lors de la présentation du concert Winterlude, qui sera présenté le 1er août au Caudan Arts Centre. Une soirée de musique classique, baroque et de films avec l'Ensemble 415, qui accueille deux violonistes du Japon : Nozomi Hayashi et Nina Kawaguchi, la fille de l'ambassadeur.

Le diplomate est en poste chez nous depuis 2020. Quand on le complimente sur sa prestation de mardi - car ce n'est pas si souvent qu'un ambassadeur partage ses talents artistiques -, Shuichiro Kawaguchi sourit modestement. «Je n'ai pas étudié la musique», dit-il dans un anglais où crépite un fort accent japonais.

Son curriculum vitae officiel indique qu'il est diplômé de la faculté d'agriculture de l'université de Tokyo. Il y a étudié de 1979 à 1983. Comment l'agriculture l'a-t-elle mené au ministère des Affaires étrangères du Japon, qu'il intègre en 1985 ? Et quelle partition tient le violon dans ce riche parcours ?

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D'abord un flashback. Shuichiro Kawaguchi est enfant. Sa ville natale est Niigata, un port réputé pour ses fruits de mer, situé à 300 km au nord de Tokyo. «Quand j'étais très petit, j'ai commencé par prendre des leçons de piano, mais je n'aimais pas ça.» Nouveau bond dans le temps. L'enfant est devenu un adolescent. «J'ai commencé le violon à l'âge de 14 ans.» Ce qui est considéré comme trop tard pour devenir un violoniste professionnel. Dans un rire, l'ambassadeur confie : «Je suis né un 28 janvier (NdlR, 1959). C'est un jour après Mozart, qui est né un 27 janvier (NdlR, 1756). C'est symbolique. Je suis arrivé trop tard pour être musicien.» Son prof de musique de l'époque n'est guère encourageant. Il dit au jeune Shuichiro Kawaguchi : «Si tu as arrêté un instrument une fois, tu arrêteras encore.» C'est mal connaître sa persévérance.

Quelques années plus tard, devenu étudiant à Tokyo, il intègre l'orchestre de l'université. «J'aime la musique symphonique.» Un compositeur de prédilection ? Il cite la neuvième symphonie de Gustav Mahler. «J'ai seulement joué la symphonie no. 2 Resurrection et la symphonie no. 7 de Mahler», précise-t-il. Il apprécie aussi Brahms et «toute la musique romantique».

Quand il ne répète pas le violon, l'étudiant, inscrit à la faculté d'agriculture, planche sur le secteur de la pêche : les populations de poissons, leurs mouvements migratoires. «C'était l'époque des négociations entre les pays délimitant leur zone économique exclusive. Des pays comme le Japon qui pratique la pêche hauturière, étaient partie prenante de ces négociations.» Au milieu des années 80, la gestion de la pêche sur le plan international est un secteur d'avenir qui attire l'étudiant. Son diplôme en poche le pousse à intégrer le ministère des Affaires étrangères du Japon. «Je ne suis pas le type de personne qui va se contenter de faire des études des populations de poissons tous les jours», ajoute en riant Shuichiro Kawaguchi. En tant que diplomate, il préfère «les discussions en tête-à-tête». Ce qui permet de ne pas rester à la surface des choses.

Diplomatie du palais

En 1998, il occupe son premier poste hors de son pays. Il est premier secrétaire à l'ambassade du Japon en Éthiopie. Il en garde le souvenir d'un peuple «très fier, avec une riche culture». En 2008, il est conseiller à l'ambassade du Japon en Tanzanie. Les cinq ans avant d'arriver chez nous, en 2020, il a été conseiller à l'ambassade du Japon en Afrique du Sud.

Depuis qu'il est à Maurice, l'ambassadeur du Japon s'est surtout illustré par son autre passion. «Elle est encore plus forte que celle que j'ai pour le violon», souligne-t-il. C'est son goût pour la cuisine.

Une vraie diplomatie du palais. Une passion pour la préparation et surtout le partage convivial des plats qui remonte à ses années d'étudiant à Tokyo. «Trois à quatre fois la semaine, j'invitais des amis dans mon petit appartement», se souvient-il. «Au début, je ne faisais que des choses très simples, des fritures. Graduellement, je me suis perfectionné en découvrant à quel point c'est satisfaisant de recevoir des gens.» Sa spécialité : le poisson. «I am very good at making fish dishes», assure l'ambassadeur.

Des plats à la japonaise, «en mettant l'accent sur le goût du poisson lui-même, sur sa fraîcheur». En octobre 2021, Shuichiro Kawaguchi fait une démonstration de cuisine japonaise à l'École hôtelière sir Gaëtan Duval. Il y prépare cinq plats. Il collabore avec l'un des étudiants dans sa cuisine en sa résidence à Floréal. «Il est très talentueux. Il fait le meilleur tempura, après moi», dit-il amusé. C'est presque avec la fierté d'un père qu'il dit que ce jeune homme a obtenu une bourse pour Monaco et qu'il revient en octobre.

L'an dernier, en juin 2022, c'est dans sa résidence que l'ambassadeur fait une démonstration des techniques de découpage du poisson pour en préserver le goût. Parmi elles : une technique utilisée par les pêcheurs pour conserver le poisson cru pendant plus de sept jours.

Quand on demande à l'ambassadeur s'il ne parle pas un peu le français, il répond : «J'aime la cuisine française.» Il nous fait saliver en évoquant la bouillabaisse. «Parfois, on utilise le court-bouillon, mais je ne suis pas d'accord avec ça. Le goût du poisson est altéré par les herbes. La chair délicate est meilleure pochée, à la vapeur ou frite. Personnellement, je préfère une sauce au beurre blanc.»

À Maurice, Shuichiro Kawaguchi explique avoir trouvé «some nice local fish». Il cite le poisson-corne, le capitaine, la vielle rouge, le rouget. Ce qu'il aime : «Quand vous mangez, cela a vraiment le goût de la mer.» La bonite locale aussi l'a attiré. Cela ne lui a pas échappé, qu'à Maurice, «on utilise surtout ce poisson comme appât. C'est à cause de son goût prononcé, un peu comme le gibier. Au Japon, nous n'enlevons pas le sang du poisson. C'est consommé frais avec le sang et c'est l'un des poissons les plus chers au Japon». L'une de ses envies culinaires : introduire cette technique de préparation de la bonite à Maurice. «Ici, il y aurait des améliorations à apporter dans le respect de la chaîne du froid, pour la conservation du poisson.»

L'heure tourne. Dans la soirée, l'ambassadeur reçoit des invités. Nous lui demandons ce qu'il a prévu au menu. Il nous a confié entretemps, qu'au quotidien, il prépare lui-même le dîner pour son épouse et lui-même. Mais il y a bien un chef à l'ambassade, demandons-nous. «Yes, but I am the best», répond-t-il. Avant de dérouler un menu de gala qui commence évidemment par une soupe de poisson, «où je mets secrètement de la sauce de poisson», chuchote-t-il. Avec au dessert, la très mauricienne banane flambée.

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