Qu'ils soient connus ou moins connus, les artistes tchadiens ont bien du mal à s'exporter. Faiblesse des politiques publiques, industries culturelles embryonnaires : le pays a du chemin à faire pour exister sur la planète culture, aux côtés de géants du continent comme le Sénégal, le Nigeria ou la Côte d'Ivoire. Le festival Africajarc, qui vient de s'achever dans le sud de la France, leur a toutefois fourni une belle visibilité.
La musique de Cidson Alguewi, d'inspiration congolaise, frappe immédiatement par sa justesse. Sa voix rappelle la rondeur de celle de la star Fally Ipupa. Et pourtant son nom est quasiment inconnu au-delà des frontières du Tchad.
Il chante et joue de la musique depuis l'âge de six ans. « Je viens d'une famille chrétienne qui faisait de la musique gospel, raconte-t-il. À partir de 12 ans, j'ai commencé la batterie, ensuite les cours de chant. J'ai baigné dans la musique toute mon enfance. Et plus tard, j'ai appris que ma grand-mère maternelle était une grande cantatrice. Donc cela doit être génétique ».
Il y a donc l'inné et il y a ce qui n'est pas acquis : c'est-à-dire la chance de naître dans un pays où les industries culturelles sont fortes. « Chez nous, c'est encore très, très compliqué, affirme Cidson Alguewi. Il n'y a pas de structures adéquates pour permettre aux artistes de se développer, il n'y a pas de formations. Dans ce contexte, on a dû bosser dur et l'on continue à travailler pour que l'on parle de la musique tchadienne ».
Caleb Rimtobaye, plus connu sous le nom d'Afrotronix, a dû, comme beaucoup, faire carrière à l'étranger pour percer. Aujourd'hui, la star de l'afroélectro voudrait améliorer l'écosystème musical au Tchad. « Je veux participer à bâtir quelque chose de positif, lance-t-il. C'est quoi être star chez nous ? On est encore à la genèse de cela. Or, être star, ce n'est pas nécessairement avoir du bling-bling. Pour moi, c'est m'impliquer davantage. Et utiliser ma notoriété pour impacter positivement ».
Afrotronix a déjà lancé plusieurs actions de formation au Tchad, avec pour ambition de braquer durablement les projecteurs sur la scène tchadienne.
Le romancier Nétonon Ndjékéry, qui vit en Suisse, salue, lui, la promotion des artistes tchadiens durant l'édition 2023 du Festival Africajarc : « C'est une agréable surprise et un précédent, parce que depuis 40 ans que je traîne, ici, en Europe, c'est la première fois que je suis invité dans une manifestation où le Tchad est à l'honneur. Ce sont souvent les convulsions du Tchad qui font la une de l'actualité. »
En revanche, l'auteur de Il n'y a pas d'arc-en-ciel au paradis déplore la faiblesse de l'engagement gouvernemental et politique en faveur des industries culturelles, ainsi que le fait que ses oeuvres ne soient pas étudiées dans son pays natal. « Les mondes politico-militaires tchadiens, occupés à se disputer le pouvoir, ne consacrent que très peu de moyens à la promotion culturelle. Certains pays ne voient même pas la nécessité d'inscrire les textes et les romans que l'on publie au programme des écoles. Mes livres sont plus étudiés dans les écoles et les universités en Suisse qu'au Tchad. Et ce n'est pas seulement une question de moyens. Car, à chaque parution, j'essaie de prendre contact avec les autorités sur place pour voir de quelle manière diffuser ne serait-ce que mes exemplaires d'auteur, ceux que mon éditeur met à ma disposition. Mais souvent, personne ne me répond », conclut-il.