Ile Maurice: «MV Wakashio» - Similitudes entre les conclusions du rapport panaméen et celles de la Cour d'investigation ?

Demain, cela fera trois ans que Maurice a connu le pire accident maritime de son histoire. En effet, le MV Wakashio, vraquier japonais battant pavillon panaméen, s'est encastré dans les récifs de Pointe-d'Esny, dans la soirée du 25 juillet 2020, provoquant quelques jours après, une catastrophe écologique sans précédent.

Le Maritime Affairs Investigation Department de la Panama Maritime Authority a récemment rendu public son rapport final sur l'échouement du vraquier.

Le rapport conclut à une probable erreur humaine de la part de l'équipage. Pour étayer ses conclusions, trois faits sont cités. Tout d'abord, il y a eu un manque de vigilance de la part du Chief Officer et du capitaine, qui se trouvaient sur la passerelle au moment de l'échouement et qui ne se sont pas rapidement rendu compte que le vraquier se dirigeait vers des eaux peu profondes. L'officier qui devait assurer le quart n'a pas vu le danger, étant distrait par son téléphone car il essayait d'appeler ses proches. Ensuite, il y a eu un excès de confiance du capitaine qui a décidé de naviguer à cinq milles nautiques de la côte. Finalement, les procédures d'International Safety Management ont été insuffisantes.

En effet, le fait que le capitaine était sur la passerelle ne relève en rien la responsabilité du Duty Officer, ni n'indique que le capitaine allait prendre la relève sans une confirmation claire de sa part. Cependant, il y a toujours une omerta sur le rapport de la Cour d'investigation, mise en place par le gouvernement, et présidée par l'ancien juge Abdurafeek Hamuth et ses deux assesseurs, Jean Mario Geneviève, Marine Engineer, et Johnny Lam Kai Leung, Marine Surveyor.

%

Pourquoi le rapport de la Cour d'investigation n'est-il pas rendu public ? Est-ce parce qu'il existe des similitudes entre les conclusions du rapport des autorités maritimes panaméennes et celles de la Cour d'investigation sur la gestion du naufrage, avant et après ? En effet, le rapport panaméen a mis en lumière de nombreuses lacunes du côté des autorités mauriciennes. «On July 29, DIAM wrote to the Director of Shipping requesting information on incident and on the actions to be implemented by the local authorities. Although they replied the next day, they did not present clear or concrete actions to be taken in order to implement and mitigate or avoid possible contamination in the incident area», peut-on y lire. Et les travaux de la Cour d'investigation ont également mis en exergue des manquements dans la gestion après l'échouement du vraquier.

Absence de communication

Lors de son audition en février 2021, Alain Donat, le Director of Shipping au moment du naufrage, a expliqué que si une autorité veut intervenir dans une opération de sauvetage, elle doit s'acquitter de tous les coûts et des responsabilités. Selon lui, il est très rare qu'un pays prenne en charge les opérations de sauvetage d'un navire. «Cela est fait lorsqu'un navire n'a pas d'assurance. (...) Je n'ai jamais vu un gouvernement prendre en charge une Salvage Operation.» Alain Donat avait également indiqué que «nous ne sommes pas montés à bord. Nous ne voulions pas interférer dans les travaux des salvors. Si nous avions interféré, le blâme aurait été sur nous.»

Autre point soulevé par le rapport panaméen, c'est l'absence de communication avec la National Coast Guard (NCG). «According to the statements of master and chief officer, no calls were reported by the NCG to the Wakashio, reporting the danger or risk to navigation while the vessel was extremely close to the coast.» Lors des débats pour la remise en liberté conditionnelle du capitaine du MV Wakashio, Sunil Kumar Nandeshwar, le 6 octobre 2020, l'inspecteur Ramdhony du Central Crime Investigation Department avait révélé qu'il n'y avait eu aucun appel de la NCG avant et après l'échouement du vraquier. Ces informations ont été obtenues après avoir écouté les enregistrements du Voice Data Recorder, l'équivalent de la boîte noire.

La Cour d'investigation avait également permis de relever des incohérences du PC Ujoodha, de la Ops Room de Fort-William, et des PC Sujeebun et Jagarnath, tous deux du Coastal Surveillance Radar System (CSRS) de Pointe-du-Diable. Confronté aux dépositions des garde-côtes, l'inspecteur Mahendra Nundlall de la NCG a avoué qu'il y avait eu des lacunes lors de la surveillance du vraquier, pointant du doigt les officiers chargés de scruter le C-Vision à l'Ops Room et ceux du CSRS de Pointe-du-Diable. S'il a affirmé ne pas vouloir blâmer les officiers, il a fini par concéder qu'il y a eu une défaillance humaine dans le suivi du navire.

Pour le journaliste maritime Stephen Spark, qui fait un parallèle entre l'échouement du MV Benita au Bouchon et le naufrage du MV Wakashio, les communications ont été une nouvelle fois inexistantes, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Idem pour l'aide apportée tardivement. De plus, personne du département «Shipping» n'est monté à bord. «Encore une fois, les mesures anti-pollution ont été introduites trop tard. Pas étonnant que le gouvernement actuel ne veuille pas que quiconque voit les conclusions de la Cour d'investigation - elles doivent contenir des preuves accablantes et destructrices pour sa réputation.»

Ces facteurs contributifs du naufrage

· À 5 milles nautiques des côtes, la profondeur de l'eau n'est pas suffisante pour la trajectoire que prenait le vraquier. L'Officer on Watch (OOW) n'a pas réalisé que le vraquier allait s'écraser contre les récifs.

· Il est très risqué pour un immense vraquier de naviguer près des côtes.

· Les cartes électroniques du vraquier contenaient des informations insuffisantes, notamment sur la profondeur de l'eau, et ne sont pas adaptées aux voyages côtiers.

· Les cartes marines à grande échelle (Large scale nautical charts) n'ont pas été disposées en conformité à la procédure de plan de voyage dressée par la société de gestion du navire.

· Lorsque le vraquier a dévié de sa trajectoire initiale, deux jours avant l'échouement (23 juillet 2020), les risques de cette nouvelle trajectoire n'ont pas été correctement évalués car un nouveau plan de voyage n'avait pas été préparé.

· Il n'y a pas eu de carte marine électronique à petite échelle (Small-scale electronic chart) disponible pour confirmer la distance et la profondeur de l'eau du rivage.

· L'OOW n'a pas visuellement vérifié la trajectoire et la distance de dégagement du rivage, avec l'Electronic Chart Display and Information System.

· L'OOW n'a pas maintenu une vigilance correcte pour une navigation sûre pendant le quart.

· L'officier de service a apporté le téléphone portable sur la passerelle et l'a utilisé ainsi que le capitaine pendant le quart.

· Le timonier n'a pas assuré le quart pendant la navigation avec l'OOW, même après le coucher du soleil. Seul l'officier de quart était en service.

AllAfrica publie environ 600 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.