L'un des traits caractéristiques d'Antananarivo, dans le domaine de l'urbanisme et de l'architecture, est certainement l'ensemble monumental du centre de la ville. C'est une oeuvre de longue haleine avant d'aboutir à sa réalisation.
À la fin du XIXe siècle, le maire d'Antananarivo, Estèbe, en accord avec le gouverneur général de la Colonie, Joseph Gallieni, achète les rizières au nord d'Analakely dans l'intention d'y établir la future gare. Puis il obtient des habitants de la colline d'Antanimena qu'ils lui cèdent aussi leurs terrains. Il fait alors raser ce tanety (butte, colline...) et ses déblais viennent les rizières.
Les opérations d'assèchement, de remblai et de nivellement se poursuivent dans les environs durant une dizaine d'années. En 1910, Delpech trace l'avenue Fallières (devenue avenue de la Libération après la Deuxième guerre mondiale, puis de l'Indépendance en 1960, et Savaron l'établit, tandis que se comblent les terrains qui avoisinent Ambatomena. À l'extrémité sud de l'avenue Fallières (devant l'actuel Jardin d'Ambohijatovo) sera érigée la statue équestre de Gallieni qui se détache sur l'arrière-plan verdoyant des arbres qui y grandissent.
En 1923, le long de la future avenue de La Réunion, le gouverneur général, Hubert Garbit, fait construire un bâtiment destiné à recevoir les stands de l'Exposition de Madagascar. Mais « l'architecte n'ayant pas tenu compte du terrain sur lequel il devait exercer ses talents, il se produisit des affaissements qui obligèrent à démolir plus tard cet édifice ». Cette mésaventure incite à la prudence. Lorsque Léon Cayla est investi du gouvernement général en 1930, aidé de son ami Cantelou, il s'empresse de faire mettre à l'étude un plan qui doit faire de tout ce quartier « un des plus beaux et des plus modernes de la ville ».
Cependant, on se retient de voir grand et, après des hésitations, des atermoiements et la « carence prolongée » des adjudicataires, on s'arrête pour l'unité-type architecturale. De Léon Cayla, originaire de l'Oranie, vient l'idée chère aux Méditerranéens d'une galerie à portique, conception également valable à Madagascar, pays où règnent le soleil et la pluie. Quant à Cantelou, son « goût discutable » des pergolas se répand visiblement dans la ville. Tout comme les bow-windows de l'Avenue, elles sont de mode dans les années 1929-1930.
« C'est une oeuvre qui n'a guère résisté à l'épreuve du temps et des pluies diluviennes génératrices de dangereuses et désagréables infiltrations, quand la technique des dalles de béton n'a pas été rigoureusement respectées pour les terrasses. » Au centre de l'Avenue, le bloc des bâtiments de l'Hôtel de Ville, très solennellement inauguré, le 7 mars 1936, offre un aspect heureux qui en fait l'un des édifices les plus réussis de la ville. Tout au fond de l'Avenue, à l'extrémité nord, se trouve, comme nous l'avons dit plus haut, la Gare centrale de Soarano. Tout commence en mars 1897 quand le projet sur l'établissement d'une voie ferrée entre Toamasina et Antananarivo est soumis au ministère français des Colonies.
Après bien des pourparlers, le projet aboutit enfin en 1898. Mais la question se pose alors de savoir où la gare d'Antananarivo sera construite. Pour tous, il semble logique d'élever les bâtiments à l'ouest de Mahamasina et au nord d'Anosy. Nombre de gens qui flairent la bonne affaire, s'empressent alors d'acheter les rizières situées dans le voisinage du lac.
Les appétits s'aiguisent et la spéculation ne se donne même plus la peine de dissimuler son jeu. Le maire Eustèbe s'applique de son mieux à déjouer tous ces calculs apparemment trop intéressés. Il achète, disons-nous plus haut, les rizières qui s'étendent au nord d'Analakely. Peu de gens devinent le but envisagé. La plupart croient à une simple opération de prévoyance tendant à donner à la ville la possession des terrains nécessaires à son extension future.
En 1908, les constructions s'élèvent sous la direction de Girod, directeur des Travaux publics de l'époque, de l'architecte Fouchard et de l'entrepreneur Cornebois. Dans son ensemble, la grandeur de l'Avenue avec ses parterres joliment gazonnés et fleuris fait admettre « son encadrement architectural devant lequel l'esprit hésite entre deux opinions nuancées, réussite ou plus grande perfection », hésitent des architectes et urbanistes modernes des années 1950. Ces derniers concluent, enfin, de manière positive leur énumération des édifices et autres monuments de la capitale, malgré leurs styles hétéroclites, en parlant du Monument aux Morts.
« Néanmoins, Tananarive a la chance d'éviter l'habituelle hideur des Monuments aux Morts des deux guerres : le sien est remarquable. » L'ensemble du Lac Anosy et son ilot de verdure (décoration de Perrin), avec la Victoire ailée qui les domine (oeuvre du sculpteur Barberis), constitue « une réalisation qu'il convient d'admirer ».