Ile Maurice: Environnement - Eco-Sud remporte une bataille qui servira à tous les écologistes

La Cour suprême a donné une interprétation large du locus standi qui, jusque là, bloquait les actions citoyennes contre le développement sauvage. Nos juges ont reconnu qu'avec la menace pesant sur l'environnement et la biodiversité, le développement à l'international de la jurisprudence en la matière et, bien sûr, la vulnérabilité de notre petit État, il faut donner voix aux chapitres à ces organisations non gouvernementales (ONG) comme Eco-Sud.

Eco-Sud avait saisi l'Environment and Land Use Tribunal (ELUAT) pour contester le certificat d'Environmental Impact Assessment (EIA) accordé par le ministère de l'Environnement au projet Pointe-d'Esny Le Village. L'ELUAT a rejeté la demande sur un point préliminaire, en acceptant la contestation des promoteurs et du ministère de l'Environnement à l'effet que l'ONG Eco-Sud n'avait pas de locus standi pour ce faire. C'est-à-dire que l'ONG n'a pas démontré qu'elle avait un intérêt direct à sauvegarder l'environnement qui allait être endommagé par ce projet immobilier.

Eco-Sud a alors saisi la Cour suprême pour contester la décision de l'ELUAT, qui avait bloqué plusieurs autres demandes similaires dans le passé en se basant sur le précédent Baumann, et en même temps sur l'amendement apporté à l'Environmental Protection Agency (EPA), en 2020, qui restreint le recours de personnes ou de groupes de personnes contre des «développements».

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Coup de pied dans la fourmilière

Les juges S.B.A. Hamuth-Laulloo et M. Naidoo ont, le 18 juillet, donné un vrai coup de pied dans la fourmilière, si l'on peut dire, en renversant la décision du tribunal et en donnant un ruling qui fera jurisprudence en matière de protection de l'environnement face aux promoteurs immobiliers et autres hôtels. Ils ont demandé à l'ELUAT d'accepter Eco-Sud comme contestataire ayant de locus standi.

Les juges ont rappelé l'évolution libérale, notamment en Angleterre, du concept de locus standi. Ils ont cité les paroles fortes de Lord Hope dans la fameuse affaire Walton en Angleterre : «In holding that Mr Walton was not a 'person aggrieved' within the meaning of the 1984 Act, the Judges of the Extra Division took a too narrow view of the situations in which it is permissible for an individual to challenge a scheme or order on grounds relating to the protection of the environment...» Et que ce serait «contrary to the purpose of environmental law, which proceeds on the basis that the quality of the natural environment is of legitimate concern to everyone».

Les juges Hamuth-Laulloo et Naidoo, reprenant une phrase de Lord Hope, assènent: «Osprey (NdlR, un oiseau) and any other animal or part of nature that can be harmed by humans are unable to bring a case to court themselves.» Et narguant en quelque sorte nos législateurs, les juges citent les belles paroles lancées au Parlement, en 2012, lors du vote de la création de l'ELUAT : «With increased awareness through sensitisation campaigns and the media, there is also more interest as well as concerns raised nowadays on the part of aggrieved parties, stakeholders concerned, NGOs and the public at large regarding projects having significant environmental impacts.» Il est vrai que c'est un autre gouvernement qui était au pouvoir cette année-là...

Les juges Hamuth et Naidoo ont aussi souligné qu'Eco-Sud n'est pas un objecteur frivole, un «busybody» qui n'a rien d'autre à faire que de se lancer dans des contestations, mais que l'ONG est une «organisation having expertise and knowledge of the subject matter as well as a track record of engagement on the subject matter». Cette victoire d'Eco-Sud n'est qu'une bataille gagnée avant la guerre. Car l'ELUAT se penchera maintenant sur le fond de l'affaire. Cependant, l'ONG s'en félicite déjà. Il est vrai que le plus gros obstacle vient d'être franchi.

Toujours difficile

Comme le rappelle la militante écologiste Carina Gounden, les 21 jours de délai accordés pour loger une contestation contre un permis EIA devant l'ELUAT ne suffisent pas pour préparer les rapports d'experts scientifiques et juridiques. «L'EPA est en cours de révision actuellement et même si plusieurs acteurs de la société civile ont dénoncé ce délai trop restrictif, la nouvelle ébauche de l'EPA ne semblait pas avoir pris en considération cet aspect.

Espérons que le législateur aura la sagesse de revoir ce délai afin de rendre l'accès à l'ELUAT plus équitable pour toutes les parties.» Carina Gounden évoque également le problème de contestation contre les permis de construction. «Nous devons aussi nous rappeler que bon nombre de projets, type villas PDS avec moins de 50 unités, se font sans EIA. Ils vont directement au BLUP (NdlR, Building and Land Use Permit). Aujourd'hui, les atteintes à l'environnement concernent davantage ce type de projets. Un 'loophole' majeur. Il y a des contestations de BLUP qui concernent des atteintes à l'environnement.

D'ailleurs, la Climate Change Act a amendé la 'Planning and Development Act' et stipule que dorénavant les décisions pour les permis de développement doivent 'take into account climate change'.» Que dira la Cour suprême donc maintenant dans le cas d'un Judicial Review contre un BLUP pour une affaire portant sur le droit à agir des citoyens d'une ONG environnementale en s'appuyant sur la «Climate Change Act» ?

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