Ile Maurice: C'est bien le PM qui a osé une réforme électorale mais...

Xavier-Luc Duval parlait, vendredi dernier, de la réforme du processus électoral, plus précisément de l'enregistrement continuel des électeurs, du comptage des voix le même jour et du marquage du bras ou de la main du votant à l'encre indélébile pour éviter qu'il ne vote plus d'une fois.

Mais Pravind Jugnauth, lui, a invité toute la réforme électorale dans le débat. Il l'a fait en parlant de la nécessité d'intégrer les changements suggérés par le leader de l'opposition dans la grande réforme électorale qu'il proposera avant les prochaines élections, a-t-il assuré. «En fait, a dit Xavier-Luc Duval, le changement de la procédure est totalement indépendant de la réforme électorale.» Le leader de l'opposition parlait de la transparence du système électoral existant.

Utilisant donc cette excuse de grande réforme, le Premier ministre a demandé d'attendre le rapport d'un comité ministériel qui aurait déjà commencé ses travaux. Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y aura pas de select committee tel que proposé par Xavier-Luc Duval. Pourtant, le Premier ministre venait tout juste de tourner en dérision ces comités, leurs rapports et leurs erreurs du passé «qu'il ne faut pas répéter», tout en en rejetant la responsabilité sur des select committees qui feront perdre du temps. Pravind Jugnauth précisera peu après que la réforme pourrait être votée en partie dans le projet global. Mais pourquoi alors attendre tout le projet ? Veut-il gagner du temps ?

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Le Premier ministre a rappelé avec raison qu'aucun gouvernement (y compris ceux du MSM de SAJ) avant lui n'a daigné proposer au Parlement une telle réforme électorale. Les études, comités, propositions et rapports n'ont pas manqué depuis plus de 20 ans, a-t-il dit. Mais, à la fin, on n'a rien mis en pratique, sauf de légères réformes.

Pourquoi ? Le Premier ministre l'explique en citant Navin Ramgoolam qui avait déclaré dans le passé : «Il n'est pas écrit "couillon" sur mon front. Quel Premier ministre qui a remporté trois élections voudrait changer les règles... où sa majorité serait moindre ?» Le leader de l'opposition n'a pas demandé au Premier ministre s'il compte suivre l'exemple de Navin Ramgoolam. Pour nous, le message est clair : lui, Pravind Jugnauth, n'est pas plus couillon. Pourquoi changer les règles qui marchent pour lui ?

Cependant, il faut reconnaître que c'est bien Pravind Jugnauth qui a présenté le seul projet de réforme électorale en mai 2018 et celui concernant le financement des partis politiques en juin 2019. On ne sait pas s'il était encore «couillon» à l'époque mais il semblait sincère. Et il dit vrai également en affirmant que c'est l'opposition qui était contre.

En fait, le MMM avait d'abord dit oui, puis une semaine après, non. Pourquoi ce changement d'attitude ? Paul Bérenger avait découvert que le document circulé par le gouvernement allait «restore the overall majority secured under the first past the post». Et quand un journaliste du Mauricien lui avait demandé si le projet n'était quand même pas un pas dans la bonne direction, il avait répondu, sans convaincre, que «c'est un galimatia».

Pour rappel, le projet de réforme de mai 2018 incluait une véritable révolution, en proposant l'introduction d'une dose de proportionnelle qui allait permettre aux minorités d'être mieux représentées au Parlement et éventuellement dans un gouvernement, mais aussi aux petits partis de faire élire des députés. Il était clair à l'époque que Paul Bérenger était contre ce projet car il craignait justement l'émergence des petits partis.

Certes, il ne le disait pas et disait en privé redouter la montée en puissance des partis communautaristes. Il avait peut-être raison. Cependant, certains pensent qu'en réalité, le leader mauve appréhendait que les minorités quittent son parti. Peu importe sa motivation. Ce que l'on retient, c'est qu'au final, le projet n'a pu être voté car n'ayant pas obtenu le soutien des ¾ des élus. Pravind Jugnauth devait déclarer par la suite - c'était lors d'une de ses dernières conférences de presse - que l'opposition s'en mordrait les doigts. Et les élections de novembre 2019 allaient lui donner raison.

Le Premier ministre a, vendredi, attiré l'attention de Duval sur le fait que celui-ci est en alliance avec Navin Ramgoolam et de se demander si ce dernier partage les vues du premier sur la réforme, avec, on le présume, l'introduction d'une dose de proportionnelle. On se le demande aussi. Pour rappel, Xavier-Luc Duval a toujours été contre l'abolition du système de Best Loser. Le leader du PTr répétera-t-il qu'il n'est pas couillon au cas où Pravind Jugnauth propose ces réformes électorales ? Ou sera-t-il malin cette fois en réalisant qu'un grand parti peut devenir un petit parti ? Et Pravind Jugnauth, pensera-t-il au court terme ou au long terme ? Les deux penseront-ils aux minorités et aux petits partis ainsi qu'à la transparence du processus électoral ?

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