Le maire de Thiès-Est, Ousmane Diagne, revient dans cet entretien sur la gestion de cette commune, l'occupation anarchique et sur les relations, devenues difficiles avec la ville de Thiès. Pour lui, les communes (Thiès-Est, Ouest et Nord) et la Ville ne parlent plus le même langage, depuis quelques temps.
Vous gérez l'une des plus grandes communes de la région de Thiès de par sa population, mais elle est parmi les plus pauvres sur le plan des ressources. Quelles sont vos difficultés ?
Effectivement, comme vous le dites, nous avons la deuxième plus grande commune de la région de Thiès, après Mbour. Thiès-Est est plus grand que Tivaouane, Pout et Khombole. Nous avons essentiellement une commune composée de quartiers très populaires comme Hersent, Cité Lamy Darou Salam, Diamaguène, Sampathé entre autres, et c'est une commune où tout est urgence. Mais, par rapport à celles-là, nous avons deux super-priorités que sont l'éducation et la santé. Et vous avez pu constater que, depuis que nous sommes installés, nous nous sommes attelés à construire des postes de santé, notamment à Cité Keur Khadim, à Fahu, Cité Niakh, Keur Serigne Abdoulaye Yakhine Diop, pour soulager un peu les populations, et leur éviter d'aller se bousculer au niveau des hôpitaux et le centre de santé du quartier Dixième.
Nous nous battons aussi pour que tous les postes de santé existants soient équipés d'appareils échographiques, avec des lits d'hospitalisation neufs. Nous avons essayé également de construire des salles de classes dans différents établissements scolaires, Laman Gomak Faye, Abdel Kader Ndiaye, Amary Diop, Camp Gmi, Aynina Fall. Et actuellement, nous avons entamé les travaux de réfection de l'école Kaba Sall. Mais, malheureusement, nous sommes une grande commune, très populaire, et où les moyens font défaut. C'est pourquoi nous avons décidé de miser sur l'humain, inviter les populations à nous accompagner en s'acquittant de leurs impôts. Et comme le rappelle souvent le receveur, l'impôt est un appauvrissement personnel au profit de la société. Donc, il faudrait que, nécessairement, chacun mette la main à la poche, et au-delà de ça aussi, il faut que les populations sachent que le travail que nous faisons c'est pour elles.
Vous êtes élu de même que les autres maires de Thiès-Ouest, Nord et de la Ville, sous la bannière de la coalition de l'opposition « Yewwi Askan wi ». Au début, c'était le parfait amour. Vous aviez tous les mardis une réunion des maires pour harmoniser vos actions, mais, aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Qu'est-ce qui s'est passé ?
Au début, les rapports étaient extrêmement fluides du fait que nous étions tous, les quatre maires, issus de la même coalition, « Yewwi Askan Wi ». Donc, dès le début, nous avions instauré une rencontre hebdomadaire, pour harmoniser, par rapport aux activités de la Ville. Malheureusement, depuis quelque temps, ces rencontres n'ont plus eu lieu. Nous avions fait également en sorte que les maires des communes soient des adjoints du maire de la Ville, parce qu'il faut préciser que la ville n'a pas de territoire propre ; c'est l'ensemble des territoires des trois communes de Thiès-Est, Thiès-Ouest et Thiès-Nord qui constituent son territoire. Elle n'a que des compétences d'attribution, dans une moindre mesure son territoire se limite à l'avenue de Camp et la Promenade des Thiessois. Mais, pour le reste, les quartiers sont sous la responsabilité des maires des communes. Je crois que si les rapports étaient suffisamment huilés, comme au début, il n'y aurait pas trop de problèmes ; mais malheureusement, les relations ne sont plus ce qu'ils étaient au début. Nous n'avons plus ces rencontres autour du maire de la Ville pour harmoniser nos actions. Même pour préparer l'hivernage, nous avons travaillé chacun, de son côté, et la ville a fait de même, et je crois que ça ce n'est pas une bonne stratégie.
Est-ce qu'il n'y a pas de couacs dans la mise en oeuvre des décisions ?
Mais bien sûr, les couacs sont visibles. Pour nous Thiès-Est, il n'y a pas eu trop de problèmes, mais plutôt entre la Ville et la commune de Thiès-Ouest, lorsqu'il s'est agi de désengorger l'Avenue Caen, d'enlever certains panneaux publicitaires. La commune de Thiès-Ouest avait pensé que c'était sa compétence, et la Ville l'a interprété autrement, disant que les grandes avenues sont sous sa responsabilité. Ce genre de situation nécessite une certaine discussion.
Est-ce que ce n'est pas une question de textes ?
Oui, ce sont les textes sur la dévolution qui n'ont pas été clairs. Vous aurez constaté que le centre Casino, qui est au quartier Aiglon, qui est dans la commune de Thiès-Est, a été cédé à la ville qui est en train d'essayer de récupérer tous les bâtiments qu'elle pense être sa propriété. Donc, ce sont les textes qui n'ont pas été très clairs. Ce qui est constant, c'est que les communes et la Ville de Thiès ne parlent plus le même langage.
Justement le maire de la Ville a lancé une opération de récupération du patrimoine de sa collectivité territoriale. Quel est votre avis ?
Mais, ce qu'il faut noter, c'est que ce patrimoine-là fait partie des communes. Le centre de Casino est un patrimoine de la commune de Thiès-Est. Moi, je n'ai pas compris par quelle alchimie il s'est retrouvé entre les mains de la ville et je pense que le préfet pourra nous édifier. Je crois que l'arbitrage de l'autorité administrative va être nécessaire.
Où est-ce que vous en êtes avec le Cem de Hersent ?
Je crois que des instructions avaient été données par le Président de la République pour que le site nous soit livré. Malheureusement, ce n'est pas encore chose faite. Nous avons reçu dernièrement une lettre du Gouverneur pour organiser un Comité régional de développement (Crd), pour le démarrage du Cem de Hersent et du lycée de Darou Salam. Et je crois que, durant les vacances scolaires, les travaux vont démarrer parce que c'est une demande sociale. C'est un financement de l'Agence de développement municipal et nous ne l'avons pas encore perdu. Ce sera un établissement scolaire de 14 classes modernes pour accueillir les élèves de Hersent qui sont 700 et des potaches des quartiers périphériques.
Des opérations de désengorgement ont toujours eu lieu, mais il n'y a jamais de suivi. Pourquoi ?
Le principal problème que nous avons c'est l'anarchie. Quand vous empruntez les avenues El hadji Omar, Moussanté, Abdoulaye Yakhine, on y note des occupations anarchiques à n'en plus finir. Donc, nous invitons ces populations-là à faire preuve de responsabilité parce que dans les jours à venir, avec le soutien du préfet, nous allons organiser des opérations de désengorgement pour essayer d'embellir nos avenues. Il en sera de même pour les avenues Parcelles Assainies, Darou Salam, Nimzatt, où il y a une occupation anarchique, avec des camions qui n'habitent pas la commune.
Dans un premier temps, nous allons sensibiliser les populations. Ce sera une occasion d'échanger avec eux sur ce qui est permis, et ce qui ne l'est pas. En fait, tout le monde sait ce qu'il faut faire, malheureusement personne ne le fait jamais. Ce sera la prévention d'abord, ensuite la sanction. Je pense que si on agit ainsi, les gens sauront qu'il y a des choses qu'on peut accepter, mais également des choses qui ne sont pas tolérables. Il faut que chacun fasse un petit effort pour que Thiès puisse retrouver son lustre d'antan.
Ainsi, nous sommes en train de reprendre les jardins publics qui étaient abandonnés et tous les quartiers qui auront des espaces seront aménagés pour permettre aux jeunes et femmes de s'épanouir. Nous irons bientôt vers la modernisation du stade Ndiaw Macodou Diop, avec l'installation d'un gazon synthétique. C'est avec le départ du Ministre des sports que ce projet connaît un ralentissement. Il en sera de même pour l'éclairage public.