Ile Maurice: Rapport des Panaméens - Les autorités dans l'oeil du cyclone

Le soir du 25 juillet 2020, le capitaine du Wakashio n'avait pas eu l'aval des autorités concernées pour pénétrer dans les eaux mauriciennes. Lui, son second et d'autres membres de l'équipage - ils étaient 20 au total - étaient sous l'influence de l'alcool car ils célébraient un anniversaire sur le vraquier. Le rapport des autorités maritimes panaméennes a été rendu public récemment.

Celles-ci révèlent que l'équipage célébrait l'anniversaire d'un de ses membres le jour de l'accident et que la décision a été prise de s'approcher de la côte pour détecter un signal wifi afin qu'il puisse téléphoner à sa famille. On note également que l'officier de quart était vraisemblablement distrait par son téléphone portable alors que le navire s'approchait des récifs au large de Maurice, l'officier ne respectant pas la distance de cinq milles de la côte comme demandé le capitaine, et que ce n'est qu'après une trentaine de minutes que l'équipage a sollicité l'aide des autorités locales

Ce n'est pas tout. Selon le journaliste maritime Stephen Spark, le rapport a également critiqué les autorités mauriciennes pour leurs lacunes dans la gestion de l'accident. Le radar de surveillance côtière était mal entretenu et certaines unités étaient hors service. Le poste de garde-côte à Pointe-du-Diable était en sous-effectif et l'officier de service n'était pas en mesure d'utiliser correctement le radar et l'équipement radio, ce qui a empêché le navire d'être averti du danger. De plus, aucune tentative n'a été faite pour empêcher le vraquier de heurter le récif ou pour le sortir de sa position en utilisant des remorqueurs.

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Le département maritime n'a pas embarqué à bord du navire échoué en temps voulu, comme le prévoyait la loi mauricienne sur la marine marchande. Les autorités mauriciennes ont également refusé de fournir les enregistrements vidéo et vocaux de l'enregistreur de données du voyage (VDR) aux autorités panaméennes, en violation des règles internationales maritimes.

Le rapport indique officiellement que le navire n'a reçu aucune communication de la National Coast Guard (NCG) avant qu'il ne s'échoue réellement. «Ceci est une affaire grave qui reflète une mauvaise image de Maurice, d'autant plus que ces lacunes avaient été identifiées dans le rapport libérien sur l'échouement du Benita, notamment la difficulté de communiquer avec et d'obtenir une réponse rapide de la NCG et du MRCC (Maritime Rescue Coordination Center)», lâche Stephen Spark.

Selon le journaliste, il y aurait aussi un autre parallèle que le Bureau d'enquêtes sur les événements de mer (NdlR, organisme public français chargé de conduire les enquêtes de sécurité relatives aux accidents et incidents maritimes graves) a noté : Maurice a refusé de fournir des preuves cruciales aux enquêteurs de l'accident du Tresta Star. Il se demande pourquoi Maurice refuse de se conformer aux règles internationales maritimes auxquelles le pays a adhéré. Le refus de coopérer avec les enquêteurs met directement en danger des vies et l'environnement en empêchant la communauté maritime internationale de tirer des enseignements importants en matière de sécurité.

Par ailleurs, il a fallu 18 mois pour enlever les débris du Wakashio, qui s'est brisé en deux sur des récifs près d'un site du patrimoine mondial de l'UNESCO

Des barrages flottants de plus de 3 kilomètres n'ont pas empêché le fioul de se répandre dans des zones profondes. Ce drame a plongé les Mauriciens dans l'angoisse. Le manque de vigilance, le manque de soutien dans la passerelle, l'excès de confiance et le manque de compétences personnelles, ainsi que les procédures ISM (International Safety Management) insuffisantes, ont tous été cités comme les facteurs humains ayant conduit à la catastrophe environnementale qui a suivi au cours des mois suivants, cite en outre le journal Splash.

Le vraquier, exploité par Mitsui OSK Lines (MOL) et géré par Anglo-Eastern, a le plan initial, passant d'un écart de 22 milles marins entre lui et l'île Maurice à seulement deux milles marins. De plus, MOL a révélé que l'équipage utilisait une carte nautique sans échelle suffisante pour confirmer la distance exacte de la côte et la profondeur de l'eau. En outre, MOL a déclaré qu'un membre de l'équipage avait négligé une veille appropriée, à la fois visuelle et par radar.

Le drame provoqué par le naufrage du Wakashio a été le deuxième accident de navire commercial le plus médiatisé depuis 2020, après l'échouement de l'Ever Given immatriculé au Panama en 2021.

L'omerta sur le rapport de la cour d'investigation

Le rapport de la Cour d'investigation sur le naufrage du «MV Wakashio» à Pointe-d'Esny, soumis aux autorités le 24 décembre 2022, n'a jusqu'ici pas été rendu public. Lors des auditions qui avaient démarré le 19 janvier 2021, l'ancien juge Abdurafeek Hamuth et ses assesseurs Jean Mario Geneviève et Johnny Lam Kai Leung ont, à maintes reprises, mis en avant la négligence des autorités, comme celle des officiers de la National Coast Guard (NCG). Ils avaient notamment fait ressortir les témoignages contradictoires des constables Jagurnath et Sujeebhun de la NCG, qui étaient responsables du monitoring des navires le jour du naufrage.

La Cour d'investigation s'est aussi intéressée au respect des pratiques et procédures pour l'entrée des navires dans les eaux mauriciennes, le suivi et la surveillance dans nos eaux territoriales et aux circonstances dans lesquelles les décisions concernant le pompage de l'huile après le naufrage ont été prises. Malgré plus d'un an de travail et l'audition de nombreux témoins, aucune nouvelle du comité interministériel chargé de la mise en oeuvre des mesures préconisées par le rapport.

Le capitaine et son second ont purgé une peine de 20 mois de prison

C'est en décembre 2021 que la sentence est tombée. Sunil Kumar Nandeshwar et Hitihanillage Subhoda Janendra Tilakaratna ont été reconnus coupables du naufrage du vraquier. Leurs peines ont été réduites à 16 mois, après qu'ils ont bénéficié d'une remise de peine pour bonne conduite. Les deux hommes sont rentrés dans leurs pays respectifs le lendemain de leur libération. Ils étaient au départ 20 marins à être retenus à Maurice pour l'enquête après le désastre écologique. Après que le capitaine et son second ont plaidé coupable et placés en détention, les 18 autres ont été hébergés dans un premier temps à l'hôtel St-Georges, à Port-Louis, avant d'être placés en quarantaine. Ils ont pu rentrer chez eux aux Philippines quelques semaines plus tard.

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