Burkina Faso: Relecture du Code minier - « Le code minier actuel n'a pas prévu les problématiques nouvelles que soulèvent la crise sécuritaire », dixit Adrien Somda, expert international en fiscalité minière

26 Juillet 2023

Yaoundé (Cameroun) — Juriste de formation, Adrien Somda est un inspecteur des impôts à la retraite après 34 ans de services rendus à la nation, et expert international en fiscalité minière.

Le Journal de tous les Burkinabè s'est entretenu avec lui, sur le projet de révision du code minier, le jeudi 20 juillet 2023, à Yaoundé, en marge d'une formation sur la gouvernance des industries extractives en Afrique francophone où il intervient comme expert-formateur. Dans cette interview, M. Somda donne les raisons qui justifient la relecture du code minier ainsi que les éléments de réformes du code afin d'optimiser les retombées du secteur minier pour l'Etat et les collectivités, tout en restant attractif pour les investisseurs.

Dans une sortie récente, le ministre en charge des mines a souhaité une relecture du code minier de 2015 pour « soutenir la patrie et le développement ». Ce projet de révision du code minier est-il nécessaire aujourd'hui ?

Le contexte particulier de notre pays, marqué par une crise sécuritaire depuis quelques années et la crise de la Covid-19 ont révélé des insuffisances du code actuel qui n'avait pas disposé sur certains aspects liés aux différents impacts dus aux crises qui se prolongent dans la durée.

La crise sécuritaire soulève de problématiques nouvelles à savoir l'accès à certaines zones, la jouissance paisible des droits miniers par les opérateurs miniers, en l'occurrence ceux qui sont en phase de recherches et qui doivent réaliser un certain nombre d'activités pour mettre à jour les gisements. Les problèmes posés actuellement portent sur la préservation des droits miniers, le paiement des droits fixes et des taxes. Si les cas de force majeure sont prévus, le code minier actuel n'a suffisamment pas prévu ce qui doit être fait en situation de crise sécuritaire et sanitaire. La base juridique pour résoudre toutes les contraintes liées au renouvellement des permis miniers, le paiement des droits liés aux titres miniers, l'arrêt des activités ne sont pas suffisamment précisées.

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Un faisceau de problèmes, de contraintes, de blocages, sont apparues, alors que les entreprises minières ont engagé énormément de ressources financières ; il faudrait donc, dans la légalité, trouver des instruments qui permettent de gérer au mieux ces situations et de rester un pays attractif pour les investisseurs. Cela pourrait être un signal positif pour autant que la révision va porter sur des solutionnements, les apports complémentaires du dispositif qui permettent de prévoir et de combler les insuffisances que la crise sécuritaire et sanitaire a révélées.

Du point de vue technique, en dehors de la crise sécuritaire, quelles sont les insuffisances ou les limites du code minier qui méritent d'être revues ?

Au titre des insuffisances qui ont été révélées par la mise en oeuvre du code minier, elles peuvent s'apprécier à deux niveaux. Du fait que les textes d'application n'ont pas été adopté très rapidement, des situations d'incertitudes sont nées ; ensuite sur le plan de la gestion administrative du secteur minier, c'est-à-dire les instruments de gestion comme les manuels, les procédures, les organes de gestion n'ont pas été suffisamment encadrés et opérationnalisés.

La révision peut être l'occasion d'ajuster les organes de gestions qui sont prévus, la nécessité de revisiter les relations entre le ministère en charge des mines et les sociétés minières elles-mêmes, il peut être revisité un certain nombre de dispositifs juridiques et organisationnels au niveau du cadastre minier qui peuvent permettre d'améliorer ou d'apporter plus de transparence et de générer plus de revenus, dans la gestion des titres et du cadastre miniers.

Le deuxième niveau tient aux insuffisances techniques et est relatif aux processus de l'inspection technique des mines, de l'appropriation des données et du développement des capacités de s'approprier les études de faisabilité ; Ensuite, dans le même registre, on a la question de la fiscalisation, c'est-à-dire l'ensemble des outils de prélèvements qui sont prévus et doivent être appliqués pour permettre à l'Etat de capter le maximum de revenus générées par l'exploitation minière.

Le code minier de 2015 a institué plusieurs Fonds qui ont été alimentés, à savoir le Fonds minier de développement local (FMDL), le Fonds de réhabilitation environnementale aussi bien des sites artisanaux qu'industriels. La mise en oeuvre efficace de ces Fonds, l'utilisation des ressources collectées à cet effet restent un défi pour les administrations et les collectivités locales. Ce serait une bonne chose si les réformes envisagées permettent de faire des réajustements. De mon point de vue, ces différents Fonds, qui sont des outils de développement, devraient être réaménagés en profondeur, en ce sens que le mécanisme actuel du Fonds minier de développement local permet de distribuer entièrement les ressources collectées, sans idée de constituer des réserves.

Avec la crise sécuritaire, nous avons vu le grand besoin en ressources financières qui pouvait être en partie réglé, si nous avions des réserves au niveau du FMDL, en l'absence d'un Fonds pour les générations futures et pour lequel on avait commencé à réfléchir. Et je pense que la réforme du code minier va penser à instituer un tel Fonds pour les générations futures, alimenté par une partie des revenus générés par l'exploitation minière. Si nous avions mis en oeuvre ces suggestions, l'effort de guerre aurait pu trouver facilement des sources de financement. Certes, il ne s'agit pas de prendre toutes les ressources du FMDL, mais de garder une partie qui servirait soit de garantie et/ou être mis en placement sur des places financières, on aurait pu prélever les intérêts générés pour alimenter l'effort de guerre.

En d'autres termes, l'on pourrait ne pas distribuer toutes les ressources du Fonds minier de développement local, mais garder par exemple 0,01% pour qu'on placerait avec rémunération. Cette réserve constituée aurait pu servir de fonds de garantie, mais aussi à l'effort de guerre, sans toucher au principal du fonds.

Nous constatons tous que la crise actuelle est en train de détruire les équipements et les infrastructures de base des communes, qu'il faudra reconstruire. Le fonds servirait également à allouer aux communes pour des investissements structurants. J'espère que la relecture du code minier va aller loin en prévoyant des mécanismes pour la reconstruction des mairies, des écoles, des dispensaires, des ponts, des routes, etc. Ce ne serait pas la seule source de financement mais cela pourrait concourir à la restauration entière de l'Etat sur le plan des infrastructures, des édifices, des pratiques, de la mobilisation des ressources.

Toujours, sur le plan technique, il y a le régime d'extension des permis miniers qui intervient lorsqu'un titulaire d'un permis qui est entré en production demande à un certain moment une extension de son permis. Nous avons vu qu'à un certain moment, toutes les sociétés minières ont demandé des extensions. Sans être un géologue, lorsqu'il y a un engouement pour une pratique, cela doit interpeller, éveiller de l'intérêt sur ces opérations. Il faut donc revisiter le régime des extensions, car il y a des implications aussi bien sur le plan des flux financiers que sur les régimes de faveur qui sont accordés.

Nous avons aussi le régime des rejets miniers. L'affaire dite « charbon fin » doit nous interpeller sur les éventuelles insuffisances du dispositif existant et que la réforme pourrait corriger. Il peut s'agir d'envisager et permettre que les rejets miniers soient une opportunité pour les nationaux ; le code pourrait disposer exemple que le retraitement des rejets miniers soient exclusivement réservés aux nationaux pour leur permettre de s'approprier le traitement et le retraitement des résidus miniers.

Il s'agirait de ne plus exporter les rejets miniers, mais qu'il n'y ait que des nationaux qui puissent développer des unités pour leur retraitement ; de sorte à créer un segment d'entreprises nationales qui commencent à s'approprier cette technique et à entrer dans la chaine de gestion du secteur extractif.

Je reviens sur le Fonds de développement local ; l'une des reproches qui est fait à ce fonds est qu'il n'a pas prévu de mécanismes de financement des activités génératrices de revenus des femmes, des projets de créations de PME, de start-ups des jeunes...

A.S : Si le gouvernement a décidé de réviser le code minier, je suppose que la réflexion va être large. Il ne faudrait pas donc pas se priver de voir toutes les opportunités qu'offrent l'utilisation de ce Fonds, tout en garantissant l'atteinte des cibles. Votre question est relative à un accompagnement pour favoriser l'émergence d'activités économiques, de sorte que les revenus générés par la mine puissent créer un effet d'entrainement pour l'économie locale. Cela est une bonne chose, mais il faut un encadrement pour ne pas se disperser ! dans ce sens, j'avais préconisé à un moment donné, qu'on ne distribue pas toutes les ressources du fonds minier, mais qu'une partie serve de garantie pour couvrir éventuellement les emprunts, garantir les emprunts qui pourraient être contractés par les collectivités locales.

Par exemple, la société Essakane a aidé la commune à réaliser une unité de production et d'adduction d'eau potable qui dessert la ville. C'est un exemple qui montre que le FMDL peut concourir aussi bien au financement des projets des individus que des associations, des entreprises privées qui vont générer des revenus, de sorte que, même si la mine ferme, la commune puisse continuer à percevoir des recettes.

J'espère que la relecture prendra en compte tous ces aspects, car comme nous l'avons vu avec la mise en oeuvre du FMDL, il y a des communes qui ont bénéficié de milliards, mais leur capacité d'absorption de ces ressources reste limitée. Il faudrait peut-être placer cet argent pour qu'il produise des intérêts. Il convient à mon humble avis, que la relecture permette de compléter le mécanisme existant avec des outils modernes de gestion financière.

Au niveau du Fonds de réhabilitation environnementale, qu'y a-t-il lieu de faire en termes de réformes ?

Ce qui ressort comme élément et qui a fait le blocage pendant un moment, est la compétition entre les administrations pour gérer ce fonds. Des réformes ont été engagées et ces fonds sont des guichets du Fonds d'Intervention pour l'Environnement (FIE). Il a été opté pour le transfert des fonds constitués par les entreprises minières au titre de ce fonds, soit effectué à un compte ouvert à la BCEAO. Mais, selon le rapport ITIE, il existait quelques résistances de la part des entreprises minières. Peut-être qu'une action d'audit et d'examen du sort des intérêts produits par ces dépôts financiers devrait être envisagée.

Il y a aussi la question de la sécurisation des mines, avec l'ONASIM qui n'arrive pas à le faire, pour manque de ressources, d'équipements, de personnels, ... Est-ce que dans les réformes, il n'y a pas lieu de mener la réflexion sur un meilleur mécanisme de sécurisation des sites miniers afin que la production puisse se poursuivre ?

A mon humble avis et l'expérience vécue de la crise sécuritaire nous enseigne que l'ONASIM est peut-être une institution de trop ! La crise sécuritaire est intervenue et l'ONASIM a éprouvé des difficultés réelles à sécuriser les sites miniers. Pourquoi ne pas réfléchir à une autre formule en s'appuyant sur le département dédié à la mission de sécurisation du territoire national. Il y a peut-être un gaspillage de ressources, il faudrait donc évaluer l'ONASIM et avoir le courage de dire que ce n'est pas son rôle de sécuriser les sites miniers. Peut-être qu'il peut le faire pour les sites miniers artisanaux, mais ce qui est de la sécurisation des mines industrielles, il faut la confier à ceux qui sont habilités à assurer la défense du territoire.

L'approche de sécurisation des mines doit être revue ; et qui dit sécurisation, dit engagement de moyens humains, financiers, d'équipements, etc. Si les mines pourvoient aujourd'hui à environ 80% des recettes budgétaires, sinon plus, l'Etat doit en toute souveraineté adopter une stratégie de défense de sa « poule aux oeufs d'or » que sont les mines.

Le code minier dispose que l'Etat « assure l'exploitation paisible et la jouissance du droit minier que je concède à l'entreprise minière ». Il ne faudrait donc pas demander à un civil, l'ONSIM, de penser à une stratégie de défense, de protection des mines, cela est même dérangeant. Il faut avoir le courage de recentrer les choses, de reconnaitre que nous nous sommes trompés dans nos choix ; à un moment donné, nous avons estimé opportun de créer l'ONASIM, aujourd'hui ayons le courage de le supprimer et voir comment mieux nous organiser pour sécuriser nos mines. La relecture du code minier constitue une opportunité pour le faire !

S : Sur le plan de la fiscalité minière, quels sont les aspects à améliorer, à réviser à l'occasion de cette relecture du code minier ?

A.S : Il serait bien de faire une évaluation de notre dispositif fiscal qui s'applique au secteur minier. Nous avons modélisé le système fiscal applicable à ce secteur, ce qui a permis de valider l'acceptation du code minier. Nous sommes passés d'un taux nominal de 17,5% à 27,5% ; c'est une avancée, car ce n'était pas gagné d'avance. Nous avons obtenu que les règles d'assiette fiscale ne soient plus dans le périmètre de la clause de stabilisation douanière et fiscale.

Je profite attirer l'attention sur la convention minière type qui est adoptée par décret a réintroduit les règles d'assiette dans le périmètre de la clause de stabilisation fiscale et douanière ! Il faudrait rapporter ce décret et sortir les règles d'assiette de cette clause.

Pour revenir aux éléments de fiscalité, il y a des avancées. Lorsque nous avions modélisé, nous avions réduit l'écart de partage de la rente minière entre les opérateurs miniers, pour les mines qui devraient entrer en production sous le régime du code de 2014. A l'époque, nous avions déploré que les gisements qui présentaient les meilleurs potentiels aient été cédés (permis d'exploitation) sous le régime du code minier de 2003. Ce qui veut dire en d'autres termes qu'en raison de la clause de stabilisation (gel des conditions fiscales et douanières d'exploitation) qu'il y a deux régimes miniers qui coexistent. Des entreprises minières qui bénéficient de la clause de stabilisation et des taux d'imposition de 17,5 % du code minier de 2003 et celles qui ont eu leur convention signée après la loi de 2014 et qui sont sous le régime du nouveau code minier.

La clause de stabilisation douanière et fiscales « classique » intégrée dans le code minier du Burkina Faso, devrait évoluer vers les nouvelles générations de clause qui sont basées sur le maintien de l'équilibre économique de départ qui a prévalu à la délivrance du permis d'exploitation par l'Etat. Si cet équilibre est rompu, les deux parties au contrat minier devrait revoir la convention minière pour rétablir l'équilibre.

En résumé, le régime fiscal actuel est robuste, exceptée quelques exonérations ! Mais, on peut aller plus loin dans la gestion des exonérations, en les indexant sur des éléments économiques précis. Que par exemple l'exonération prenne fin dès que l'entreprise ait recouvré ce qu'elle a engagé comme coût d'investissement ; que certains allègements fiscaux soient indexés sur les niveaux d'investissements réalisés. Par exemple, pour une mine qui va durer trois, il faut réfléchir pour voir s'il y a nécessité, selon son modèle financier, de lui accorder toutes les exonérations générales qu'on a l'habitude d'accorder. Il faut donc se poser des questions en lien avec les éléments économiques du gisement en question pour mieux gérer au mieux la question des exonérations, et même pourquoi ne pas réduire le taux d'imposition s'il le faut.

L'autre aspect à prendre en compte est relatif aux projets connexes à l'exploitation de la mine. Nous avons le cas de la mine de Tambao qui devrait reconstruire le chemin de fer, aménager les villes traversées pendant le transport du minerai ; malheureusement, il y a un mauvais agencement des contrats à mon avis. La seule mine de Tambao avait plusieurs contrats superposés : un contrat international entre la Côte-D'Ivoire, le Burkina Faso et le groupe Bolloré pour le volet transport, un contrat entre les deux pays, un contrat entre l'Etat burkinabè et la compagnie devant exploiter la mine. Quand vous avez plusieurs contrats qui peuvent avoir des clauses contradictoires, des délais d'exécution contradictoires, cela pose problème. La révision du code minier devrait prévoir que la convention minière prenne en compte tous investissements connexes réalisés par les sociétés minières et qui sont négociés à côté du principal. Tout cela fait partie des expériences tirées de la mise en oeuvre du code dont il faut s'inspirer pour proposer la nouvelle relecture.

Si on prend la patente, qui est une taxe destinée au budget de la collectivité, au lieu d'exonérer les minières de cette contribution comme c'est le cas actuellement, l'on pourrait prévoir qu'elle sera prélevée et affectée au bitumage des routes et assainissement des collectivités impactées et affectées par l'exploitation minière. Vous voyez que pendant longtemps les populations bloquaient les routes parce qu'elles sont poussiéreuses et leur créent des nuisances. L'Etat pourrait donc penser à un complément budgétaire pour la réalisation de ces infrastructures routières et d'assainissement.

Mais si on va dans le sens de la multiplication des impôts, ne court-on pas le risque de faire fuir les investisseurs ? Autrement, comment concilier l'attractivité du secteur minier et optimisation des retombés pour l'Etat et les collectivités ?

Si vous posez cette question à une société minière qui a vu le rythme de sa production perturbé à maintes reprises, parce qu'on a bloqué ses camions, vous aurez la réponse ! Les populations locales ont besoin de réalisations concrètes, de savoir que ce sont les revenus de la mine qui ont servi à bitumer les routes, creuser les caniveaux, leur offrir des infrastructures, des équipements sociaux de base.

Cela constitue un élément d'attractivité, car la réalisation de telles infrastructures au bénéfice des populations riveraines, permet à la mine de mener son exploitation de manière paisible et les minières ne demandent que cela. Si l'Etat propose des solutions concrètes qui permettent de réaliser des investissements concrets au profit des communautés locales, les mines ne vont jamais refuser !

On dira même que l'Etat a créé un climat favorable pour une exploitation paisible des substances de mines. Et les compagnies minières ont besoin d'une cohabitation apaisée avec les collectivités.

L'attractivité ne veut pas dire un désarmement fiscal, comme le souhaite beaucoup de gens. Les éléments d'attractivité se trouvent ailleurs ! Par exemple, les mines disent chaque fois que le carburant, qui est un intrant de production coûte cher. Être attractif c'est quand par exemple l'Etat essaie de voir comment il peut permettre que les mines puissent s'approvisionner directement sur le marché en hydrocarbure qu'elles utilisent, et qu'il y ait une transparence dans les négociations des prix d'acquisitions. Et il existe ainsi de nombreux leviers d'attractivité sur lesquels actionner pour attirer davantage les investisseurs, plus tôt que de penser à exonérer d'impôts les entreprises minières qui souvent n'en demandent même pas !

Il y a de plus en plus le débat sur les minerais de transition, pour lesquels certains estiment qu'il faut leur appliquer une fiscalité spécifique. Quel est votre commentaire sur cette question ?

Il existe plusieurs outils fiscaux. C'est maintenant qu'il faut engager la réflexion pour voir s'il faut appliquer aux minerais de transition le système fiscal applicable au secteur extractif de manière globale ou est-ce une opportunité pour réorganiser notre système de captation des revenus sur ces minerais de transition qui sont rares, recherchés et pour lesquels les gens sont prêts à payer le prix fort. Je proposerais une autre approche, qui ne consiste pas à prendre l'argent frais, mais qui va vers une fiscalité de troc.

Par exemple, certains pays donnent leur pétrole en exploitation et retour, l'investisseur leur construit un stade, une route, un aéroport, un complexe sanitaire, etc. Il faut donc être prospectif avec ces minerais de transition qui vont occasionner beaucoup de changement : des voitures électriques, les machines électriques, moins polluantes. La fiscalité devrait être un outil pour nous permettre de nous approprier la technologie qui est en train d'être développée au lieu de prendre l'argent comme on aime le faire ! La fiscalité devrait donc réfléchir à des outils qui obligent à un transfert de technologies, à ce qu'on construise des unités de fabrication ou de transformation dans les pays hôtes riches en ressources naturelles. Nous ne devrions pas revivre la situation actuelle d'exportation des minerais et du pétrole brut.

Dans la même lancée, faut-il aller vers une approche de fiscalité en nature où, en lieu et place de l'argent, l'Etat prend des minerais, des lingots d'or par exemple, comme certains pays le font ?

Les derniers actes du gouvernement ayant consisté à réquisitionner des quantités d'or et qui ont fait couler beaucoup d'encre posent véritablement le problème de la constitution de réserves d'or pour les Etats. Les institutions de Breton Woods ont défini des conditions pour constituer des réserves d'or. La France a beaucoup de réserve d'or alors qu'elle n'a pas une seule mine d'or. Tout le monde connait l'intérêt stratégique et économique pour un pays de disposer de réserves d'or.

Nos sous-sols sont pleins d'or mais nous n'avons pas de réserves d'or, nos banques centrales peinent à constituer des réserves d'or. Il faudrait une démarche communautaire avec un code minier communautaire donnant des orientations visant engager les codes miniers nationaux sur cette voix. Nous avons des pays comme la Guinée, la Mauritanie qui sont des exemples en matière de constitution de réserves d'or. Cela permettrait que l'on ne nous classe plus parmi les pays très pauvres, alors que nous avons des richesses.

S : Il y aussi le cas des sociétés minières qui découvrent des minerais qui n'étaient dans le champ de leurs permis de recherche et qui devancent l'Etat pour l'annoncer à l'international sur les places boursières, tirant ainsi profit des avantages directs ou indirects liés à cette annonce. Nous avons l'exemple du Burkina Faso où une société minière a annoncé la découverte de lithium à la Bourse de Toronto. Il semble qu'il y un vide juridique sur la question...

A.S : Les meilleures pratiques en matière de processus d'annonce de découvertes des réserves recommandent des diligences à mettre en oeuvre pour informer l'Etat qui a intérêt à connaitre le potentiel de ses gisements, les quantités y relatifs, car beaucoup d'intérêt stratégiques y sont liés. Si par exemple l'Etat sait qu'il a un gisement d'une durée de 50 ans, il peut y adosser des emprunts. Il est également important de connaitre ses réverses quand on connait l'impact d'une annonce d'une réserve importante de substance de mine sur les places boursières ! Avec ce qui s'est passé, l'Etat devait légiférer sur un process qui oblige la société minière en phase de recherche qui fait la découverte d'un minerai à l'informer d'abord, à obtenir son autorisation avant d'aller l'annoncer sur les marchés boursiers.

S'il y a des dividendes, des retombés directes ou indirectes liées à l'annonce, il faudrait qu'il y ait des discussions préalables. Est-ce que celui qui annonce est intéressé pour aller à l'exploitation du minerai découvert ou veut le céder à quelqu'un d'autre. Cela peut être une opportunité pour mettre en concurrence les potentiels investisseurs qui seraient intéressés pour développer un projet minier autour de cette découverte.

S : Dans les sociétés minières, l'Etat détient des parts sociales à hauteur de 10%. Il semble que leur rentabilité n'est pas si évidente. Qu'en est-il réellement ?

A.S : Sur le plan des outils fiscaux ou des instrument budgétaires pour capter le maximum de revenus générés par l'exploitation minière, par expérience, pour ce qui concerne le Burkina Faso, à une certaine époque, les entreprises acceptaient de distribuer les dividendes, et l'Etat engrangeait des revenus. Mais depuis une certaine date, elles ont optimisé en exploitant les dispositions du droit OHADA, le dispositif SYSCOHADA, qui autorisent, malgré les réserves légales qu'elles constituent et puissent décider souverainement de ne pas distribuer les dividendes. C'est ce que la majeure partie des entreprises ont opté de faire depuis un moment ! ce qui a fait instituer une disposition qui veut que dès que l'entreprise réalise un bénéfice comptable, elle doit payer à l'Etat les dividendes correspondants à sa prise de participation. Mais l'application de cette disposition n'est pas toujours effective.

A mon avis, au regard de l'expérience vécue, il y a lieu de revoir la manière de gérer ces parts résultant de la prise de participation de l'Etat au capital de 10% !

En principe, prendre des parts dans une entreprise permet de participer au conseil d'administration, d'avoir accès à un certain nombre d'informations qui permettent d'anticiper sur certaines décisions des actionnaires. Mais malheureusement 10% d'actions vous place dans la catégorie d'actionnaires minoritaires qui n'ont pas droit de vote sur certaines décisions ! Il ne me parait pas indiqué que l'Etat reste à ce statut où il perd de l'argent. Par ailleurs, il est prévu dans le code minier que dès qu'il y a un bénéfice comptable, que l'entreprise donne à l'Etat sa part.

Je suis pour la prise de participation dans le capital des sociétés minières par l'Etat, mais à condition que l'Etat change de mode de gestion, de surveillance et de contrôle de ses parts. N'oubliez pas que quand vous êtes actionnaires, les problèmes qui arrivent à la mine sont vos problèmes. Lorsqu'il y a une grève dans la mine, l'Etat, en tant qu'actionnaire, doit accompagner à trouver la solution, à sauver les emplois. Mais de l'expérience, plusieurs mines ont été en difficultés mais l'Etat en tant qu'actionnaire n'a pas agi, fait de proposition pour sauver les emplois, il est resté rigide sur sa position ! Nous avons deux ou trois mines qui, pour des questions de trésorerie ont fini par fermer car les actionnaires n'ont pas pu trouver de solutions pour sauver la mine.

Lorsque l'Etat prend des parts dans le capital des sociétés minières, il faudrait une stratégie réfléchie pour accompagner cette prise de participation. Aujourd'hui, il n'y a aucun document qui trace des lignes directrices en la matière ! On a créé la SOPAMIB pour gérer les actifs de l'Etat, mais elle n'est toujours pas opérationnelle. Mais avant, il fallait faire un audit sur le portefeuille de l'Etat, les dividendes perçus ou non depuis que les mines sont entrées en production, de ce qu'on a fait de ces revenus, les difficultés rencontrées. Cela devrait permettre de tirer les leçons, de dire s'il faut garder les parts de l'Etat à 10% ou passer à 20%, 30%, etc. ! Je ne pense pas que ce travail a été fait !

On entend souvent parler d'éventuelles failles, insuffisances dans le contrôle de la production minière...

Le code a disposé sur l'obligation des sociétés minières à se soumettre à l'inspection technique des mines. Ce qui fait peut-être défaut, ce sont les textes d'application, les ressources humaines en charge de cette inspection technique ; il y a même un fonds qui a été créé et alimenté pour que le ministère technique et les autres départements puissent disposer suffisamment de ressources pour exercer effectivement l'inspection technique des mines. Si cela n'est pas fait ou pas suffisamment fait, le problème est ailleurs. Sinon au niveau du code minier, le dispositif juridique existe et les sociétés minières sont rompues à se soumettre à ces obligations d'inspections. Mais pour bien le faire, il faut des manuels de procédures, des ressources humaines bien formées, des outils, de la technologie. Il faut s'y atteler, et cela relève de la volonté de ceux qui animent les directions techniques en charge de cette question !

 

 

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