La transformation des établissements publics en SA avance à petits pas
Où en est le processus de transformation des établissements publics en sociétés par action, initié il y a plusieurs années ? Selon certains médias nationaux, «un plan d'action a été élaboré pour le processus de restructuration» et «cinq établissements publics ont été désignés». Il s'agit de l'Office national des aéroports (ONDA), de l'Office national des chemins de fer (ONCF), de l'Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC), de l'Agence Maghreb Arabe Presse (MAP) et de l'Office national des hydrocarbures et minéraux (ONHYM).
Selon les mêmes sources, «de grandes avancées ont été réalisées», indiquant que «d'autres institutions seront également ajoutées au plan d'action en fonction de l'avancement des dialogues stratégiques et de la préparation des mesures structurelles».
Rappel
Mais que signifie ce processus ? D'après Mohamed Benchaâboun, ex-ministre des Finances, ce processus doit aboutir à la transformation des établissements publics à caractère commercial en sociétés anonymes (SA). Il doit également permettre la liquidation des établissements et entreprises publics (EEP), qui n'ont plus de raison d'être ou qui ne remplissent pas leurs missions avec l'efficacité requise, ainsi que la création de groupes ou pôles sectoriels homogènes. L'objectif, in fine, est d'améliorer l'efficacité du secteur public et de rationaliser ses dépenses.
Hicham Attouch, professeur d'économie à l'Université Mohammed V de Rabat, rappelle que ce processus ne date pas d'aujourd'hui mais remonte aux années 2012/13 avec la publication de certains textes relatifs aux règles de gouvernance des établissements publics. Avant que ce sujet ne refasse surface au cours des années 2018/19. «Mais, il a fallu attendre le discours du Trône du 29 juillet 2020, lors duquel sa Majesté le Roi a appelé à une réforme profonde du secteur public qui doit être lancée avec diligence pour corriger les dysfonctionnements structurels des établissements et des entreprises publics. A ce propos, le Souverain a appelé à la création d'une Agence nationale dont la mission consiste à assurer la gestion stratégique des participations de l'Etat et à suivre la performance des EEP», nous a-t-il expliqué.
L'année 2021 a constitué, toujours selon notre interlocuteur, le début effectif du processus de restructuration via la suppression de certaines entités publiques. Et de préciser que ce processus a concerné en principe les établissements publics déficitaires qui font l'objet de contrat-cadre avec l'Etat pour sauvetage et redynamisme. «Le processus de transformation en société par action a pour objectif de leur garantir plus de flexibilité organisationnelle et managériale ainsi qu'une ouverture du capital. En effet, le statut de SA donne plus de moyens pour créer ou supprimer de nouvelles entités permettant ainsi un meilleur positionnement pour ces entreprises publiques», a-t-il fait savoir.
Organisation managériale ne va pas forcément de pair avec privatisation totale
Dysfonctionnements
Un rapport sur le secteur des établissements et entreprises publics accompagnant le projet de loi de Finances 2021 élaboré par la Direction des entreprises publiques et de la privatisation a souligné que «les résultats des diagnostics réalisés par les différentes instances de contrôle (Parlement, Cour des comptes, audits externes réalisés pour le compte du chef du gouvernement, Inspection générale des finances, agents de contrôle du ministère chargé des Finances...) font ressortir que malgré les différents apports des EEP au développement socioéconomique (infrastructures, services publics, présence à l'international...), leur développement demeure entravé par un certain nombre de dysfonctionnements et de fragilités dont la multiplication des EEP, notamment ceux à caractère non marchand avec parfois des chevauchements entre EEP, ou avec des structures administratives relevant des ministères ; la dépendance des EEP notamment ceux non marchands du Budget général de l'Etat ; la concentration et la faiblesse des transferts vers l'Etat ; les besoins croissants exprimés par des EEP marchands en matière d'appuis étatiques en fonds propres et/ou en garantie pour leur pérennité/développement ; l'absence de synergies et de tailles critiques permettant une croissance externe ; l'essoufflement des modèles économiques de certains EEP et une gouvernance nécessitant d'être dynamisée davantage et des liquidations (plus de 70 entités) qui traînent depuis plus d'une décennie faute de volontarisme, notamment des tutelles techniques.
Ces fragilités ont été exacerbées, ajoute le rapport, par le contexte né de la pandémie de Covid-19 qui a touché frontalement certains EEP mettant à nu leurs faiblesses structurelles. En même temps, la crise a créée de nouvelles opportunités pour des réformes de fond et accélérées.
Concernant l'entrée en lice de la MAP dans ce processus de restructuration, Hicham Attouch soutient que cela s'inscrit dans le cadre de la continuité de la libéralisation du champ audiovisuel. Autrement dit, il s'agit, selon lui, d'une sorte de déverrouillage de ce champ. «Le monopole n'a plus de raison d'être, notamment avec la création de la HACA. Nous sommes face à la même configuration des télécoms avant la libéralisation du secteur des télécommunications», a-t-il rappelé.
Suspense
Toutefois, une question demeure sur toutes les lèvres : ce processus de restructuration aura-t-il des conséquences sur les coûts et prix des prestations ? «Il s'agit là d'une réforme organisationnelle et managériale à ne pas confondre avec une libéralisation totale. Les coûts et prix des prestations demeurent toujours sujet des cahiers des charges», nous a répondu notre source. Et qu'en est-il de la question de la privatisation présente dans certains esprits qui pensent que ce processus est le début d'une vaste opération de privatisation des EEP ? «Cette question ne date pas d'aujourd'hui. Benchaâboun a déjà affirmé que la transformation des établissements publics à caractère commercial en sociétés anonymes ne signifie en aucun cas leur privatisation puisque le but reste de perfectionner la gouvernance de ces établissements, et de les faire bénéficier des mécanismes de mobilisation des financements. L'ex-ministre a cité en exemple plusieurs établissements publics transformés en SA et qui n'ont pas été privatisés, dont la Société nationale des transports et de la logistique (SNTL), le Groupe OCP ou encore Barid Al-Maghrib. Toutefois, il faut rappeler que ce processus demeure une médaille avec deux faces recelant de grands enjeux et que rien n'est inscrit dans le marbre».